No 123 – série 2024-2025
Évangile du jeudi 23 janvier – 2ème semaine du temps ordinaire
Tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions
« Les esprits impurs criaient : “Toi, tu es le Fils de Dieu !” Mais il leur défendait vivement de le faire connaître » (Mc 3, 7-12)
En ce temps-là, Jésus se retira avec ses disciples près de la mer, et une grande multitude de gens, venus de la Galilée, le suivirent. De Judée, de Jérusalem, d’Idumée, de Transjordanie, et de la région de Tyr et de Sidon vinrent aussi à lui une multitude de gens qui avaient entendu parler de ce qu’il faisait.
Il dit à ses disciples de tenir une barque à sa disposition pour que la foule ne l’écrase pas. Car il avait fait beaucoup de guérisons, si bien que tous ceux qui souffraient de quelque mal se précipitaient sur lui pour le toucher. Et lorsque les esprits impurs le voyaient, ils se jetaient à ses pieds et criaient : « Toi, tu es le Fils de Dieu ! » Mais il leur défendait vivement de le faire connaître.
Méditation – Les deux vérités
Décidément, la parole incisive de Marc continue de me tenailler et de raboter mes images. Si la rudesse du Christ envers le lépreux de la semaine dernière désagrège le côté bonbon au miel de ma foi pour reprendre le titre du livre de Luigi Maria Epicoco, la présente Parole en révèle le goût parfois acidulé. Le bonbon persiste, résiste. La vérité s’avale parfois de travers.
Alors que le Christ guérisseur se retire dans une barque pour éviter d’être écrasé par la foule, alors que les gens atteints par quelque mal accourent pour toucher le thérapeute, ceux qui parviendront jusqu’au Christ, jusqu’au rivage de la vérité divine, seront des esprits impurs. Ceux qui se jettent à ses pieds sont des esprits impurs, les souffles contaminés dira Chouraqui. Encore plus intrigant, ceux qui le reconnaissent comme le Fils de Dieu, et non pas simplement comme un thérapeute miraculeux, ce sont les esprits impurs. Contaminés, impurs et possédés, ceux-là qui ont mal mérité pour reprendre l’expression du père Yves Girard, moine cistercien. Fixant le mal qui nous captive et les rends captifs, qui nous rend possession de nous-même, d’une perfection ou d’une réussite illusoire ou d’une foi mielleuse, idolâtre et mortifère, nous demeurons ce faisant dans la vérité humaine. Qu’ont-ils vu ? Comment l’ont-ils reconnu ? Voilà qui intrigue alors qu’ici et aujourd’hui, marchant sans équilibre sur le fil de la tradition, la tête appesantie par des siècles de connaissances forgées sur le Fils, nous peinons à le reconnaître, nous ne le voyons plus chez l’autre même le cœur à découvert.
Dans la vérité de Dieu, ces impurs ont croisé le regard du Christ, ce regard qui délivre, lave et rend libre. Ce regard lumineux qui éclaire sur la nature du mal et nos illusions. Le père Girard nous l’enseigne : « le mal est dans la faiblesse de l’amour qui n’a pas su maintenir son souffle pour garder la personne aimée dans la gloire béatifiante de l’amour (Qui a lavé mon visage, 1994, p. 150) ». Le souffle purifié, la respiration libérée par le regard chargé de l’amour que Dieu a mis en moi, a mis en nous. Il y a d’ailleurs mis tout son amour, rappelons-nous. Le père Girard poursuit : « Fermer les yeux sur toute espèce de mal, comme Dieu le fait si bien, laisser pousser l’ivraie où elle se trouve sans céder à la tentation de l’arracher, nous remplir les yeux et le cœur de la lumière qui habite tout être en qui circule le sang de Dieu est un acte chargé d’une telle fécondité… L’humanité entière attend de pouvoir puiser dans mes yeux cette lumière qui, spontanément, fait se lever toutes les formes de la beauté, dissimulée souvent dans les êtres aux dehors les plus lamentables » (p. 151).
L’humanité entière attend de pouvoir puiser dans mes yeux cette lumière… Nos yeux rayonnent-ils cette espérance lumineuse envers ceux qui ont mal mérité ? Ma présence rassure-t-elle toute beauté en attente d’être révélée malgré la lèpre et l’ivraie ? Ce tout-amour de Dieu débordant dans le Christ en moi maintient-il la personne dans la vérité de Dieu. Ou la faiblesse de mon amour participe-t-elle au mal qui rend l’autre et, probablement moi-même captifs ?
L’amour n’exige rien et n’attends que nous, que notre pauvre personne, pour se déposer dans un regard qui fera renaître. Un regard qui permettra à la personne de se déprendre, se désapproprier, ne plus être ni propriété ni possession. Un regard posé en vérité, celle de Dieu, qui permet de le contempler chez l’autre, fortifiant ainsi mon amour pour cette humanité qui attend, fortifiant ainsi l’espérance de ce Dieu au cœur de l’humanité, qui attend.
Barbara Martel – bmartel@lepelerin.org
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