No 186 – série 2024-2025
Évangile du jeudi 27 mars – 3ème Semaine de Carême
Tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions
« Celui qui n’est pas avec moi est contre moi » (Lc 11, 14-23)
En ce temps-là, Jésus expulsait un démon qui rendait un homme muet. Lorsque le démon fut sorti, le muet se mit à parler, et les foules furent dans l’admiration. Mais certains d’entre eux dirent : « C’est par Béelzéboul, le chef des démons, qu’il expulse les démons. » D’autres, pour le mettre à l’épreuve, cherchaient à obtenir de lui un signe venant du ciel. Jésus, connaissant leurs pensées, leur dit : « Tout royaume divisé contre lui-même devient désert, ses maisons s’écroulent les unes sur les autres. Si Satan, lui aussi, est divisé contre lui-même, comment son royaume tiendra-t-il ? Vous dites en effet que c’est par Béelzéboul que j’expulse les démons. Mais si c’est par Béelzéboul que moi, je les expulse, vos disciples, par qui les expulsent-ils ? Dès lors, ils seront eux-mêmes vos juges. En revanche, si c’est par le doigt de Dieu que j’expulse les démons, c’est donc que le règne de Dieu est venu jusqu’à vous. Quand l’homme fort, et bien armé, garde son palais, tout ce qui lui appartient est en sécurité. Mais si un plus fort survient et triomphe de lui, il lui enlève son armement, auquel il se fiait, et il distribue tout ce dont il l’a dépouillé. Celui qui n’est pas avec moi est contre moi ; celui qui ne rassemble pas avec moi disperse. »
Méditation – Le virginal contre l’impérial
Aussi ancrée dans le présent et son actualité guerrière que portée par une tradition deux fois millénaires, comment ne pas frémir à la lecture de ces versets : « Tout royaume divisé contre lui-même devient désert, ses maisons s’écroulent les unes contre les autres. » Les impérialismes actuellement triomphants prennent racine dans un narcissisme blessé qui s’abreuve de toute-puissance, d’abus et d’absurde. La misère humaine se répand à mesure que se rétrécit la considération pour la dignité et ce fond commun d’humanité partagée, tel un désert qui avance et efface ce qui fut luxuriant, ce qui fut jadis vivant. L’écroulement des démocraties, l’ensablement du vivre-ensemble chez les différentes nations témoignent de la montée des replis identitaires, des peurs et des dérives sécuritaires autant chez nos voisins que chez nos prochains. Devant cette mise en scène de l’impérial et de sa gloriole qui doit puiser dans la menace armée, Maurice Zundel, mystique et théologien, nous propose la vérité du virginal.
Il cite un passage étonnant de Boris Pasternak, comme une réponse oubliée, à notre temps meurtrier, à son temps meurtri. Tiré du Docteur Jivago, écoutons Zundel qui cite le grand auteur russe :
« Jusqu’ici, il y avait des empires, il y avait le piétinement des peuples. Il y avait la ruée des armées, il y avait ces grands mouvements d’ensemble! Et maintenant, dans le silence de l’Annonciation, il n’y a plus que des personnes. Dieu devient le Dieu des personnes, le Dieu du secret, le Dieu du silence, le Dieu de la solitude, le Dieu de chacun, le Dieu qui parle au cœur de chacun, sans bruit. Le Dieu qui établit son royaume dans l’intimité de chacun. »
Le destin de l’humanité s’est joué dans le dialogue entre Dieu et une jeune fille. Le destin de l’humanité se jouera à nouveau dans son oui et dans le consentement de chacun qui porte le Christ en lui. C’est dans l’intimité de chacun de nos oui que peut naître ce Dieu et s’incarner le Christ comme une réalité. Zundel nous rappelle que : « … dans le Christ chaque personne devient un univers. Chaque personne devient universelle, parce qu’elle porte en elle ce trésor déposé en chaque conscience, et qui fait de chaque conscience une source et une origine (Marie, tendresse des pauvres, 2024, p. 99) ». Une conscience qui s’ouvre plutôt que de se réduire à elle-même et de laquelle surgit une Présence qui la magnifie, l’immensifie, ajoutera Zundel. D’empire de soi, notre conscience acquiesce puis obéit à cette Présence consciente qui nous rend l’immaculé d’une enfance prompte à l’abandon. Une conscience transparente de cette Présence qui nous fait apercevoir des horizons vivifiants, un Royaume comme une terre vierge de tout empire, de tout emprise. L’avancement de ce Royaume au cœur de nos gestes conscients, de nos paroles universelles, de nos relations fraternelles. N’est-ce pas là toute la vocation de l’accompagnement spirituel ?
L’avancement quotidien du Royaume se révèle comme un désensablement de terres sacrées, jonchées d’impérialismes et d’égos blessés. Dans le mystère de l’A(a)utre et le secret de nos coeurs, nous sommes responsables de cet avancement au sein de nos accompagnements qui portent l’espérance d’une vie, qui annoncent un oui pour ce Dieu si patient envers une vierge si confiante.
Barbara Martel – bmartel@lepelerin.org

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