Évangile du Jeudi 26 octobre – 29e semaine du Temps ordinaire (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)
« Pensez-vous que je sois venu mettre la paix sur la terre ? Non, je vous le dis, mais bien plutôt la division » Lc 12, 49-53
En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Je suis venu apporter un feu sur la terre, et comme je voudrais qu’il soit déjà allumé ! Je dois recevoir un baptême, et quelle angoisse est la mienne jusqu’à ce qu’il soit accompli ! Pensez-vous que je sois venu mettre la paix sur la terre ? Non, je vous le dis, mais bien plutôt la division. Car désormais cinq personnes de la même famille seront divisées : trois contre deux et deux contre trois ; ils se diviseront : le père contre le fils et le fils contre le père, la mère contre la fille et la fille contre la mère, la belle-mère contre la belle-fille et la belle-fille contre la belle-mère. »
Méditation
Feu et baptême, division et paix, ces contrastes nous frappent d’entrée de jeu mais l’un et l’autre se rencontrent en la Croix. Car le baptême que Jésus est appelé à « recevoir » et le feu qu’Il veut « allumer » se vivent au point de contradiction qu’est la Croix.
Le baptême que Jésus « reçoit », Il le « reçoit » de nous, sous la forme de toutes nos divisions intérieures et de toutes nos divisions entre nous, avec la création et avec Dieu. Sur la Croix, nous ne pouvons que contempler la folle violence de l’humain qui s’entretue et cherche à tuer Dieu. À ce titre, il y a le feu d’un jugement. La Parole de Dieu qu’est le Fils met en jugement par sa mort tous nos péchés, toutes nos haines et toutes les divisions de notre cœur et de notre âme. Nous ne pouvons nous tenir devant la Croix ni être saisis par Elle sans confesser tous nos péchés, sans tomber à genoux à cause du mal que nous avons fait.
Nous ne pouvons alors que constater comment nos haines se sont infiltrées dans toutes nos relations : « car désormais cinq personnes de la même famille seront divisées : trois contre deux et deux contre trois; ils se diviseront : le père contre le fils et le fils contre le père, la mère contre la fille et la fille contre la mère, la belle-mère contre la belle-fille et la belle-fille contre la belle-mère ». Ce feu du jugement doit nous aider à saisir nos divisions et à nous laisser transformer par sa grâce afin de ne plus vivre dans la mort et la communiquer.
Comme l’écrit l’épître aux Hébreux : « Vivante, en effet, est la parole de Dieu, efficace et plus incisive qu’aucun glaive à deux tranchants, elle pénètre jusqu’au point de division de l’âme et de l’esprit, des articulations et des moelles, elle peut juger les sentiments et les pensées du cœur » (4, 12). Mais le feu de ce jugement est salutaire, car non seulement met-il en lumière les ténèbres qui nous habitent mais, les éclairant, nous montre le chemin de sortie. Et ce chemin de sortie n’est possible que grâce à l’autre part… celle du baptême…
De fait, le Fils « reçoit » aussi le baptême du Père qui est l’expression la plus haute de son et de leur Amour. Non seulement le Fils s’est incarné dans le monde mais, sur la Croix et lors de la descente aux enfers, Il vit le sommet de son chemin kénotique sur terre, cette « heure » où non seulement s’évide-t-Il de Lui-même par Amour de nous mais où Il laisse le Père accomplir sa propre kénose en Lui. Sur la Croix, ce Père qui a tant aimé le monde est Celui qui donne son Fils ou, mieux, se donne par son Fils à chacun.e de nous et où le Fils nous reconduit toutes et tous d’Amour vers le Père, et tout cela sous le souffle de l’Esprit.
Sur la Croix se révèle ce grand mystère des Personnes divines qui, de toute éternité, se dépossèdent ou s’évident d’Elles-mêmes par pur Amour de l’Autre. L’Amour n’est-il pas ce don et cet accueil entiers de l’Autre ! N’est-ce pas cet Amour qui est le feu, cœur du mystère de Dieu et appelé à devenir le cœur de notre propre mystère humain ! C’est ici le grand désir de Dieu depuis toujours, « et comme (Il) voudrait qu’il soit déjà allumé ». Pour nous, il n’y a qu’en cet Amour que nous pouvons enfin trouver la paix.
Feu et baptême, division et paix, nous laissent entendre que face à la Croix, nous sommes face à un choix. Et ce choix est simple : Dieu. La Parole crucifiée sur la Croix est un appel, tout autant qu’une grâce, pour que Dieu devienne notre priorité absolue, qu’Il soit le centre de toute notre existence, pour ne pas dire, le centre intérieur de notre être. S’Il ne le devient, cela nous tiendra toujours, intérieurement et extérieurement, dans la division. L’unité d’Amour du Père et du Fils dans l’Esprit nous restera étrangère et, conséquemment, l’unité entre nous.
Pour ce faire, nous devons laisser au Fils de nous faire passer par le feu du jugement de sa Parole : « Qui me rejette et n’accueille pas mes paroles a son juge : la parole que j’ai fait entendre, c’est elle qui le jugera au dernier jour; car ce n’est pas de moi-même que j’ai parlé, mais le Père qui m’a envoyé m’a lui-même commandé ce que j’avais à dire et à faire connaître; et je sais que mon commandement est vie éternelle. Ainsi donc ce que je dis, tel que le Père me l’a dit je le dis » (Jn 12, 48-50).
Mais ce feu du jugement n’est qu’expression d’un feu d’Amour qui est l’Être même de Dieu qui nous est offert en partage. C’est en cet Amour que nous sommes baptisés. Dans cette optique, terminons cette méditation par la première strophe du Cantique spirituel de Saint Jean de la Croix : « O flamme vivre d’amour qui navres avec tendresse de mon âme le centre le plus profond, n’ayant plus nulle rigueur, achève, si tu le veux, brise la toile de ce rencontre heureux »1.
Stéfan Thériault (stheriault@lepelerin.org)
- Œuvres complètes, Desclée de Brouwer, Paris, 1967, p. 716.
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