No 183 – série 2024-2025
Évangile du lundi 24 mars – 3e semaine de Carême
Tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions
Jésus, comme Élie et Élisée, n’est pas envoyé qu’aux seuls Juifs (Lc 4, 24-30)
Dans la synagogue de Nazareth, Jésus déclara : « Amen, je vous le dis : aucun prophète ne trouve un accueil favorable dans son pays. En vérité, je vous le dis : Au temps du prophète Élie, lorsque pendant trois ans et demi le ciel retint la pluie, et qu’une grande famine se produisit sur toute la terre, il y avait beaucoup de veuves en Israël ; pourtant Élie ne fut envoyé vers aucune d’entre elles, mais bien dans la ville de Sarepta, au pays de Sidon, chez une veuve étrangère. Au temps du prophète Élisée, il y avait beaucoup de lépreux en Israël ; et aucun d’eux n’a été purifié, mais bien Naaman le Syrien. »
À ces mots, dans la synagogue, tous devinrent furieux. Ils se levèrent, poussèrent Jésus hors de la ville, et le menèrent jusqu’à un escarpement de la colline où leur ville est construite, pour le précipiter en bas. Mais lui, passant au milieu d’eux, allait son chemin.
Méditation – Être prophète c’est porter la voix de Dieu et non celle des puissants
Qu’est-ce qu’un prophète ? non pas celui qui prédit l’avenir, mais bien celui qui parle de la part de Dieu. Le bon prophète est celui qui transmet à travers sa parole, à travers sa vie et ses aléas, à travers toutes ses actions, le message qu’il reçoit de la part de Dieu. Le faux prophète, à l’inverse, sera celui qui exprimera ce que les gouvernants et les puissants de ce monde souhaitent entendre, en se parant d’un titre usurpé de prophète du Seigneur. Selon toute évidence, ils conduisent à la ruine. Il ne suffit pas de prêter serment sur la Bible pour être un homme de Dieu, attentif à sa Parole et à son Esprit : nous le constatons tous les jours.
Libre par rapport au pouvoir en place, parce que docile à l’Esprit de Dieu, et à Lui seul, le prophète peut donc ne pas être un soutien inconditionnel pour des dirigeants qui s’égarent. Il peut même être une voix forte exprimant des craintes ou une claire opposition face à certaines décisions. La tentation peut être grande de rechercher le bien d’un peuple au détriment d’un autre. Dieu, rappelons-le, a créé tous les hommes, et les aime d’un amour inconditionnel. Lorsque les hommes oublient cette vérité fondamentale, et voudraient faire de Dieu le fer de lance de leur combat pour asseoir leur suprématie, les prophètes viennent dénoncer cette utilisation abusive du Seigneur. Ils le font au péril de leur vie, à travers des actes forts, parfois non médiatisés, et cela indispose les détenteurs du pouvoir, hier comme aujourd’hui.
Faire l’unité d’un peuple en l’opposant aux autres a toujours été une tentation au fil de l’histoire. La notion de fraternité universelle dans laquelle nous entrons à chaque fois que nous disons « Notre Père » à l’invitation du Christ, fait bouger les frontières de nos cœurs. Cette réalité était déjà présente chez les plus grands prophètes de l’Ancien Testament, venant en aide à la veuve étrangère affamée, ou apportant la guérison au serviteur syrien, comme Jésus nous le rappelle aujourd’hui. Le prophète vient alors affirmer cet amour de Dieu pour tous. La solution des difficultés politiques et économiques ne peut alors se limiter au seul « peuple de Dieu ».
Quand un haut responsable catholique américain déclare : « Je voudrais que le pape François se concentre sur l’Eglise catholique et qu’il nous laisse nous occuper des frontières », il nous rappelle juste que notre Pape, dans la fragilité de son âge et de sa santé, se situe dans la lignée des vrais prophètes, ceux que le pouvoir souhaiterait au mieux cantonner dans les sacristies, ou au pire, comme dans ce passage de l’Evangile, précipiter au fond de l’abîme. Avec Moïse, nous pouvons nous écrier : « Ah ! puisse tout le peuple du Seigneur être prophète, le Seigneur leur donnant son Esprit ! » Nb 11, 29.
Et si cette question était déjà présente au creux de nos relations familiales, ou avec nos proches ? Combien de familles, d’associations, de lieux d’église où certains sont décriés, stigmatisés, simplement parce que l’amour propre, le besoin de reconnaissance et de pouvoir guident nos paroles et nos décisions au détriment du bien que tous voudraient pourtant accomplir… Que l’Esprit de Dieu fasse de chacun de nous de vrais prophètes d’humilité pour que la paix puisse germer en tous lieux !
Sr Marie-Emmanuel Raffenel, OP – raffenel@gmail.com
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