No 165 – série 2024-2025
Évangile du jeudi 6 mars – Jeudi après les cendres
Tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions
« Celui qui perdra sa vie à cause de moi la sauvera » (Lc 9, 22-25)
En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Il faut que le Fils de l’homme souffre beaucoup, qu’il soit rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes, qu’il soit tué, et que, le troisième jour, il ressuscite. »
Il leur disait à tous : « Celui qui veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix chaque jour et qu’il me suive. Car celui qui veut sauver sa vie la perdra ; mais celui qui perdra sa vie à cause de moi la sauvera. Quel avantage un homme aura-t-il à gagner le monde entier, s’il se perd ou se ruine lui-même ? »
Méditation – La croix vivante
La Parole de ce matin est de celle qui délivre. La vie perdue sera celle sauvée par la croix empoignée par la gloire discrète et sereine du quotidien, par l’émerveillement que sont les dons et les petits riens. La vie renoncée des mérites recherchés, des accomplissements épuisés, de l’héroïsme assassin pour recueillir le sublime et le vivifiant. Le mouvement fugace d’une fleur qui s’ouvre au vent, l’éclat du rire d’un enfant qui tournoie sur lui-même. Le vivant recèle le secret et le sacré des gestes qui célèbrent sans jamais faillir, sans jamais vieillir. Entre l’obligation de ce que je crois et l’invitation de Celui qui me croit par-delà de moi, le renoncement de ma vie pour sa Vie, transfigure. La perte des certitudes, des appartenances et des enfermements si sécurisants en ce monde visible et déraciné, transforme. L’insignifiance devient abondance, le simple devient sublime.
Perdre sa vie pour nous y plonger avec le regard de celui ou de celle qui vient de ressusciter. Émerveillement de l’enfant, dépouillement d’une fleur au vent, le vivifiant s’enracine en soi, nous sauve par la Parole et le Dieu vivant. Comme une immobile fécondité plantée au cœur de notre pauvreté, cette source de vie nouvelle jaillit du fond de notre être. Elle irrigue, noyant nos refus, inondant nos lâchetés. Elle fait remonter à la surface une bonté simple et sereine qui densifie le quotidien, le purge de sa routine accablante, alors que nous n’y sommes pour rien. C’est dans le sillon de la croix traînée et non dans une bonne conscience fabriquée que fleurit la joie dans toute son intensité.
Perdre sa vie, c’est renoncer à la perfection de son agir pour s’abandonner à la pureté d’un cœur brisé et infiniment amoureux. Perdre sa vie, c’est renoncer à devenir irréprochable pour revêtir la joie immaculée d’un Père humilié et appauvrit qui embrasse son enfant perdu. La Parole d’aujourd’hui me révèle que la perfection de Dieu est dans son émerveillement et dans son dépouillement face à sa fille bien-aimée, pécheresse et perdue que je suis. Ce n’est pas tant la vertu que l’émerveillement de son émerveillement qui nous sauve. Choisis, appelés, mêmes crucifiés, nous vivons à travers lui, enracinés en lui, en Sa vie. Une vie comme une croix vivante, érigée de moments d’éternité malgré la mort, portant le poids de la joie en pleine nuit, plantée dans la nouveauté des miracles inaperçus et rabotée par l’espérance du quotidien.
Prendre sa croix vivante pour le suivre dans l’émerveillement du baptisé, prendre sa vie crucifiée pour la donner dans le dépouillement du ressuscité, voilà une perte chargée d’une richesse inouïe. La valeur de la vie perdue, donnée et sauvée, ne se retrouve plus dans une fidélité exemplaire mais dans l’abandon d’un amour fragile, accueillant, meurtri et guérissant. Le salut par la foi n’est pas la soumission à un mystère incompréhensible, c’est celui d’un abandon consenti à l’amour qui vivifie même meurtri, un amour puisé dans l’émerveillement de l’enfant et dans le dépouillement d’une fleur au grand vent.
Barbara Martel – bmartel@lepelerin.org

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