No 28 – série 2024-2025
Évangile du dimanche 6 octobre – 27e semaine du Temps ordinaire
Tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions
« Ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas ! » Marc (10, 2-16)
En ce temps-là, des pharisiens abordèrent Jésus et, pour le mettre à l’épreuve, ils lui demandaient : « Est-il permis à un mari de renvoyer sa femme ? » Jésus leur répondit : « Que vous a prescrit Moïse ? » Ils lui dirent : « Moïse a permis de renvoyer sa femme à condition d’établir un acte de répudiation. » Jésus répliqua : « C’est en raison de la dureté de vos cœurs qu’il a formulé pour vous cette règle. Mais, au commencement de la création, Dieu les fit homme et femme. À cause de cela, l’homme quittera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme, et tous deux deviendront une seule chair. Ainsi, ils ne sont plus deux, mais une seule chair. Donc, ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas ! » De retour à la maison, les disciples l’interrogeaient de nouveau sur cette question. Il leur déclara : « Celui qui renvoie sa femme et en épouse une autre devient adultère envers elle. Si une femme qui a renvoyé son mari en épouse un autre, elle devient adultère. »
Des gens présentaient à Jésus des enfants pour qu’il pose la main sur eux ; mais les disciples les écartèrent vivement. Voyant cela, Jésus se fâcha et leur dit : « Laissez les enfants venir à moi, ne les empêchez pas, car le royaume de Dieu est à ceux qui leur ressemblent. Amen, je vous le dis : celui qui n’accueille pas le royaume de Dieu à la manière d’un enfant n’y entrera pas. » Il les embrassait et les bénissait en leur imposant les mains.
Méditation – Son Amour vient sauver notre capacité d’aimer !
Quel grand mystère que celui qui suscite cet élan vers l’autre en éveillant le cœur ! Cet autre, étranger de tant de manières, qui pose le cœur devant un large qu’il ignorait et dont l’horizon éveille une étoile à suivre. « Cette aide qui lui correspondra »1, dont la présence n’est pas le fruit de sa volonté ou de son agir, porte l’empreinte d’un « Don » que nous ne pouvions pas imaginer. Cet élan est à accueillir pour qu’il puisse être compris dans tout ce qu’il fait bouger… Porte-t-il cet appel du Large ou n’est-il qu’une bourrasque qui saisit la voilure et qui appelle à tenir le gouvernail pour éviter la dérive ? Tant de vents se mêlent au Souffle.
L’appel de ce voyage à deux, place chaque personne devant un incontournable face-à-face avec soi-même. Au gré des flots et des tempêtes, le mirage d’un épanouissement qui serait le fruit du changement de l’autre s’estompe… C’est de soi-même qu’il s’agit…
« Le cadeau que je peux te faire, c’est de retirer de toi toute la volonté de transformation que j’y ai mise – par zèle ou par ignorance –, la retirer de toi pour la remettre où elle a sa vraie place : en moi. Ainsi, nous protègerons l’un et l’autre le secret lent et silencieux de nos gestations. ».2
Au fil du voyage où nous avons tant à quitter, la recherche de repères et les difficultés rencontrées nous font construire des règles, construites à la lumière des difficultés et des naufrages vécus. Ces phares ne sont pas la route à suivre… ils peuvent même parler de ce que l’on veut ménager de soi-même. Ils nous font courir le risque de la « logique du permis et du défendu » où l’on abdique de notre propre boussole pour éviter d’affronter nos ombres. En gardant nos yeux rivés sur ces phares, qui n’offrent qu’une sécurité toute extérieure à soi, le « Large » est remisé dans l’irréaliste, l’inaccessible et l’impossible… Et, sans trop en mesurer le prix, nous faisons du repère choisi, le lieu où nous accostons pour un ancrage qui fait vaciller le sens du voyage à vivre, avec le risque de la « sclérose du cœur » !
Jésus met le doigt sur ce qu’Il vient soigner parce qu’Il veut nous sauver. En nous partageant le Rêve de Dieu avec ce qu’il façonne d’horizon pour chacun et chacune de nous, Il fait du rivage où nous sommes, le tremplin d’une avancée au large, au large de soi, au large de la relation, au large de l’amour. Ce chemin n’est pas évident… même les disciples de retour à la maison l’interrogent de nouveau sur cette question : ils portent l’écho de cette question si présente aujourd’hui : peut-on vraiment croire en l’amour ?
Déjà, Jésus démasque le pouvoir de l’homme qui se donne un privilège en regard de l’initiative de la séparation, sans envisager la contrepartie pour la femme. Il le démasque en exprimant la situation de la femme qui renvoie son mari… L’angle mort de la question où le pouvoir de l’homme se cache. N’avons-nous pas déjà entendu cette réalité vécue par nos grands-mères et parfois prononcée du haut de la chaire : « la femme ne doit pas refuser son homme »… « L’Église » faisait ainsi du mariage le lieu où le viol était permis, au sein même de la relation où l’appel à aimer était placé sous le regard de Dieu !
Notre « toute puissance » sait bien se camoufler, et d’abord, à nos propres yeux.
Rien ne sert de se servir des paroles du Christ pour en faire l’instrument du jugement des autres qui ont vécu des échecs, qui ont fait naufrage, ou qui sont en déroute sur les vagues imposantes de tant de tempêtes. Cette « dureté du cœur », elle a fait son nid dans l’interpellation des pharisiens qui cherchent à prendre au piège Jésus, à prendre au piège la Grâce! Cette dureté est encore présente même au cœur des couples mariés au sein desquels la communion est en souffrance et qui, sans même en être inquiétés, ont fait du contrat honoré, le somnifère de conscience où leurs ombres restent cachées parce qu’inavouées.
Pour qui a choisi d’aimer, avec sincérité, dans la vérité implacable de la transformation à vivre, avec la lucidité d’être dépouillé et encore en chemin, toute accusation est stérile. Elle est ignorante et impuissante à éveiller l’étoile qui habite la nuit de chacun, chacune. Et c’est dans la conscience d’être boiteux que nous avançons humblement, marqués par les difficultés qui nous font perdre nos suffisances.
Jésus prend au sérieux l’appel à aimer inscrit au plus profond de notre cœur parce que nous sommes nés de l’Amour du Père. Cet appel qui s’éveille au cœur d’un couple qui choisit de s’engager jusqu’à saisir l’avenir pour en faire l’espace de cette création et s’ouvrir à une fécondité nouvelle nous inscrit dans une traversée unique pour chacune et chacun, où nous sommes conduits à notre besoin de salut.
Plus loin que nos difficultés d’aimer… Plus loin que la bonne conscience d’une union qui perdure comme une coquille vide sans que soit creusé le cœur… Plus loin que les routines qui sauvent les apparences où nous continuons de lentement nous refroidir dans nos souffrances de communion… Plus loin que les échecs que nous avons vécus, parfois nécessaires pour quitter ce qui était mortifère… Plus loin que tout ce dont nous pouvons nous servir pour « enterrer » notre cœur et notre avenir… Renonçant à nous réfugier dans loi qui nous fait perdre de vue le « Large » qui nous appelle…
Choisir de ne pas tomber dans le piège de refuser la Grâce qui vient jusqu’à nous à travers sa Parole.
Dans la conscience de ce qui démasque nos fermetures, de ce qui nous creuse et nous dépouille, prenant au sérieux l’appel à aimer qui habite notre cœur… Entrer dans la vivante interpellation du Christ qui vient ressusciter l’espace sacré qui est en nous, et rechoisir d’aimer. Peu importe où notre désir d’aimer est accosté ou a sombré, son Amour vient ressusciter notre cœur.
Son Amour vient sauver notre capacité d’aimer !
Paolo Maheux – maheux.paolo@gmail.com
1Genèse 2, 18
2Christiane Singer, Éloge du mariage, de l’engagement et autres folies, p. 80. Éditions Albin Michel, 2000
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