Méditation quotidienne du dimanche 26 mars : La route du témoin-martyr (No 189 – série 2022 – 2023)

Image par Megan Krause de Pixabay

Évangile du Dimanche 26 mars 2023 – 5e dimanche de Carême (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)

« Je suis la résurrection et la vie » Jn 11, 1-45

En ce temps-là, il y avait quelqu’un de malade, Lazare, de Béthanie, le village de Marie et de Marthe, sa sœur. Or Marie était celle qui répandit du parfum sur le Seigneur et lui essuya les pieds avec ses cheveux. C’était son frère Lazare qui était malade. Donc, les deux sœurs envoyèrent dire à Jésus : « Seigneur, celui que tu aimes est malade. » En apprenant cela, Jésus dit : « Cette maladie ne conduit pas à la mort, elle est pour la gloire de Dieu, afin que par elle le Fils de Dieu soit glorifié. » Jésus aimait Marthe et sa sœur, ainsi que Lazare. Quand il apprit que celui-ci était malade, il demeura deux jours encore à l’endroit où il se trouvait. Puis, après cela, il dit aux disciples : « Revenons en Judée. »
Les disciples lui dirent : « Rabbi, tout récemment, les Juifs, là-bas, cherchaient à te lapider, et tu y retournes ? » Jésus répondit : « N’y a-t-il pas douze heures dans une journée ? Celui qui marche pendant le jour ne trébuche pas, parce qu’il voit la lumière de ce monde ; mais celui qui marche pendant la nuit trébuche, parce que la lumière n’est pas en lui. » Après ces paroles, il ajouta : « Lazare, notre ami, s’est endormi ; mais je vais aller le tirer de ce sommeil. » Les disciples lui dirent alors : « Seigneur, s’il s’est endormi, il sera sauvé. » Jésus avait parlé de la mort ; eux pensaient qu’il parlait du repos du sommeil. Alors il leur dit ouvertement : « Lazare est mort, et je me réjouis de n’avoir pas été là, à cause de vous, pour que vous croyiez. Mais allons auprès de lui ! » Thomas, appelé Didyme (c’est-à-dire Jumeau), dit aux autres disciples : « Allons-y, nous aussi, pour mourir avec lui ! »
À son arrivée, Jésus trouva Lazare au tombeau depuis quatre jours déjà.
Comme Béthanie était tout près de Jérusalem – à une distance de quinze stades (c’est-à-dire une demi-heure de marche environ) –, beaucoup de Juifs étaient venus réconforter Marthe et Marie au sujet de leur frère.
Lorsque Marthe apprit l’arrivée de Jésus, elle partit à sa rencontre, tandis que Marie restait assise à la maison. Marthe dit à Jésus : « Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort. Mais maintenant encore, je le sais, tout ce que tu demanderas à Dieu, Dieu te l’accordera. » Jésus lui dit : « Ton frère ressuscitera. » Marthe reprit : « Je sais qu’il ressuscitera à la résurrection, au dernier jour. » Jésus lui dit : « Moi, je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra ; quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais. Crois-tu cela ? » Elle répondit : « Oui, Seigneur, je le crois : tu es le Christ, le Fils de Dieu, tu es celui qui vient dans le monde. »
Ayant dit cela, elle partit appeler sa sœur Marie, et lui dit tout bas : « Le Maître est là, il t’appelle. » Marie, dès qu’elle l’entendit, se leva rapidement et alla rejoindre Jésus. Il n’était pas encore entré dans le village, mais il se trouvait toujours à l’endroit où Marthe l’avait rencontré. Les Juifs qui étaient à la maison avec Marie et la réconfortaient, la voyant se lever et sortir si vite, la suivirent ; ils pensaient qu’elle allait au tombeau pour y pleurer. Marie arriva à l’endroit où se trouvait Jésus. Dès qu’elle le vit, elle se jeta à ses pieds et lui dit : « Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort. » Quand il vit qu’elle pleurait, et que les Juifs venus avec elle pleuraient aussi, Jésus, en son esprit, fut saisi d’émotion, il fut bouleversé, et il demanda : « Où l’avez-vous déposé ? » Ils lui répondirent : « Seigneur, viens, et vois. » Alors Jésus se mit à pleurer. Les Juifs disaient : « Voyez comme il l’aimait ! » Mais certains d’entre eux dirent : « Lui qui a ouvert les yeux de l’aveugle, ne pouvait-il pas empêcher Lazare de mourir ? »
Jésus, repris par l’émotion, arriva au tombeau. C’était une grotte fermée par une pierre. Jésus dit : « Enlevez la pierre. » Marthe, la sœur du défunt, lui dit : « Seigneur, il sent déjà ; c’est le quatrième jour qu’il est là. » Alors Jésus dit à Marthe : « Ne te l’ai-je pas dit ? Si tu crois, tu verras la gloire de Dieu. » On enleva donc la pierre. Alors Jésus leva les yeux au ciel et dit : « Père, je te rends grâce parce que tu m’as exaucé. Je le savais bien, moi, que tu m’exauces toujours ; mais je le dis à cause de la foule qui m’entoure, afin qu’ils croient que c’est toi qui m’as envoyé. » Après cela, il cria d’une voix forte : « Lazare, viens dehors ! » Et le mort sortit, les pieds et les mains liés par des bandelettes, le visage enveloppé d’un suaire. Jésus leur dit : « Déliez-le, et laissez-le aller. » Beaucoup de Juifs, qui étaient venus auprès de Marie et avaient donc vu ce que Jésus avait fait, crurent en lui.

Méditation

Dans la Méditation de jeudi dernier, nous avons parlé que le martyre est de passer de soi à Dieu, car le seul chemin de Vie est de trouver Dieu en nous, dans les autres et en tout.  L’Évangile de ce jour nous donne l’exemple d’une telle transformation.  Jésus lui-même nous montre le chemin à suivre.

La scène se déploie autour de Lazare qui, de plus en plus, entre dans la mort et sa noirceur, entraînant avec lui Marthe et Marie, ses deux sœurs. Mais le texte débute en nous disant, « il y avait quelqu’un de malade », comme si cette histoire était pour nous toutes et tous. Nous sommes « quelqu’un », comme Lazare, qui, au cœur de l’existence s’enfonce de plus en plus, car nous ne savons plus entendre la voix de Dieu, contempler son Visage, toucher à sa Vie ou discerner et vivre de sa Gloire.

Mais déjà Lazare, sur cette route qui le conduit vers la profondeur de son tombeau, est sur la route de la Vie. De plus en plus dépouillé, il ne peut plus chercher son propre témoignage mais uniquement compter sur celui de Dieu : Dieu sera son témoin. C’est ce que Jésus affirme en disant « cette maladie ne conduit pas à la mort, elle est pour la gloire de Dieu, afin que par elle le Fils de Dieu soit glorifié. » Ou, traduit dans les mots d’une personne qui a connu le témoignage de Dieu, à savoir Christiane Singer : « quand il n’y a plus rien, mais vraiment plus rien, (…) il n’y a que l’Amour ».1

Nous devons apprendre, même dans la noirceur dû à notre regard aveugle, laisser en nous surgir la foi en Dieu, sûrs que, si nous nous ouvrons à sa Lumière, « celui qui marche pendant le jour ne trébuche pas ». Demandons à Jésus que, au cœur de cet enfoncement de notre regard dans la fragilité, la vulnérabilité et la pauvreté de ce monde jusqu’à son vide noir, Il vienne nous « tirer de ce sommeil », de cette torpeur, qui nous empêche de voir.

Demandons-Lui également qu’Il envoie vers nous de ses témoins, de ses martyrs, et qui diront, au nom du Christ, « mais allons auprès de lui ! » Dieu a besoin de témoins au cœur du monde, car c’est par eux que la route à suivre est montrée ou rappelée et que, sur cette route, nous ne devons point craindre, car « cette maladie ne mène pas à la mort mais à la gloire du Fils en nous», ce qui signifie réellement sa naissance en nous et la nôtre en la sienne.

Nous le savons sur ce chemin pour devenir témoins du Ressuscité, nous avons toujours le sentiment qu’il tarde… jusqu’à quatre jours où nous gisons dans la mort.  En fait, ce n’est pas qu’Il tarde mais, plutôt, qu’Il attend que nous abandonnions toute emprise, que notre foi tourne entièrement son regard vers Dieu… pour ne compter que sur Lui. Il doit attendre que toute nos constructions intérieures et toutes nos façons de nous sauver soient détruites pour qu’il puisse nous ressusciter.  C’est pourquoi Jésus dit enfin : « Lazare est mort, et je me réjouis de n’avoir pas été là, à cause de vous, pour que vous croyiez. » Le chemin vers une foi véritable où ne demeure que Dieu est notre chemin de martyre pour que nous puissions en témoigner. C’est ce qu’ajoutait Christiane Singer : « Et c’est pour en témoigner finalement que j’en sors parce qu’il faut sortir pour en parler. (…) On ne peut à la fois demeurer dans cet état, dans cette unité où toute séparation est abolie, et retourner pour en témoigner parmi ses frères humains. (…) Ma vocation profonde est de retourner parmi mes frères humains ».2

Le chemin du témoignage exige de répondre à cette invitation : « Le Maître est là, il t’appelle. » Mais pour ce faire, nous aurons nous-même besoin d’aide pour que soit « enlevée la pierre ». Dans le cas de Christiane Singer, elle écrira : « l’invitation que m’a faite Alain (son mari), l’a réveillée (comme Lazare) au plus profond de moi-même-, ma vocation est de retourner parmi mes frères humains ».3 Cette invitation a entrouvert sont cœur pour entendre cet appel : « Lazare (Christiane), viens dehors ! »

Imaginez, après avoir tout fait ce chemin dans la souffrance, avoir vécu cette traversée de notre terre sans nom, car nous ne sommes pas encore nés, pour, au final, entendre notre nom de Dieu, nous sommes appelés à quitter ce lieu d’union à Dieu pour aller témoigner.  Cette fois, toutefois, si nous retournons dans les ténèbres du monde, nous le faisons en sachant y reconnaître la voix de Dieu, son Visage, sa Gloire et en étant porteurs d’une espérance folle : la Vie vainc la mort et la mort n’a aucune emprise sur Elle. Chez ces personnes qui ont fait ce voyage pour devenir témoins, nous remarquons que leur regard n’en a plus que pour Dieu et qu’ils savent le reconnaître en tous et en tout.

Laissons-nous à Dieu pour qu’il nous conduise jusqu’au Tout.

Stéfan Thériault (stheriault@lepelerin.org)

  1. Derniers fragments d’un long voyage, Éditions Albin Michel, Paris, 2007, p. 41.
  2. Idem p. 41.
  3. Idem p. 41.

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