No 36 – série 2024-2025
Évangile du lundi 14 octobre – 28e semaine du Temps ordinaire
Tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions
« À cette génération, il ne sera donné que le signe de Jonas » Luc (11, 29-32)
En ce temps-là, comme les foules s’amassaient, Jésus se mit à dire : « Cette génération est une génération mauvaise : elle cherche un signe, mais en fait de signe il ne lui sera donné que le signe de Jonas. Car Jonas a été un signe pour les habitants de Ninive ; il en sera de même avec le Fils de l’homme pour cette génération. Lors du Jugement, la reine de Saba se dressera en même temps que les hommes de cette génération, et elle les condamnera. En effet, elle est venue des extrémités de la terre pour écouter la sagesse de Salomon, et il y a ici bien plus que Salomon. Lors du Jugement, les habitants de Ninive se lèveront en même temps que cette génération, et ils la condamneront ; en effet, ils se sont convertis en réponse à la proclamation faite par Jonas, et il y a ici bien plus que Jonas. »
Méditation – Le signe de Jésus
Dans l’Evangile de ce lundi matin, Jésus a une Parole forte : « Cette génération est une génération mauvaise : elle cherche un signe, mais en fait de signe il ne lui sera donné que le signe de Jonas. » Chercher des signes, un signe, est-ce une si mauvaise chose ? Cela fait-il de nous, comme Il le dit, « une génération mauvaise » ? Et puis ce « signe de Jonas », qu’est-ce que cela peut bien vouloir nous dire ?
En méditant ce passage, je me suis d’abord interrogée sur ce besoin de signes – de voir des signes, de recevoir des signes – que nous avons nous, les humains. Qu’est-ce que cela dit de nous ? Cela dit peut-être tout simplement que nous sommes des êtres de chair ! Pour comprendre et appréhender la réalité, notre être a besoin de voir, d’entendre, de toucher, de sentir, de goûter. Et cela passe par notre corps – notre toute première instance relationnelle -, notre corps qui a des yeux pour être saisi par un regard d’amour ; une peau sensible au toucher, à la tendresse ; des oreilles capables de vibrer au murmure de la Vie ; un odorat merveilleux … Dieu nous a créés comme ça ! Nous sommes faits pour expérimenter le monde en apprenant peu à peu à en lire les signes.
Alors, comment comprendre cette Parole si arrêtée de Jésus ? « Cette génération est une génération mauvaise : elle cherche un signe ». Il ne juge absolument pas le besoin de signes « incarnés » dont on vient de parler. Ce à quoi Jésus fait allusion ici est tout autre chose. Il me semble souligner plutôt la tendance du cœur humain à « demander des signes extraordinaires », des « miracles » pour se convaincre de la vérité de Dieu, de son existence, de son pouvoir. Jésus s’est souvent confronté durant sa vie missionnaire à des cœurs disposés à croire et à se convertir à condition de recevoir des preuves tangibles de sa divinité. C’est cela qu’Il veut mettre en lumière. Pourquoi ton cœur est-il si lent à croire ? Que te faut-il encore pour oser enfin t’abandonner dans la confiance en ma Parole ? « En fait de signe il ne (te) sera donné que le signe de Jonas. »
Le « signe de Jonas », et bien c’est Jonas lui-même ! Sa vie personnelle « retournée » par la Parole de Dieu1 et son annonce ont amené tout le peuple de la ville de Ninive à revenir vers le Seigneur de la Vie. Voilà le seul signe qui vous sera donné, nous dit Jésus. « Jonas a été un signe pour les habitants de Ninive ; il en sera de même avec le Fils de l’homme pour cette génération. »
Qu’est-ce que ça signifie que Jésus Lui-même devienne le signe pour « cette génération » ? Quel signe est-Il pour toutes les générations? Pour la nôtre au cœur de tant de crises à traverser ?
Tu désires voir des choses extraordinaires pour véritablement être capable de croire ? Tu cherches à obtenir des preuves évidentes pour te décider à faire un acte de foi ? Ne vois-tu pas que le plus grand signe extraordinaire est précisément « cela » qu’aucun humain n’aurait jamais pu inventer : Dieu fait homme au milieu de nous. Le signe le plus grand que Dieu ait jamais donné au monde, c’est précisément l’incarnation. Montrer au monde son Visage en son Fils Jésus ; devenir l’un des nôtres, humain, parlant notre dialecte. Son signe à Lui, c’est le signe de son Amour fait chair, geste, sourire, parole de consolation et de frère … Le signe de son humilité extrême pour « crier » silencieusement – scandaleusement aussi – aux oreilles du monde qui est Dieu, quel est son désir de Vie pour l’être humain. Comme le dit si clairement la Lettre aux hébreux « A bien des reprises et de bien des manières, Dieu, dans le passé, a parlé à nos pères par les prophètes ; mais à la fin, en ces jours où nous sommes, Il nous a parlé par son Fils » (chap. 1,1-2) La Parole définitive prononcée par le Fils est devenue « chair » et signe pour toutes les générations.
Ce cri à la fois silencieux et scandaleux de son humilité, le Seigneur me l’a fait entendre ces derniers jours à Malasiqui. C’est de cette région rurale de Pangasinan (où nous venons de terminer une mission avec des adultes de Corée et du Japon) que j’écris cette méditation. Un des jours du programme, nous avons été par petits groupes rendre visite aux malades et leur donner la communion. Imaginez-vous entrer dans la pièce à moitié obscure d’une petite maison dont la construction semble inachevée. Et découvrir là – au milieu d’un tas de choses désordonnées, dans une chaleur humide à peine soutenable – couché sur un petit matelas d’un lit en bambou le corps paralysé d’une femme. Dans la pénombre, on ne voyait que ses yeux grand ouverts, immenses, qui nous disaient combien Alegria – c’est son prénom (qui signifie « joie ») – attendait notre visite. Non, pas notre visite, mais LA visite de son Seigneur.
Pendant que nous lisions la Parole de Dieu à son chevet, le regard d’Alegria était fixé sur une image du Christ – le Jesus Nazareno très vénéré par les Philippins – collée sur le mur en briques à gauche de son lit. En lisant dans ses immenses yeux l’émotion lorsqu’elle reçut la communion, j’ai pensé qu’Alegria avait depuis longtemps compris le « signe de Jésus ». Elle l’avait compris dans son âme et dans son corps cloué sur son lit de souffrance. Jésus le Nazaréen est son Sauveur ; Dieu devenu Pain pour lui dire combien elle est aimée infiniment dans son extrême faiblesse et apparente inutilité.
Et ce jour-là, pour nous tous, Alegria est devenue signe de l’humilité de Dieu. Tout était dit, tout était offert là, devant nos yeux, à notre toucher, pour croire en Lui. Il y avait là, dans la pénombre de la chambre de Alegria « plus que Salomon et plus que Jonas ». Il y avait « Dieu fait un », « Dieu avec » l’une de ses plus fragiles créatures.
Puissions-nous lire dans la trame de cette journée qui ouvre la semaine « le signe de Jésus » qui se donnera à nous. Il ne manquera pas. Gardons seulement le cœur et le regard éveillés à sa venue. Belle journée !
Laurence Vasseur – vasseurlaurence@hotmail.com
1Il peut être bon pour nous de relire dans son entièreté le petit livre du prophète Jonas dans la Bible.
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