Évangile du lundi 22 avril – 4e semaine de Pâques (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)
« Moi, je suis la porte des brebis » Jn 10, 1-10
En ce temps-là, Jésus déclara : « Amen, amen, je vous le dis : celui qui entre dans l’enclos des brebis sans passer par la porte, mais qui escalade par un autre endroit, celui-là est un voleur et un bandit. Celui qui entre par la porte, c’est le pasteur, le berger des brebis. Le portier lui ouvre, et les brebis écoutent sa voix. Ses brebis à lui, il les appelle chacune par son nom, et il les fait sortir. Quand il a poussé dehors toutes les siennes, il marche à leur tête, et les brebis le suivent, car elles connaissent sa voix. Jamais elles ne suivront un étranger, mais elles s’enfuiront loin de lui, car elles ne connaissent pas la voix des étrangers. »
Jésus employa cette image pour s’adresser aux pharisiens, mais eux ne comprirent pas de quoi il leur parlait. C’est pourquoi Jésus reprit la parole : « Amen, amen, je vous le dis : Moi, je suis la porte des brebis. Tous ceux qui sont venus avant moi sont des voleurs et des bandits ; mais les brebis ne les ont pas écoutés. Moi, je suis la porte. Si quelqu’un entre en passant par moi, il sera sauvé ; il pourra entrer ; il pourra sortir et trouver un pâturage. Le voleur ne vient que pour voler, égorger, faire périr. Moi, je suis venu pour que les brebis aient la vie, la vie en abondance. »
Méditation
Dans la Symphonie pastorale de Beethoven, l’âme entend la voix d’une nature harmonieuse. Vivre à l’unisson de cette beauté, n’est-ce pas reconnaître la voix du Créateur ? Les violoncelles vibrent, les altos et les premiers violons chantent chacun à leur manière la mélodie qui ondule dès le début. Les instruments écoutent cette voix et se répondent. Puis, ce thème, avec une allure décidée, est repris dix fois dans une formule mélodique offrant une paix majestueuse. La flûte piccolo apporte sa fraîcheur sautillante, le basson plein de gaieté partage son humour, la flûte fait entrer les oiseaux dans la danse. Avec espièglerie, les instruments reprennent cet air léger venu d’un paradis de verdure. Un souffle commun anime cet arc-en-ciel sonore où chacun apporte sa couleur. Les instruments dialoguent dans une unité joyeuse pour redire le thème initial. Puis, dans le quatrième mouvement de la Symphonie pastorale, un orage éclate.
Dans notre monde, les orages éclatent sans cesse. Les éclairs déchirent le ciel. Au sein des violences, Jésus évoque des brebis sensibles à la voix de leur pasteur : « les brebis écoutent sa voix. » Le texte grec dit « phônê », c’est-à-dire le « son » par lequel les brebis reconnaissent l’aimé à l’accord qu’Il fait vibrer. Les brebis, comme les instruments d’une symphonie, reprennent l’air fredonné par le berger pour guider leurs pas, « les brebis le suivent, car elles connaissent sa voix. » La voix du berger ne garantit aucune assurance contre l’adversité. En effet, les brebis sont « la proie de toutes les bêtes sauvages » (Ez 34,5). Des voleurs et des bandits s’introduisent au sein même de ce paysage pastoral. La sinistre besogne du « voleur » dont le métier consiste à « voler, égorger, faire périr » introduit la mort dans l’enclos. Dans ce chaos, le prophète Ézéchiel annonce que Dieu lui-même se fera le berger de son peuple : « C’est moi qui ferai paître mon troupeau, et c’est moi qui le ferai reposer. » (Ez 34,15). En Se présentant comme berger, Jésus révèle Sa divinité. Sans cette voix divine, notre monde ne serait que mort. Privé de ce « son » venu du Ciel, l’amour ne serait qu’un soubresaut avant de retourner au néant. Nous serions les fils et les filles de l’absurde.
Mais, écoutons ! Dans le fracas de notre époque, une voix de bonté se fait entendre, elle coule comme une source. Où pouvons-nous apprendre à l’écouter sinon dans l’Église ? Au milieu des hommes, l’Église est cette institution qui répète qu’un bon berger existe. Le Christ-Église est ce lieu spirituel où la voix du berger est audible. Certes, l’Église comme organisation humaine peut décevoir. Mais, le Christ lui-même, crucifié à toutes les injustices du monde, a confié Sa mission à des hommes, à Pierre le traître, aux disciples qui carapataient comme des lapins devant les menaces… et à nous… C’est pourquoi, dans ce monde, le mystère de l’Église bruisse d’un chant venu de Dieu. L’Évangile est un son vivant. « L’Église ne déçoit pas quand on a compris ce qu’elle est : ce sol nourricier, cette grande force de vie qui nous est offerte et qu’il nous appartient de mettre librement en œuvre. Quand j’étais enfant, je voulais vivre près de la mer. Au village, pour me consoler, mon grand-père me faisait entendre le bruit des vagues au creux d’un coquillage. L’Église, c’est la mer qui se met à chanter pour toujours dans le coquillage du monde. » (1) Un chant pastoral se perçoit dans la voix du Christ : Sa voix assure qu’un amour existe. Le grain de Sa voix est bonté. Ceux qui entendent Sa voix s’empressent d’en jouer la mélodie.
Dans le vacarme de l’actualité, nous aimerions que le berger donne de la voix ! Nous aimerions qu’il pousse haut et fort son cri de victoire à la face au monde ! Mais, une telle attente, nous place-t-elle dans l’attitude de la brebis qui entend la voix du berger ? Considérons la grandeur du Christ dans « sa secrète résurrection » (2) déposée au cœur des hommes comme un secret confié à l’amour. Jésus n’est pas apparu à la foule qui criait « À mort ! À mort ! », car la Résurrection ne s’impose pas comme une vengeance. « Le Ressuscité (…) ne se montre pas aux puissants de ce monde, il se révèle seulement à ceux qui l’accueillent dans la foi et l’amour. Ce n’est pas la résurrection qui provoque la foi, c’est la foi qui permet à la résurrection de se manifester. » (3)
Qu’est-ce que reconnaître Jésus ? Comment être une brebis qui entend son berger ? Au matin de Pâques, Marie confondit Jésus avec un jardinier. Accaparés par le bruit, nous aussi, nous ignorons Jésus quand Il passe dans notre vie. Ce n’est qu’à l’appel de son prénom que Marie reconnut le Ressuscité : « Jésus lui dit alors : « Marie ! » S’étant retournée, elle lui dit en hébreu : « Rabbouni ! », c’est-à-dire : Maître. » (Jn, 20,16). C’est en soi, c’est dans le secret d’un appel qui résonne… dans la poitrine… que se dessine notre nom intime… Et ce nom, mis en mouvement, fait pivoter quelque chose : la voix de Jésus se fait entendre. « S’étant retournée » dit l’évangile. En nous, ne faut-il pas que quelque chose se retourne pour que la voix du berger devienne audible ? La disposition de notre cœur offre à la voix du berger une caisse de résonance pour retentir. Interpellés par ce cœur « brûlant » d’amour (Lc 24,32), nous entendons l’aspiration d’un mystère.
Vincent REIFFSTECK. vincent.reiffsteck@wanadoo.fr
(1) Olivier CLÉMENT, L’Autre soleil.
(2) Balise PASCAL, Les Pensées, L 308.
(3) Olivier CLÉMENT, Christ est ressuscité, Propos sur les fêtes chrétiennes.
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