No 168 – série 2024-2025
Évangile du dimanche 9 mars – 1re dimanche de Carême
Tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions
« Dans l’Esprit, il fut conduit à travers le désert où il fut tenté » (Lc 4, 1-13)
En ce temps-là, après son baptême, Jésus, rempli d’Esprit Saint, quitta les bords du Jourdain ; dans l’Esprit, il fut conduit à travers le désert où, pendant quarante jours, il fut tenté par le diable. Il ne mangea rien durant ces jours-là, et, quand ce temps fut écoulé, il eut faim. Le diable lui dit alors : « Si tu es Fils de Dieu, ordonne à cette pierre de devenir du pain. » Jésus répondit : « Il est écrit : L’homme ne vit pas seulement de pain. »
Alors le diable l’emmena plus haut et lui montra en un instant tous les royaumes de la terre. Il lui dit : « Je te donnerai tout ce pouvoir et la gloire de ces royaumes, car cela m’a été remis et je le donne à qui je veux. Toi donc, si tu te prosternes devant moi, tu auras tout cela. » Jésus lui répondit : « Il est écrit : C’est devant le Seigneur ton Dieu que tu te prosterneras, à lui seul tu rendras un culte. »
Puis le diable le conduisit à Jérusalem, il le plaça au sommet du Temple et lui dit : « Si tu es Fils de Dieu, d’ici jette-toi en bas ; car il est écrit : Il donnera pour toi, à ses anges, l’ordre de te garder ; et encore : Ils te porteront sur leurs mains, de peur que ton pied ne heurte une pierre. » Jésus lui fit cette réponse : « Il est dit : Tu ne mettras pas à l’épreuve le Seigneur ton Dieu. »
Ayant ainsi épuisé toutes les formes de tentations, le diable s’éloigna de Jésus jusqu’au moment fixé.
Méditation – Communier à la faim du Christ !
Jésus n’est pas venu pour une visite touristique. En cohérence avec son identité profonde, celle qu’Il a reçue du Père, Jésus est poussé au désert par l’Esprit, seul, dans le sauvage de cette immensité sans repère. Comme jadis pour le peuple hébreu à sa sortie d’Égypte, comme pour chacun de nous, voilà Jésus qui assume notre vie, dans ce qu’elle a de plus difficile : au cœur des conditions désertiques où nous pouvons nous trouver, les difficultés questionnent notre identité et nous mettent en tentation de vouloir nous construire en essayant de fuir ou d’engourdir le manque.
Pendant 40 jours, Jésus habite cette solitude aride et décapante… Il jeûne… Pendant 40 jours, le diable viendra tenter Jésus pour le faire dévier de son être profond et de sa Mission en jouant sur la carte de son identité. La matière première dont se servira le diable est la faim de Jésus, cette faim très concrète que 40 jours de jeûne ont creusé en Lui. C’est dans l’expérience du manque vécu par Jésus, et senti dans son corps, que le diable trouve le moment favorable d’intervenir pour proposer à Jésus les chemins de perdition dont l’humanité est prisonnière. L’approche du diable invite Jésus à lui faire la preuve qu’Il est le Fils de Dieu, et ce à 2 reprises (« si tu es le Fils de Dieu… »). Le diable ne met pas en doute que Jésus est le Fils de Dieu : il ne le sait que trop… la preuve en est qu’il cherche précisément à le faire dévier de sa Mission en le soumettant à la tentation. Son intervention auprès de Jésus vise plutôt à entraîner Jésus à se défendre, à revendiquer son titre de Fils de Dieu en détournant l’agir de son être au profit de sa défense et de sa propre personne. Le diable se servira même de textes de la Parole de Dieu pour inviter Jésus à se jeter en bas du Temple pour l’amener à « tester » l’Amour de son Père.
Le mal ne se promène pas avec de gros sabots… il se fait insidieux, et s’immisce sur la pointe des pieds. Il laisse planer un doute… qui semble presqu’anodin… un doute sur Dieu… un doute sur notre identité… un doute qui peut trouver à se nourrir du manque ou de la faim ressentie. Ce doute, dont la présence peut s’expliquer par les difficultés où notre vie se trouve, peut donner prise à la recherche de « calmants » de la faim qui nous habite.
Dans la fragilité où nous place notre faim, qui pourtant peut-être expressive de la vérité de notre être et de la juste place où la Mission nous conduit, nous sommes tentés de percevoir les difficultés comme disqualifiant notre route ou notre identité. Ce carrefour nous place devant un choix : approfondir notre foi ou donner crédit aux « mirages » proposés par le diable pour nous auto-construire, en exil de l’Amour du Père qui est à la source de notre vie.
Le doute sur le Père nous entraîne dans la recherche d’une consistance qui ne repose plus que sur nous-mêmes et dans des chemins qui ont en commun d’être habités par l’inquiétude sur nous-mêmes et la compulsion à tenter de nous rassurer à travers des chemins de survie qui brisent la possibilité de communion entre nous.
Ces 3 chemins de perdition proposés par le diable, le pape François en parlera comme de 3 bulles de savon éphémères, qui miroitent de couleurs mais dont l’éclatement confirme le mirage et la vacuité.
La tentation de confier notre vie à l’avoir, aux biens matériels…. Croire que les biens matériels peuvent nous combler… et nous retrouver à vide, toujours au point zéro, en ayant à l’horizon un autre « mirage » qui nous semble meilleur ou plus attirant… et qui sera tout aussi éphémère.
La tentation de confier notre vie à la gloire et au pouvoir. À travers la gloire où nous sommes vus et reconnus sous les projecteurs, ou à travers le pouvoir que nous avons sur les autres, nous nous donnons une consistance. Nous vivons dans le regard des autres et par le contrôle que nous exerçons sur eux. Nous ne sommes plus dans l’accueil du Souffle, nous collectionnons les selfies et cherchons les projecteurs. Subtilement et faussement, nous pouvons même justifier l’usage du pouvoir comme un moyen efficace pour mieux réaliser la mission.
La tentation de tester l’Amour de Dieu, d’exiger des preuves de son Amour… « Prouve-moi que tu m’aimes ! »… Une telle demande exprime à la fois le doute sur l’amour… et la réponse sera nécessairement disqualifiée parce qu’elle sera reçue comme forcée !!! Une telle attitude justifiera une passivité à travers laquelle nous nous déresponsabilisons, tout en invoquant que nous nous abandonnons à Lui.
Plus nous vivons des moments exigeants, plus ces « mirages » peuvent réapparaître. Comme pour Jésus, la Mission nous fait entrer dans ce désert où le diable se sert de ce qui creuse en nous la faim, pour nous conduire à douter.
Ajoutons aussi que les blessures qui ont porté atteinte à la reconnaissance de notre identité nous ont conduit à construire un faux système de salut qui a bien souvent des connivences avec ces faux chemins d’auto-construction et d’existence proposés par le diable.
Comme nous avons besoin d’être sauvés !
Au terme de ces tentations, le diable s’éloigne… Jésus n’a pas encore mangé… rien ne dit qu’Il le fait.
Il demeure avec cette faim de nous sauver !
N’est-ce pas vrai que l’avancée dans la Mission que le Christ nous confie, nous fait entrer dans le partage de cette faim qui l’habite et que nous sommes invités à accueillir comme ce qui nous rend disponible à nous recevoir de Lui et à nous donner à sa suite ?
Courage! Notre désert est le sien. Déposons nos faims dans la sienne : c’est vers Pâques que ses pas nous conduisent !
Paolo Maheux – maheux.paolo@gmail.com

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