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Dieu fait toujours le premier pas – Méditation du lundi 17 mars 2025

No 176 – série 2024-2025

Évangile du lundi 17 mars 2e semaine de Carême

Tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions

« Pardonnez, et vous serez pardonnés » (Lc 6, 36-38)

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux. Ne jugez pas, et vous ne serez pas jugés ; ne condamnez pas, et vous ne serez pas condamnés. Pardonnez, et vous serez pardonnés. Donnez, et l’on vous donnera : c’est une mesure bien pleine, tassée, secouée, débordante, qui sera versée dans le pan de votre vêtement ; car la mesure dont vous vous servez pour les autres servira de mesure aussi pour vous. »

Méditation – Dieu fait toujours le premier pas

“Un voyage de mille lieues commence toujours par un premier pas” écrivait le philosophe Lao-Tseu. Ces mots de la sagesse chinoise qui ont traversé les siècles jusqu’à nous rejoignent le message reçu en méditant l’Evangile de ce lundi matin: le premier pas, l’importance du premier pas!

Ne jugez pas, et vous ne serez pas jugés ; ne condamnez pas, et vous ne serez pas condamnés. Pardonnez, et vous serez pardonnés. Donnez, et l’on vous donnera.” Mais dans la vie quotidienne, ce ‘premier pas’ du non jugement, de la non condamnation, du pardon, du don … qui le fera? Dans nos relations interpersonnelles, on aimerait tellement souvent que l’autre montre l’exemple, soit cohérent et fasse le premier pas. Ce premier pas du ‘voyage de mille lieues’ qu’est la miséricorde, qui le fera?

L’annonce inouïe de l’Evangile, c’est que ce ‘premier pas’ – déjà fait, déjà donné, assuré pour toujours – … est celui de Dieu! “L’amour a fait les premiers pas” nous murmure le chant déjà un peu ancien de Jo Akepsimas. Dans sa première épître, en évoquant ce qu’est l’amour (cf. 1 Jn 4,10) saint Jean fait cette magnifique déclaration: “Nous aimons parce que Dieu lui-même nous a aimés le premier.” (1 Jn 4,19) “Dieu n’a pas attendu que nous allions à Lui, mais c’est Lui qui est venu à nous, sans calculs, sans mesures. Dieu est ainsi: Il fait toujours le premier pas, Il vient vers nous.”[1] disait le Pape François dans sa toute première catéchèse après son élection (2013).

Dieu nous a aimés le premier”. C’est Lui qui sans exception fait toujours le premier pas dans son immense amour envers nous, dans le don de sa miséricorde. « Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux.” Voilà pourquoi avant de nous dire “ne jugez pas, ne condamnez pas, pardonnez, donnez” Jésus nous rapelle cette vérité essentielle et fondement de tout le reste: la miséricorde infinie du Père envers chacune de nos existences. Comme s’Il nous disait: souviens-toi, rapelle-toi combien tu as été aimé(e), pardonné(e) tant et tant de fois. C’est ce que fait l’apôtre Paul avec ses soeurs et frères de la communauté de Colosses: “Puisque vous avez été choisis par Dieu, que vous êtes sanctifiés, aimés par lui, revêtez-vous de tendresse et de compassion, de bonté, d’humilité, de douceur et de patience. Supportez-vous les uns les autres, et pardonnez-vous mutuellement si vous avez des reproches à vous faire. Le Seigneur vous a pardonnés : faites de même.” (Col 3, 12-13). L’appel unique de tout l’Evangile est le même: “Comme Lui”. Comme Lui, qui vous a cherchés, attendus avec patience, pardonnés plus de 70 fois 7 fois, “ne jugez pas, ne condamnez pas, pardonnez, donnez”.

Dans une de ses plus célèbres poésies, sainte Thérèse d’Avila résumait ainsi l’expérience de sa vie:

“Je suis vôtre, puisque Vous m’avez rachetée,
Vôtre, puisque Vous m’avez supportée,
Vôtre, puisque Vous m’avez appelée,
Vôtre, puisque Vous m’avez attendue,
Vôtre, puisque je ne me suis pas perdue”

et la suite du poème exprimait tout son désir de correspondre à ce “tant d’amour”: “que voulez-Vous que je fasse pour Vous?”

Jésus nous demande d’avoir foi en ce qui sera semé dans ce ‘premier pas’qui est le nôtre – et qui ne sera jamais que ‘le deuxième’ comme celui de saint Thèrèse -. “Ne jugez pas, et vous ne serez pas jugés ; ne condamnez pas, et vous ne serez pas condamnés. Pardonnez, et vous serez pardonnés. Donnez, et l’on vous donnera.” En écoutant cette parole si assurée de Jésus, notre coeur se révèle peut-être dubitatif et incrédule. Même si je tente de ne pas juger l’autre, qui me garantit que je ne serai pas jugé(e)? Si j’offre mon pardon à l’autre, serais-je vraiment pardonné(e) en retour? Si je donne, d’autres n’en profiteront-ils pas? Toutes ces pensées sont bien humaines … Et le prophète Isaïe nous rappelle en ce temps de carême: “Que le méchant abandonne son chemin, et l’homme perfide, ses pensées ! Qu’il revienne vers le Seigneur qui lui montrera sa miséricorde, vers notre Dieu qui est riche en pardon. Car mes pensées ne sont pas vos pensées, et vos chemins ne sont pas mes chemins, – oracle du Seigneur. Autant le ciel est élevé au-dessus de la terre, autant mes chemins sont élevés au-dessus de vos chemins, et mes pensées, au-dessus de vos pensées.” (Is. 55, 7-9). Dans la complexité et la réalité bien souvent ‘nouée’ de nos relations, nous pouvons effectivement douter de nos fragiles pas vers les autres, et oublier qu’ils ne seront jamais que des ‘deuxièmes pas’!

Mais l’Evangile ne précise pas le sujet des verbes en réponse: “vous ne serez pas jugés ; vous ne serez pas condamnés ; vous serez pardonnés ; l’on vous donnera.” C’est Dieu en Jésus qui nous garantit cela! Même si ma fragilité et celle de mes soeurs et frères, même si le mal ne me garantissent rien, Dieu, Lui, est le garant: “tu ne seras pas jugé ni condamné, tu seras pardonné et l’on te donnera une mesure pleine, débordante.”

Effectivement – et c’est là que Jésus veut en venir – le fait de faire ce ‘premier pas à sa suite’ (le deuxième en fait) ouvre quelque chose d’immense dans notre coeur. C’est comme permettre à sa miséricorde et son pardon de se mettre en mouvement, d’entamer la suite de leur ‘voyage de mille lieues’ à travers notre coeur! C’est l’appel du large, celui de la gratuité, du don sans rien attendre en retour, l’appel du non calcul. Une autre carmélite poète – la Petite Thérèse – nous a laissé ce chant jailli de son coeur libre et amoureux: “Vivre d’Amour, c’est donner sans mesure, sans réclamer de salaire ici-bas. Ah ! Sans compter je donne étant bien sûre que lorsqu’on aime, on ne calcule pas ! Au Cœur Divin, débordant de tendresse, j’ai tout donné… légèrement je cours, je n’ai plus rien que ma seule richesse : vivre d’Amour.”[2]

 Elle la connaissait bien, cette “mesure bien pleine, tassée, secouée, débordante, versée dans le pan de (son) vêtement”! En donnant gratuitement ce que nous avons reçu sans aucun mérite, plus encore ce qui nous a été pardonné sans mesure, elle savait, Thérèse, que c’est tellement plus encore qui nous serait donné!

Car la mesure dont vous vous servez pour les autres servira de mesure aussi pour vous.” Comment est-elle, ‘ma mesure’? Est-elle large, patiente, compréhensive, pétrie de compassion (cf. Col. 3, 12-13 ci-dessus) comme celle du Seigneur envers moi? Il y a quelques jours, dans un partage d’Evangile, deux amies confessaient quasiment la même chose. Toutes deux s’étaient prises en flagrant délit de jugement sèvère à l’encontre d’une autre personne pour quelque chose de très futile. Elles avaient pris conscience aussitôt de l’étroitesse de leur regard, de la mesure si mesquine avec laquelle elles avaient jugé l’autre personne. L’une d’elles disait: “Tout d’un coup je me rendais compte de mon amour à ce point rachitique … Je ne le savais pas. Ma conversion vers Pâques a commencé là.”

“Un voyage de mille lieues commence toujours par un premier pas.” Le voyage de la miséricorde a commencé par le premier pas de Dieu comme l’écrit magnifiquement saint Bernard de Clairvaux: “Voici que la paix n’est plus promise mais envoyée, non plus remise à plus tard mais donnée, non plus prophétisée mais proposée. C’est comme un couffin plein de sa miséricorde que Dieu le Père a envoyé sur la terre ; oui, dis-je, un couffin que la Passion devra déchirer pour laisser se répandre ce qu’il contient : notre paix ; un couffin, peut-être petit, mais rempli. Un petit enfant nous a été donné, mais en lui habite toute la plénitude de la divinité. […] Pourquoi déclare-t-il avec tant de soin sa miséricorde, au point de faire sienne notre misère elle-même ? Pourquoi est-il rempli d’une bonté telle que la parole de Dieu, pour nous, s’est faite herbe fanée ? Seigneur, qu’est-ce que l’homme, pour que tu penses à lui ? Qu’est- il pour que ton cœur en fasse tant de cas ? Voici où l’homme doit porter son attention pour découvrir quel souci Dieu prend de lui ; voici où l’homme doit apprendre quelle pensée et quel sentiment Dieu nourrit à son égard. N’interroge pas ce que tu souffres, toi, mais ce qu’il a souffert, lui. À ce qu’il est devenu pour toi, reconnais ta valeur à ses yeux, afin que sa bonté t’apparaisse à partir de son humanité. […] Quelle grande preuve de sa bonté il nous a donnée, en prenant tant de soin pour ajouter à l’humanité le nom de Dieu.”[3]

Si un tel Amour a fait le premier pas, puissent les nôtres aujourd’hui emboîter le sien, en mémoire reconnaissante du ‘tant d’amour’, de cette “mesure bien pleine, tassée, secouée, débordante, versée dans le pan de (notre) vêtement” tout au long de notre histoire. Comme Lui …

Laurence Vasseur – vasseurlaurence@hotmail.com


[1] Pape François, audience générale du 27 mars 2013, la toute première de son pontificat.

[2] Prière composée durant l’adoration du Saint-Sacrement le 26 février 1895, Vivre d’Amour !

[3] Sermon de saint Bernard pour l’épiphanie, À la plénitude des temps est venue aussi la plénitude de la divinité, 5ème jour dans l’octave de Noël, 29 décembre.




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