Évangile du Jeudi 1 mai juin – 8e semaine du Temps ordinaire (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)
« Rabbouni, que je retrouve la vue ! » Mc 10, 46b-52
En ce temps-là, tandis que Jésus sortait de Jéricho avec ses disciples et une foule nombreuse, le fils de Timée, Bartimée, un aveugle qui mendiait, était assis au bord du chemin. Quand il entendit que c’était Jésus de Nazareth, il se mit à crier : « Fils de David, Jésus, prends pitié de moi ! » Beaucoup de gens le rabrouaient pour le faire taire, mais il criait de plus belle : « Fils de David, prends pitié de moi ! » Jésus s’arrête et dit : « Appelez-le. » On appelle donc l’aveugle, et on lui dit : « Confiance, lève-toi ; il t’appelle. » L’aveugle jeta son manteau, bondit et courut vers Jésus. Prenant la parole, Jésus lui dit : « Que veux-tu que je fasse pour toi ? » L’aveugle lui dit : « Rabbouni, que je retrouve la vue ! » Et Jésus lui dit : « Va, ta foi t’a sauvé. » Aussitôt l’homme retrouva la vue, et il suivait Jésus sur le chemin.
Méditation
« Fils de Timée, Bartimée », tel est le nom de l’aveugle qui sera guéri. Le nom ? N’est-il pas étrange que Bartimée signifie exactement, fils de Timée, comme s’il n’avait pas d’identité propre ou, du moins, comme s’il n’existait que par son père. À ce sujet, il est intéressant de saisir que le nom du père, Timée, signifie « hautement estimé ». Il me semble que cela est révélateur.
Le père n’existe lui-même que dans le regard des autres : « hautement estimé ». Combien de personnes dans le monde cherche l’estime des autres pour exister ? Ils n’ont jamais eu de consistance propre, sinon celle que les autres leur auront donnée. Cette fameuse gloire du monde, dont vivent les puissants, les athlètes, les vedettes ou les petits qui se sont grandis pour exister aux yeux des autres, n’est-ce pas trop souvent ce qui nous guide et nous permet de survivre ? Combien de nous oublions de chercher à l’intérieur de nous-mêmes le mystère de notre être pour rechercher sur les routes du monde la reconnaissance et l’amour que nous n’avons pas reçus ?
Bar – Timée, fils du « hautement estimé », n’a jamais pu s’engager sur le chemin de lui-même, pris dans la course d’un père cherchant l’estime des autres. C’est ce non-droit d’exister qui rend Bartimée « aveugle ». Son aveuglement vient qu’il a eu un père qui ne l’a jamais vu, ne s’étant pas vu lui-même sinon dans la seule estime des autres. Ce père ne pouvait que chercher, chez son fils, la propre estime de lui-même, étant ainsi incapable de l’aider à découvrir l’être unique qu’il était. Bartimée se regarde donc et regarde le monde sans voir la beauté et le mystère unique de chaque être. Il est aveugle.
Tristement, comme son père, il « mendie » son existence et son identité à tout venant. Il ne voit pas le don que Dieu lui fait de Lui-même au plus profond de lui, lui offrant une identité unique dont la source est Dieu même. Par l’estime extérieure, il ne peut trouver sa valeur infinie donnée par Dieu. Imaginez ! nous sommes chacun.e don de Dieu, visage de Dieu, parole de Dieu… unique pour le monde… et nous ne le voyons pas. Quelle tristesse ! N’est-ce pas le retournement qu’a dû vivre saint Augustin ? «Tard je T’ai aimée, Beauté ancienne et si nouvelle ; tard je T’ai aimée. Tu étais au-dedans de moi et moi j’étais dehors, et c’est là que je T’ai cherché. Ma laideur occultait tout ce que Tu as fait de beau. Tu étais avec moi et je n’étais pas avec Toi. »
Si longtemps, nous sommes des aveugles-mendiants « assis au bord du chemin ». Nous sommes là, comme figés et séparés de l’éternité, de Dieu et de nous-mêmes, cherchant un chemin que l’on pressent si proche de nous mais que nous ne trouvons jamais car nous le cherchons hors de nous.
Puis un jour, Celui qui est le Chemin, « Jésus de Nazareth », un humain qui existe réellement en Lui-même, nous entraîne sur le sien et nous découvre que nous sommes, en Lui, chacun.e chemin vers Dieu. Bartimée se mit donc à crier : « Fils de David, Jésus, prends pitié de moi ! » Le « fils de Timée » crie au « Fils de David » montre-moi le chemin pour exister, car, il semble pressentir comme Jean le Baptiste : voilà « un homme qui est passé devant moi parce qu’avant moi il était » (Jn 1, 30). Il est appelé maintenant à découvrir, dans et du cœur du Père, qu’il a été voulu et connu depuis toute éternité et de ce cœur Il est éternellement engendré comme « Fils unique ».
Mais la foule le rabroue, car beaucoup dans la foule n’entendent pas la « parole unique de Dieu » de cet homme qui cherche « naissance ». Alors il « crie de plus belle ». Et « Jésus s’arrête et dit : « Appelez-le» ». La scène est alors magnifique. Cette foule n’est plus celle qui fournit une estime extérieure mais entre dans l’appel du Père par le Fils en qui tous et toutes trouvent « parole », « identité filiale ». « On appelle donc l’aveugle, et on lui dit : « Confiance, lève-toi ; il t’appelle. » Cette foule participe de la Parole de Dieu qui relève, qui met debout et par laquelle chaque être vient à l’existence.
« L’aveugle jeta (alors) son manteau ». Il se dépouille de cette identité postiche offerte par les autres et, saisi par la grâce d’une naissance, « bondit et courut vers Jésus ». Et Jésus, en « prenant la parole » redonne à cet homme sa réelle « parole ». Seul un véritable porteur de la Parole peut faire naître un autre à sa propre parole. Jésus l’engendre donc à lui-même et, ce faisant, lui fait « retrouver la vue ! ».
Notre vue sur nous-mêmes part toujours de Dieu, car c’est en Lui seulement que nous pouvons découvrir la beauté du mystère unique que nous sommes de Dieu et, par cette parole engendrée, voir Dieu et Celui-ci en chaque être. Enfin il lui est donné de se voir dans la foi et de suivre « Jésus sur le chemin », étant devenu chemin lui-même dans l’unique Chemin vers le Père qu’est le Fils dans l’Esprit.
Stéfan Thériault (stheriault@lepelerin.org)
DROIT D’AUTEUR
La méditation peut être partagée à toutes et à tous, en tout ou en partie, mais le nom de l’auteur et l’indication du centre le Pèlerin avec l’adresse du site (www.lepelerin.org) doivent être inscrits, car les droits d’auteur demeurent. Merci de votre compréhension.