Méditation quotidienne du lundi 19 février : « Voir ce que l’on voit » (No 155 – série 2023-2024)

Évangile du Lundi 19 février – 1re semaine de Carême (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)

« Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait» Mt 25, 31-46

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Quand le Fils de l’homme viendra dans sa gloire, et tous les anges avec lui, alors il siégera sur son trône de gloire. Toutes les nations seront rassemblées devant lui ; il séparera les hommes les uns des autres, comme le berger sépare les brebis des boucs : il placera les brebis à sa droite, et les boucs à gauche.
Alors le Roi dira à ceux qui seront à sa droite : “Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la fondation du monde. Car j’avais faim, et vous m’avez donné à manger ; j’avais soif, et vous m’avez donné à boire ; j’étais un étranger, et vous m’avez accueilli ; j’étais nu, et vous m’avez habillé ; j’étais malade, et vous m’avez visité ; j’étais en prison, et vous êtes venus jusqu’à moi !” Alors les justes lui répondront : “Seigneur, quand est-ce que nous t’avons vu… ? tu avais donc faim, et nous t’avons nourri ? tu avais soif, et nous t’avons donné à boire ? tu étais un étranger, et nous t’avons accueilli ? tu étais nu, et nous t’avons habillé ? tu étais malade ou en prison… Quand sommes-nous venus jusqu’à toi ?” Et le Roi leur répondra : “Amen, je vous le dis : chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait.”
Alors il dira à ceux qui seront à sa gauche : “Allez-vous-en loin de moi, vous les maudits, dans le feu éternel préparé pour le diable et ses anges. Car j’avais faim, et vous ne m’avez pas donné à manger ; j’avais soif, et vous ne m’avez pas donné à boire ; j’étais un étranger, et vous ne m’avez pas accueilli ; j’étais nu, et vous ne m’avez pas habillé ; j’étais malade et en prison, et vous ne m’avez pas visité.” Alors ils répondront, eux aussi : “Seigneur, quand t’avons-nous vu avoir faim, avoir soif, être nu, étranger, malade ou en prison, sans nous mettre à ton service ?” Il leur répondra : “Amen, je vous le dis : chaque fois que vous ne l’avez pas fait à l’un de ces plus petits, c’est à moi que vous ne l’avez pas fait.”
Et ils s’en iront, ceux-ci au châtiment éternel, et les justes, à la vie éternelle. »

Méditation

Le comédien américain Groucho Marx disait : « Dans chaque vieux, il y a un jeune qui se demande ce qui s’est passé. » Au dernier jour, quand le film de notre vie passera devant nos yeux, nous nous poserons peut-être cette question : dans ma vie, que s’est-il passé ?

Les paisibles brebis produisent du lait et de la laine pour la communauté. Sans faire de bruit, elles dispensent le bien qu’elles peuvent faire. Dans cette parabole, les brebis placées à droite ont vu la faim qui déchire les entrailles et la soif qui brûle. Mais, elles n’ont pas vu le roi comparable au « berger qui sépare les brebis des boucs ». Dans notre monde déchiré, elles n’ont pas reconnu le « Fils de l’homme ». Ces brebis demandent : « Quand sommes-nous venus jusqu’à toi ? » Elles interrogent le roi : « tu avais donc faim, et nous t’avons nourri ? » La faim pouvait-elle être le manteau qui recouvre le roi ? Leur question porte sur l’incroyable identité royale de cet affamé. Le roi ne s’offusque pas d’être passé incognito, de n’avoir pas été reconnu comme roi. 

Les boucs occupés à conserver leur pouvoir sur le troupeau ne produisent pas de lait. Les boucs placés à gauche ont vu la faim, la soif, mais ils n’ont pas vu le Fils de l’homme : « Seigneur, quand t’avons-nous vu avoir faim ? » Pourtant, les boucs ne sont pas surpris de savoir qu’un « Seigneur » existe, ni que ce « Seigneur » exige le « service ». « Seigneur » et « service » sont des mots qui font partie du vocabulaire des boucs occupés à maintenir leur pouvoir sur le troupeau. Pour eux, ces mots prennent une couleur de domination.  C’est pourquoi, ces boucs n’ont pas reconnu la faim comme un lieu pour honorer le roi berger. Ô Toi notre roi, devant Toi, « Fils de l’homme », nous, les boucs, nous sommes sont passés « sans nous mettre à ton service ». Ils ignorent que pour honorer le Seigneur, il faut entrer par la porte de service.

Dans cette parabole du jugement, le berger, qui parle depuis l’au-delà, prend soin de son troupeau qui écoute ici-bas. Le roi, dont la juridiction s’étend dans ce temps qui verra la gloire du Fils de l’homme, nous convoque dès maintenant, dans cet instant unique du présent. Le poète latin Horace écrivait : « Carpe diem ». Cette invitation à jouir des plaisirs pose une question : qu’est-ce que « profiter » de la vie ? Comme une abeille, comment puis-je faire mon miel de l’instant présent ? « La vie n’est qu’un instant qu’une heure passagère. Ma vie n’est qu’un seul jour qui m’échappe et qui fuit. Tu le sais Ô mon Dieu, pour T’aimer sur la terre je n’ai rien qu’aujourd’hui.» (1) Vivre l’heure d’aujourd’hui pour voir, pour aimer, pour exister. 

Dans cette parabole, Jésus ne fait pas une leçon de morale. Il ne fixe pas de devoir. Il invite à être ce que l’on est. Il enseigne à voir. Le sauveur ouvre nos yeux pour que, ce qui est sous nos yeux, existe à nos yeux. Oser voir exige d’être de plain-pied dans la réalité plutôt que dans nos abstractions. « Que voyons-nous ? Il faut toujours dire ce que l’on voit. Surtout il faut toujours, ce qui est plus difficile, voir ce que l’on voit. » (2)

Nous évacuons facilement la leçon de cette parabole du jugement dernier en disant que c’est une manière de parler qu’il faut replacer dans le contexte culturel de l’époque… Il faut prendre des distances par rapport à la lettre du texte… D’ailleurs, ajoute-t-on, le mot de « châtiment » qui clôt cette parabole est d’un autre âge…

Mettons-nous à l’écoute des brebis qui ont un lien de parenté avec l’Agneau. Peut-être le secret des brebis est-il de s’être senties nues ? Par cette nudité, elles ont rejoint ce roi incognito qui est nu dans le pauvre. Face à ce regard désarmant, les brebis posent les armes. Les brebis sont des lanceurs d’alerte.

Et si, en ce début de carême, nous prenions cette alerte au sérieux ? Et si mes yeux étaient faits pour voir ? Et si mon coeur était fait pour aimer ? Et si l’existence était faite pour exister ?   

Vincent REIFFSTECK.      vincent.reiffsteck@wanadoo.fr

  • « Mon chant d’aujourd’hui », poésie n°5 de Ste Thérèse de Lisieux. 
  • Charles Péguy, Notre jeunesse, 1910.

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