Méditation quotidienne du lundi 15 janvier : Le jeûne nourrit la jeunesse (No 120 – série 2023-2024)

Image par Dim Hou de Pixabay

Évangile du Lundi 15 janvier – 2e semaine du Temps ordinaire (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)

« L’Époux est avec eux » Mc 2, 18-22

En ce temps-là, comme les disciples de Jean le Baptiste et les pharisiens jeûnaient, on vint demander à Jésus : « Pourquoi, alors que les disciples de Jean et les disciples des pharisiens jeûnent, tes disciples ne jeûnent-ils pas ? » Jésus leur dit : « Les invités de la noce pourraient-ils jeûner, pendant que l’Époux est avec eux ? Tant qu’ils ont l’Époux avec eux, ils ne peuvent pas jeûner. Mais des jours viendront où l’Époux leur sera enlevé ; alors, ce jour-là, ils jeûneront.
Personne ne raccommode un vieux vêtement avec une pièce d’étoffe neuve ; autrement le morceau neuf ajouté tire sur le vieux tissu et la déchirure s’agrandit. Ou encore, personne ne met du vin nouveau dans de vieilles outres ; car alors, le vin fera éclater les outres, et l’on perd à la fois le vin et les outres. À vin nouveau, outres neuves. »

Méditation

Dans les brocantes, se rencontrent des objets insolites comme la queue touffue d’un demi-renard empaillé. Grâce au progrès de notre époque, avec nos yeux libérés par la modernité, quand nous lisons l’évangile, nous découvrons des bizarreries comparables : « jeûner » et « Époux », voilà deux mots dont on ne sait plus quoi faire ! On les regarde comme les témoins d’une époque révolue, comme des déchets rejetés par la mer sur nos côtes. Grâce aux supermarchés, nous n’avons plus besoin de « jeûner » ! Grâce à l’effondrement des mariages, nous oublions ce que le mot d’« Époux » contenait de patriarcal !

Pourtant, en fin de semaine, nous promenons notre désespoir dans les immenses zones commerciales. Nous guettons les applications de rencontres pour trouver quelqu’un à aimer… même un peu… même mal… Dans ce qu’on achète, on guette quelque chose de beau qui ne s’achèterait pas… On ne sait même pas quoi… au fond, on ne sait même pas s’il existe ce bonheur… qui ferait de la vie une chance. Malgré tout, un bout d’âme, qui ne se résigne pas, désire encore… On cherche comme un troupeau sans guide. Alors, on suit la chanson qui traîne… dans le supermarché, on suit la file des chariots à roulette… on suit les idées qui mènent le monde sans savoir où il va.

Dans l’immense centre commercial, un institut de beauté est décoré. « Vivez une oasis de confort » déclare une banderole qui traverse le magasin. La vitrine expose un gros cylindre contenant une gélatine éclairée par un néon couleur menthe glaciale. De fines bulles frissonnent dans cette pâte. Pour les clients essoufflés, l’institut organise un « moment zen ». Au milieu du cylindre, un soleil de plastique monte et descend au rythme d’une respiration qui chercherait à s’apaiser. Sur le soleil, une inscription donne un ordre aux passants : « SoyeZ Zen ». Les deux « Z », qui se rejoignent, balafrent le soleil comme un gros oeil qui regarde les gens à travers sa gélatine. Notre conception du « bonheur » est flasque comme cette pâte où flotte un soleil de plastique. Le néant suintant propose sa tentation : une parenthèse de bien-être avant de retourner au stress. Notre expérience de la « paix » se réduit à suivre, par la respiration, ce soleil balafré qui monte et descend en ordonnant : « SoyeZ Zen ».

L’âme est happée, livrée à l’extérieur. Nous ne savons plus utiliser notre âme. Pourtant, même écrasée de négligence, notre âme n’est pas morte. Notre désir d’aimer bouge encore ! Notre désir d’être rempli par quelque chose qui nourrit crie famine ! Dans le réel, il existe bien quelque chose qui se lève et fait face. Dans nos déserts affectifs, quelque chose prend forme et visage. Sans Dieu, nos quêtes de bonheur s’effondrent dans le désespoir. On aura beau s’inventer des illusions pour faire taire nos échecs, nos désillusions crieront plus fort que nos mensonges.

Ce qui donne visage et intimité à la Vie, le symbolisme de la Bible le nomme « Époux ». C’est dire qu’après notre désespoir le plus profond, une aurore brille. Le monde qui se crispait laisse apparaître un visage qui sourit. Le néant mollasson qui, frénétiquement, veut se rassurer sans y parvenir n’a pas le dernier mot… Car, la paix ne se réduit pas à un bien-être respiratoire. Dans l’oraison où nous rajeunissons, un soleil de justice nous réveille. C’est l’expérience du Christ ! Comme un éclair dans une nuit épaisse, se révèle un vis-à-vis intime qui fait sens. Notre réalité s’approfondit : à la moitié déchirée de notre âme correspond un Époux amoureux qui attend. Oublieux de la profondeur que le Christ apporte, nous ne savons plus nous servir de notre âme.    

Pour retrouver cette vérité qui fait sens, nous avons besoin de « jeûner » pour incorporer dans notre chair la souffrance du manque. C’est une épreuve de vérité qui nous pose face à l’Époux. Notre vide, nous avons besoin de l’éprouver. Pour retrouver l’Époux, nous avons besoin de parcourir chaque centimètre du territoire abandonné au mensonge, refaire à genoux la vaste étendue concédée à la confusion. Notre manque, nous avons besoin de l’honorer par une attitude de vérité qui se repent. Alors, seulement en jeûnant des nourritures adultérées, nous retrouverons l’esprit d’enfance, au jardin dans ce premier matin du monde. Naïf et tendre, notre esprit écoutera l’Esprit où toute chose devient neuve. Par le jeûne, reverdiront les possibles qui rendent jeune.  

Vincent REIFFSTECK.       vincent.reiffsteck@wanadoo.fr

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