La bonté effrontée – Méditation du jeudi 10 octobre 2024

No 32 – série 2024-2025

Évangile du jeudi 10 octobre 27e semaine du Temps ordinaire

Tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions

« Demandez, on vous donnera » Luc (11, 5-13)

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Imaginez que l’un de vous ait un ami et aille le trouver au milieu de la nuit pour lui demander : “Mon ami, prête-moi trois pains, car un de mes amis est arrivé de voyage chez moi, et je n’ai rien à lui offrir.” Et si, de l’intérieur, l’autre lui répond : “Ne viens pas m’importuner ! La porte est déjà fermée ; mes enfants et moi, nous sommes couchés. Je ne puis pas me lever pour te donner quelque chose.” Eh bien ! je vous le dis : même s’il ne se lève pas pour donner par amitié, il se lèvera à cause du sans-gêne de cet ami, et il lui donnera tout ce qu’il lui faut. Moi, je vous dis : Demandez, on vous donnera ; cherchez, vous trouverez ; frappez, on vous ouvrira. En effet, quiconque demande reçoit ; qui cherche trouve ; à qui frappe, on ouvrira. Quel père parmi vous, quand son fils lui demande un poisson, lui donnera un serpent au lieu du poisson ? ou lui donnera un scorpion quand il demande un œuf ? Si donc vous, qui êtes mauvais, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus le Père du ciel donnera-t-il l’Esprit Saint à ceux qui le lui demandent ! »

Méditation – La bonté effrontée

Versets lumineux que je médite à l’aide de la traduction de Chouraqui :

Je vous dis : Même s’il ne lui donne rien et ne se relève pas parce qu’il est son ami, du fait de son impudence, il se réveillera et lui donnera ce dont il a besoin. Et moi je vous dis : Demandez, il vous sera donné. Cherchez, vous trouverez. Frappez, il vous sera ouvert.

Le Père des ciels ferait donc preuve d’une bonté impudente. Selon le dictionnaire, l’impudence se définit par une attitude sciemment offensante, effrontée ou contraire à la bienséance. Dans la peau du pharisien serrant douloureusement sa roche entre ses doigts, aux côtés de ce pseudo-prophète qui m’humilie devant mes confrères en m’incitant à lancer le premier, la pierre. Quel homme offensant que ce Jésus! Dans la chair meurtrie de cette femme par terre, le bras sur le front cherchant à me protéger, la pierre tombe lourdement sans élan. Devant celui qui me dignifie en me relevant avec la grandeur des ciels et devant mes offenseurs offensés, quel Dieu effronté que ce Christ!

Le vrai vivant ne pose pas d’abord des gestes pour parvenir à ses fins, il agit pour laisser surgir le débordement d’être que lui impose la surabondance de Vie en lui. La bonté lui échappe, la bonté souffle malgré lui. La bonté se reconnait après coup. Quand l’audace, l’effronterie ou l’offense se sont distillées dans le regard amoureux fou de cet homme-Dieu, l’appel de la bonté se reconnaît et s’exprime dans la demande d’aide, dans la soif de l’autre et la main tendue. Marchant à pas vif dans un désert dépourvu d’orgueil, la bonté loge, entêtée, chez la demande vulnérable et sa cousine, la pauvreté.

Ceux et celles qui frappent avec la force de l’humilité aux portes de nos affairements ne demandent pas notre charité bien ordonnée, ils veulent notre contemplation devant celle qui se cache encore en eux, devant la nôtre qui cherche à s’échapper. Le frère aîné peut témoigner : la bonté du Père qui accueille en fête le fils prodigue était offensante. Tout comme celui qui se lève pour ouvrir et répondre malgré lui à ce qui surgit et dérange en pleine nuit. Le bien que j’accomplis m’échappe alors que celui que je planifie m’écorche, il ne me donne pas plus de valeur aux yeux du Père. La bonté est un cri de joie qui sort d’un visage crispé quand la surprise survient. Le Père qui embrasse le fils offensant n’avait pas l’intention de donner une leçon au fils aîné ni la mission de manifester une générosité exemplaire. Il n’a d’ailleurs pas laissé le temps au pardon du fils de se mettre en scène. La bonté échappe et confronte l’agir irréprochable qui peut cacher l’égoïsme d’un aîné, la bonté échappe encore et nourrit la quête spirituelle d’un perdu, la bonté échappe toujours en transformant l’énormité d’une scandaleuse en tendresse incarnée.  Avides de bonté, le fils prodigue et la femme adultère l’ont cherchée partout sans savoir où elle était. Effrontés, audacieux, entêtés dans leurs errances, Ils l’ont reconnue aussitôt quand elle a surgi. Un surgissement les relevant, cognant à la porte de leur cœur avec impudence. Quand la Bonté, effrontée au point d’amener le pardon sans invitation, s’est présentée au fils, au père et à la femme adultère, ils l’ont immédiatement reconnue. Demande, cherche, frappe à la porte; la bonté est impatiente, la bonté est impudente, la bonté veut se donner, malgré toi, malgré moi.

Barbara Martel – bmartel@lepelerin.org

DROIT D’AUTEUR

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