Évangile du lundi 13 mai – 7e semaine de Pâques (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)
« Courage ! Moi, je suis vainqueur du monde » Jn 16, 29-33
En ce temps-là, les disciples de Jésus lui dirent : « Voici que tu parles ouvertement et non plus en images. Maintenant nous savons que tu sais toutes choses, et tu n’as pas besoin qu’on t’interroge : voilà pourquoi nous croyons que tu es sorti de Dieu. » Jésus leur répondit : « Maintenant vous croyez ! Voici que l’heure vient – déjà elle est venue – où vous serez dispersés chacun de son côté, et vous me laisserez seul ; mais je ne suis pas seul, puisque le Père est avec moi. Je vous ai parlé ainsi, afin qu’en moi vous ayez la paix. Dans le monde, vous avez à souffrir, mais courage ! Moi, je suis vainqueur du monde. »
Méditation
Aujourd’hui, nous fêtons Marie sous l’invocation de Notre-Dame de Fatima. Un 13 mai 1917, quand la première guerre mondiale défigurait le monde, Marie est venue apprendre le courage chrétien à trois petits bergers portugais. « Dans le monde, vous avez à souffrir… » La victoire du Christ n’est pas encore totalement visible dans ce monde : « en fait, nous ne voyons pas encore que tout lui ait été soumis » (Hb 2,8). On peut se lamenter et baisser les yeux… Une maladie soudaine ? Et des souffrances stériles détruisent ce qu’il y a de beau. Paralysés, comment traverser ces souffrances et demeurer dans la vie ? Jésus nous invite au courage : « vous avez à souffrir, mais courage ! » Le maître divin apprend à Ses disciples à ne pas se laisser broyer par les duretés du monde. Relevez les yeux ! (Jn 4,35) Il ne s’agit jamais d’aimer la souffrance comme si son visage hideux portait un sourire, mais d’apprendre à aimer la vie malgré la souffrance. Danser sa vie, même si c’est en boitant. On dit qu’il est difficile d’être chrétien. Mais, n’est-il pas plus dur de vivre sans Dieu en traversant la vie comme un puni sans espérance, sans confiance et sans amour ? À la blessure, pourquoi ajouter l’humiliation d’être orphelins de Père ?
Le courage dont parle Jésus ne consiste pas à serrer les dents en se crispant. Se durcir comme une statue idéale ? Est-ce le type de courage que Jésus demande ? Ce courage serait une évasion hors de soi. « Dans le monde, vous avez à souffrir, mais courage ! Moi, je suis vainqueur du monde. » Pour dire « courage ! », ce verset (Jn 16,33) emploie un verbe grec (« tharséô ») qui signifie « inspirer confiance ». Il désigne l’attitude du cœur qui se fie au Christ, vainqueur des afflictions, et qui reprend courage sous l’inspiration d’un autre. L’évangéliste n’emploie pas cette autre manière grecque de dire le courage en faisant allusion à la force virile du mâle, du soldat qui va se battre (« andréia »). Le courage du coeur entend la voix de Jésus. La brebis, qui a entendu l’appel du berger, discerne sa vocation (Jn 10,14). Qui est-elle ? La voix qui a retenti dans sa vie de brebis lui enseigne qui elle est. Quel est le sens de sa vie ? Sens… comme on parle du sens d’une étoffe, des cinq sens ou du sens de la fête. L’arbre grimpe vers le ciel et le tronc dessine sa ligne de croissance vers la lumière. Quand nos fibres les plus intérieures s’orientent vers ce qu’il y a de beau, nous découvrons le courage d’être fidèle à notre grandeur. Comme fils de Dieu, nous luttons pour accomplir notre être filial.
Jésus, qui est avec nous tous les jours jusqu’à la fin du monde (Mt 28,20), n’annule pas nos douleurs. Certes, les os se cassent, les cœurs se brisent. Mais, dans nos faiblesses, Jésus fait retentir un chant de victoire : « Dans le monde, vous avez à souffrir, mais courage ! Moi, je suis vainqueur du monde. » Avec Jésus présent dans nos souffrances, notre cœur s’ouvre sur le jardin d’une rencontre : à Gethsémani, Jésus retrouvait ses amis (Lc 22,39 ; Jn 18,2), ce que l’évangile mentionne comme proximité amicale se renouvelle aujourd’hui dans nos vies. Le courage du pauvre nourri de lumière détecte cette présence du Christ. Plutôt que d’écouter notre peur qui dissout notre identité, écoutons le Seigneur qui nous fortifie. Le Ressuscité traverse les portes que nous refermons sur nos peurs.
« Il parle, mon bien-aimé, il me dit : Lève-toi, mon amie, ma toute belle, et viens… Vois, l’hiver s’en est allé… » (Ct 2,10). L’hiver a rendu son dernier souffle, la peau des jeunes pousses se fend. Leur enveloppe, tendre et sucrée, cède sous une force qui traverse : la sève qui pousse déchire la coque des bourgeons. Et dans toutes les branches tendues vers le printemps, une douleur craque. Ne faut-il pas du courage à l’arbre qui souffre en chacune de ses fleurs qui perce ? Qui dira ce que l’arbre endure pour proclamer l’incendie des fleurs ? L’homme juste « est comme un arbre planté près d’un ruisseau, qui donne du fruit en son temps, et jamais son feuillage ne meurt » (Ps 1,3). Ce bel arbre qu’est l’homme n’échappe pas aux lois de la création. Peut-on vivre sans rencontrer la douleur ? Peut-on aimer sans que la souffrance ne barre le chemin ? L’être humain n’assume pas sa position verticale, entre ciel et terre, sans vertige. Ce que nous ne voyons pas, notre courage le sent et l’espère en se fiant à plus grand que soi.
« Dans le monde, vous avez à souffrir, mais courage ! Moi, je suis vainqueur du monde. » Déjà, le prophète Aggée invitait le peuple au courage qui se met au travail : « Courage, tout le peuple du pays ! (…) Au travail ! Je suis avec vous (…). Mon esprit se tient au milieu de vous : Ne craignez pas ! » (Ag 2,4). De quel courage Jésus parle-t-il ? S’agit-il d’être sans peur et sans faiblesse ? Le courage est la réponse des faibles qui, secoués par la peur, s’appuie sur le Christ ! Le chrétien n’énumère pas ses forces pour ensuite être courageux, mais il lève les yeux vers Jésus. Thérèse de Lisieux écrivait à sa sœur Céline ce qu’est le courage des petits qui se fient à Jésus. Comme les enfants de Fatima l’apprirent de Marie, la petite Thérèse a bien senti le lien qui s’établit entre courage et confiance : « “Jésus a souffert avec tristesse ! Sans tristesse est-ce que l’âme souffrirait !…” Et nous voudrions souffrir généreusement, grandement !… (…) Quelle illusion !… Nous voudrions ne jamais tomber ?… Qu’importe, mon Jésus, si je tombe à chaque instant, je vois par-là ma faiblesse et c’est pour moi un grand gain… (…) Je ne vais pas m’inquiéter, mais toujours je tendrai vers vous des bras suppliants et pleins d’amour !… » (1).
Vincent REIFFSTECK. vincent.reiffsteck@wanadoo.fr
(1) Lettre de Thérèse à Céline du 26 avril 1889, LT 89.
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