Évangile du Jeudi 18 mai 2023 – 6e semaine du Temps pascal (tiré de Aelf)
« Vous serez dans la peine, mais votre peine se changera en joie » Jn 16, 16-20
En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Encore un peu de temps, et vous ne me verrez plus ; encore un peu de temps, et vous me reverrez. » Alors, certains de ses disciples se dirent entre eux : « Que veut-il nous dire par là : “Encore un peu de temps, et vous ne me verrez plus ; encore un peu de temps, et vous me reverrez.” Et puis : “Je m’en vais auprès du Père” ? » Ils disaient donc : « Que veut dire : un peu de temps ? Nous ne savons pas de quoi il parle. » Jésus comprit qu’ils voulaient l’interroger, et il leur dit : « Vous discutez entre vous parce que j’ai dit : “Encore un peu de temps, et vous ne me verrez plus ; encore un peu de temps, et vous me reverrez.” Amen, amen, je vous le dis : vous allez pleurer et vous lamenter, tandis que le monde se réjouira ; vous serez dans la peine, mais votre peine se changera en joie. »
Méditation
Le Cardinal Charles Journet, lors d’une visite au camp de la mort de Majdanek (Pologne) en 1946, écrit : “Et nulle réponse n’est venue. J’essaie à mon tour de dire le Pater, de crier pour eux vers le Père qui a vu tout cela et qui est resté muet ! Jusqu’à quelle profondeur Dieu nous demande-t-il de lui faire confiance.” Nous n’avons pas tous vécu des événements aussi dramatiques mais, chacun.e, nous avons traversé des ténèbres où tout s’est tu, laissant pantoise notre foi.
Dans l’Évangile, une expression trois fois répétée nous ouvre une porte ténue mais une perspective infinie : « Encore un peu de temps, et vous ne me verrez plus ; encore un peu de temps, et vous me reverrez. » Se trouve condensé dans cette expression énigmatique, « que veut-il nous dire par là », le mystère d’une Présence.
À la Croix, si sur le corps du Christ se lit le sommet de la méchanceté et de la violence humaines, car ici se sont marquées sur Lui toutes nos haines, il ne demeure que l’Amour de Dieu suintant de chacune de ses plaies. Est-ce que Dieu est vraiment muet ou sa Parole crucifiée crie plutôt un Amour infini ?!
Au plan de notre chair et de notre réalité déshumanisées, ce n’est pas Dieu qui s’est tu mais l’humain qui se tue lui-même et qui tue toute humanité en lui. Cette déshumanisation de l’humain par l’humain, malheureusement traverse encore les temps qui sont les nôtres, si bien que l’humain qui devait parler Dieu est devenu muet. Au camp de Majdanek comme en Ukraine, au Soudan, en Israël…, ce n’est pas Dieu qui s’est tu mais l’humain, car, de foi perdue en Dieu et en l’humanité, il est devenu parole morte et vaine.
Notre seule espérance est que, sur la Croix, le Fils parle Dieu et parle humain. De la violence reçue, Il ne laisse s’écouler que l’Amour. De la mort, la Vie. Je sais que dans les bureaux de psychologues ou dans les salles d’accompagnement du Pèlerin tant d’hommes et de femmes essaient de donner sens au mal et à la souffrance qui ont traversé leur existence. Mais au mal, il n’y a pas une réponse rationnelle, car le mal est un non-sens, un absurde, un vide. Il ne porte et n’apporte rien sinon la destruction, sinon l’effacement de l’humain. Dans le mal, nous disparaissons et faisons disparaître.
C’est pourquoi sur la Croix se trouve la seule réponse réelle : s’y tiennent crucifiés Dieu et un humain véritable en ce Fils, vrai Dieu et vrai Homme. Au mal qui veut tout abolir, la seule réponse est une Présence, à la fois, divine et humaine. Devant le mal, la seule réponse demeurera toujours des hommes et des femmes qui partageront leur véritable humanité, faite de tendresse, de compassion, de foi en l’humain et en Dieu, de patience, etc.
La réponse à nos pourquoi sur le mal et sur les tragédies qui frappent le monde, ou à la quête des femmes et des hommes qui cherchent réponse en psychologie ou en accompagnement, est simplement de retrouver le chemin de leur humanité, de retrouver qui ils sont réellement et de devenir ainsi une parole qui parle humain et qui parle divin.
« Encore un peu de temps, et vous ne me verrez plus ; encore un peu de temps, et vous me reverrez. » Dans la douleur comme dans la joie, la tradition chrétienne nous apprend par cette expression évangélique que si, dans l’une situation comme dans l’autre, nous demeurons présents, dans la foi, à Dieu et à ce qui nous fait humains, notre existence puisera à l’Amour, même au milieu des haines féroces de nos déshumanisations. Ces haines alors ne sauraient atteindre en nous notre humanité, malgré que nos corps et nos esprits seront crucifiés. Nous resterons alors libres et debout, même si la haine cherche à nous abolir.
Si un instant, dans le quotidien de nos vies, nous n’arrivons plus, pour « un peu de temps » à voir Dieu et notre humanité, et que pour un peu de temps nous « nous pleurerons et nous lamenterons, tandis que le monde se réjouira », que nous serons « dans la peine », sachons que « encore un peu de temps, et vous me reverrez » et « votre peine se changera en joie. » Rappelons-nous que dans l’horreur incompréhensible de la Croix nous est donné par Dieu de le trouver et de découvrir cachée en sa pleine grandeur et dignité notre humanité, qui ne cherche qu’à se lever et à naître. Seule cette Présence renouvelée à nous-mêmes, Présence de Dieu en nous et de nous en Dieu, est la réponse au mal en ce monde. À quelle confiance en Dieu, en nous-mêmes et en l’humanité, sommes-nous appelés !
Stéfan Thériault (stheriault@lepelerin.org)
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