Évangile du Jeudi 12 octobre – 27e semaine du Temps ordinaire (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)
« Demandez, on vous donnera » Lc 11, 5-13
En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Imaginez que l’un de vous ait un ami et aille le trouver au milieu de la nuit pour lui demander : “Mon ami, prête-moi trois pains, car un de mes amis est arrivé de voyage chez moi, et je n’ai rien à lui offrir.” Et si, de l’intérieur, l’autre lui répond : “Ne viens pas m’importuner ! La porte est déjà fermée ; mes enfants et moi, nous sommes couchés. Je ne puis pas me lever pour te donner quelque chose.” Eh bien ! je vous le dis : même s’il ne se lève pas pour donner par amitié, il se lèvera à cause du sans-gêne de cet ami, et il lui donnera tout ce qu’il lui faut. Moi, je vous dis : Demandez, on vous donnera ; cherchez, vous trouverez ; frappez, on vous ouvrira. En effet, quiconque demande reçoit ; qui cherche trouve ; à qui frappe, on ouvrira. Quel père parmi vous, quand son fils lui demande un poisson, lui donnera un serpent au lieu du poisson ? ou lui donnera un scorpion quand il demande un œuf ? Si donc vous, qui êtes mauvais, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus le Père du ciel donnera-t-il l’Esprit Saint à ceux qui le lui demandent ! »
Méditation
Dans ce récit évangélique, il y a deux amis importuns. Le premier qui arrive de voyage de nuit chez son ami et ce dernier, pris de cours, qui va quêter chez un autre ami les trois pains dont il a besoin. Trois pains, j’ai le sentiment profond que la Trinité s’est invitée à ces rencontres importunes. Car n’est-ce pas une expérience courante dans nos vies que l’importunité de la grâce ? Qui de nous, j’oserais dire chaque jour, n’est pas bousculé par une personne, un événement, une situation… qui nous sort de notre zone de confort et suscite en nous un mouvement de sortie de soi, obligeant en quelque sorte la mise en don de nous-mêmes.
Je me souviens de cette dame qui vient me voir au moment même où, cherchant le silence dans un sanctuaire marial, réfugié dans la prière, la voici qui m’accoste et me bombarde de mots qui, au départ, m’agressent. Mais une voix intérieure m’ouvre à la prière de cette rencontre, complètement déplacée et livrée à la grâce de Dieu. Combien de fois dans nos vies, Dieu se présente pour nous comme un visiteur importun ? N’est-ce pas d’ailleurs le propre de la grâce de la Vie, de la grâce de Dieu, de continuellement nous surprendre et, comme un surgissement en nous, nous convoque au service de nos frères et sœurs ?
Cet incontrôlable dans notre existence, que nous voudrions bien contrôler, nous conduit à l’insoupçonné de l’Amour, nous empêche à demeurer « couchés » pour, à chaque fois, entrer dans une autre Lumière, qui éclaire nos pas et nous permet de marcher juste un peu plus loin. Comme si Dieu nous détournait de nos prévisions plus douillettes pour nous amener à retrouver l’essentiel, à reprendre le chemin de l’A(a)utre. Tant de fois la rencontre d’une personne m’a amené là où je ne pensais pas aller. L’éclair intérieur de la grâce m’a questionné et a changé mon parcours. Une situation de souffrance, de deuil, de rupture a redéfini ma vie vers une autre route où Dieu m’attendait,… Tant de moments chaque jour où le Dieu importun se présente pour nous conduire vers la Vie. S’il n’en était pas ainsi, ces paroles de l’Apocalypse ne s’appliqueraient-elles pas trop souvent à nous : « Tu t’imagines : me voilà riche, je me suis enrichi et je n’ai besoin de rien ; mais tu ne le vois donc pas : c’est toi qui es malheureux, pitoyable, pauvre, aveugle et nu ! » (3, 17). S’il n’y avait, au plus intime de nous et de tout ce que nous vivons, ce Dieu qui « se tient à notre porte et qui frappe » (Ap 3, 20), que deviendrions-nous ?
Ce Dieu importun qui nous demande, qui nous cherche constamment et qui frappe à notre porte, est le Dieu qui n’a de cesse de nous entraîner dans son Amour. Il provoque en nous notre propre demande, notre propre recherche et notre propre besoin et désir de frapper à la porte de Dieu et de devenir, comme Dieu, ce voyageur et ami importun. Et ce qui est fort intéressant est que le mot importun vient de deux mots latins in (dans) et portus (porte), comme si l’importunité (de la grâce) était d’ouvrir une porte, un passage, de Dieu vers nous et de nous vers Dieu.
Comme Dieu désire que nous entrions dans la dynamique de ses grâces importunes afin que chaque jour nous ne cessions de le déranger non seulement de jour mais, aussi et peut-être particulièrement, de nuit. Il veut, à la fois, que nous nous laissions interpeller par ses venues impromptues mais, également, que nous portions au monde cette importunité de la grâce, celle qui conduit à la rencontre avec Dieu. Et il nous dit qu’il répondra toujours à nos avances : « Demandez, on vous donnera; cherchez, vous trouverez; frappez, on vous ouvrira ». Et que le grand don que le Père nous fera est de nous « donner l’Esprit Saint ». Vivre de l’Esprit, et donc de la grâce de Dieu, c’est vivre de cet importunité de la grâce, car on ne sait ni d’où elle vient ni où elle nous conduit (Jn 3, 8). Elle nous donne la joie d’aventurer notre vie, car « ainsi en est-il de quiconque est né de l’Esprit » (Jn 3, 8).
Accueillons en nos vies l’importun de l’Esprit, voyageur infatigable de l’Indicible, afin que, au cœur du monde, nous apportions l’importunité de Dieu, qui crée toujours toute chose nouvelle !
Stéfan Thériault (stheriault@lepelerin.org)
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