Méditation quotidienne du jeudi 13 avril : Se tenir au milieu de la Vie (No 207 – série 2022 – 2023)

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Évangile du Jeudi 13 avril 2023 – Octave de Pâques (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)

« Ainsi est-il écrit que le Christ souffrirait, qu’il ressusciterait d’entre les morts le troisième jour » Lc 24, 35-48

En ce temps-là, les disciples qui rentraient d’Emmaüs racontaient aux onze Apôtres et à leurs compagnons ce qui s’était passé sur la route, et comment le Seigneur s’était fait reconnaître par eux à la fraction du pain. Comme ils en parlaient encore, lui-même fut présent au milieu d’eux, et leur dit : « La paix soit avec vous ! » Saisis de frayeur et de crainte, ils croyaient voir un esprit. Jésus leur dit : « Pourquoi êtes-vous bouleversés ? Et pourquoi ces pensées qui surgissent dans votre cœur ? Voyez mes mains et mes pieds : c’est bien moi ! Touchez-moi, regardez : un esprit n’a pas de chair ni d’os comme vous constatez que j’en ai. » Après cette parole, il leur montra ses mains et ses pieds. Dans leur joie, ils n’osaient pas encore y croire, et restaient saisis d’étonnement. Jésus leur dit : « Avez-vous ici quelque chose à manger ? » Ils lui présentèrent une part de poisson grillé qu’il prit et mangea devant eux. Puis il leur déclara : « Voici les paroles que je vous ai dites quand j’étais encore avec vous : “Il faut que s’accomplisse tout ce qui a été écrit à mon sujet dans la loi de Moïse, les Prophètes et les Psaumes.” » Alors il ouvrit leur intelligence à la compréhension des Écritures. Il leur dit : « Ainsi est-il écrit que le Christ souffrirait, qu’il ressusciterait d’entre les morts le troisième jour, et que la conversion serait proclamée en son nom, pour le pardon des péchés, à toutes les nations, en commençant par Jérusalem. À vous d’en être les témoins. »

Méditation

Ce texte évangélique est comme un code de la route pour la Résurrection. Il se divise en deux moments : celui du pain rompu et celui du témoignage.

Le premier moment nous laisse, au départ, avec trois éléments qui semblent se chevaucher en une même réalité : « la fraction du pain », « au milieu d’eux » et « paix avec vous ». La « fraction du pain » est le moment dans le récit des disciples d’Emmaüs où ils reconnaissent Jésus et où Il disparaît à leurs yeux. C’est à ce point même de leur récit « aux onze Apôtres et à leurs compagnons » que Jésus apparaît à nouveau « au milieu d’eux ». Il a disparu pour les disciples d’Emmaüs afin de laisser toute la place à l’humain et je crois qu’Il réapparaît maintenant pour rappeler la place de Dieu et, surtout, que la place humaine et la place divine, avec la Résurrection, ne font plus qu’une.  Et cette place est « au milieu » où Dieu se tient depuis l’éternité, en cet arbre de Vie du jardin de la genèse et, tout autant, en cet arbre du Bien et du mal.

Chaque humain, avec la Résurrection, doit prendre ce chemin qui le conduit au milieu. Pour ce faire, comme le Christ, sa vie doit entrer dans l’eucharistie du pain rompu. Mais qu’est-ce qui a rompu le pain dans la vie du Christ et le rompt dans la nôtre ?  Jésus s’est toujours remis, par Amour, entre les mains humaines et celles du Père. Dans nos mains, il a été rompu par notre mal, par notre souffrance, par nos refus de Dieu, par notre irrationnelle violence, par toutes nos morts intérieures… mais une part revient aussi à notre amour, si bien que, sur la Croix et le samedi saint, il est divisé de corps, d’esprit et de cœur. Mais, à la différence humaine, ce pain rompu, cet être éclaté par le mal ne se répand pas de haine sur les autres, car Jésus « ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’à la fin » (Jn 13, 1).

Chaque parcelle du pain de sa vie émiettée par nos péchés est consentie d’Amour en Lui afin de laisser distribuer sa Vie au lieu même où l’humain a besoin d’être guéri. Dans toutes les parcelles de haine, de violence, d’abus de rejets, d’humiliations… de l’humain, Il y laisse son Amour afin que, même aux différents lieux où nous nous tenons en dehors de la Vie et où nous donnons foi au mal, Il en fasse un passage vers « le milieu », vers le centre de la Vie qui est Dieu et, donc, le centre de la vie humaine.

« Au milieu », nous sommes déposés en Dieu par le Fils qui s’y tient avec nous. Nous partageons la paix de sa Présence. En ce sens, la Résurrection n’est pas une fuite en dehors du mal et de la mort mais une naissance de Dieu et de nous dans tout ce qui fait l’humain. La preuve en est l’insistance de Jésus pour nous en convaincre : « Voyez mes mains et mes pieds : c’est bien moi (ou traduira Chouraqui : « oui, je suis, moi-même ») ! Touchez-moi, regardez : un esprit n’a pas de chair ni d’os comme vous constatez que j’en ai. »

Si nous regardons la vie de la Mère de Dieu, de l’incarnation, à la croix jusqu’au samedi saint, lui est exigée, sur le chemin vers la Résurrection, la traversée du mal et de la mort, non pas dans un effacement, car « voyez mes mains et mes pieds », mais dans une eucharistie où l’Amour embrasse tout et reprend tout de l’intérieur.  Avec la Résurrection, il y a l’universalisation de l’incarnation où chaque humain est appelé à vivre la naissance du Fils en lui et de lui dans le Fils mais, non pas d’un Fils uniquement éternel et divin mais d’un Fils avec toutes ses plaies humaines.  En d’autres mots, notre naissance en la Résurrection est, aussi, d’émerger comme être et je uniques, « oui, je suis, moi-même », au cœur même du mal par une conversion de Vie, d’Amour et de Vérité. La Résurrection, dans nos vies, n’est pas un saut par-dessus la mort, par-dessus notre histoire blessée, dans un désir de s’en débarrasser, mais de laisser l’Amour consentir en nous à chaque parcelle du pain rompu par le mal dans notre existence et en faire le lieu de la multiplication de notre propre « pain de Vie », uni « au milieu » dans le Fils en Dieu. C’est accepter, comme Marie, notre paternité ou maternité et notre filiation offertes par Jésus au pied de la Croix, et non d’abord à la Résurrection, quand il lui dit « Femme, voici ton fils » (Jn 19, 26) et à Jean « voici ta mère » (Jn 19, 27).

C’est pourquoi à la fin du texte, la Résurrection nous est décrite comme un témoignage et, donc, une responsabilité : « À vous d’en être les témoins ». Ce témoignage implique tout ce chemin décrit de conversion où l’être peut dire « oui, je suis, moi-même », « oui, je suis », « oui, je suis né entièrement à moi-même » même dans la mort du mal qui a frappé ma Vie, sachant maintenant que la Vie vainc la mort et que la Vie convertit la mort en Résurrection. « Ainsi est-il écrit que le Christ souffrirait, qu’il ressusciterait d’entre les morts le troisième jour, et que la conversion serait proclamée en son nom, pour le pardon des péchés, à toutes les nations, en commençant par Jérusalem ».

La Résurrection implique un chemin d’union, de nous avec Dieu, où mort et Vie sont unis, et ce, dans un consentement et un engagement à nous laisser saisir par le Christ pour qu’Il nous fasse vivre ce passage, cette Pâques, ce salut dans notre chair.

Stéfan Thériault (stheriault@lepelerin.org)

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