No 182 – série 2024-2025
Évangile du dimanche 23 mars – 3e dimanche de Carême
Tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions
« Si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de même » (Lc 13, 1-9)
Un jour, des gens rapportèrent à Jésus l’affaire des Galiléens que Pilate avait fait massacrer, mêlant leur sang à celui des sacrifices qu’ils offraient. Jésus leur répondit : « Pensez-vous que ces Galiléens étaient de plus grands pécheurs que tous les autres Galiléens, pour avoir subi un tel sort ? Eh bien, je vous dis : pas du tout ! Mais si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de même. Et ces dix-huit personnes tuées par la chute de la tour de Siloé, pensez-vous qu’elles étaient plus coupables que tous les autres habitants de Jérusalem ? Eh bien, je vous dis : pas du tout ! Mais si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de même. »
Jésus disait encore cette parabole : « Quelqu’un avait un figuier planté dans sa vigne. Il vint chercher du fruit sur ce figuier, et n’en trouva pas. Il dit alors à son vigneron : “Voilà trois ans que je viens chercher du fruit sur ce figuier, et je n’en trouve pas. Coupe-le. À quoi bon le laisser épuiser le sol ?” Mais le vigneron lui répondit : “Maître, laisse-le encore cette année, le temps que je bêche autour pour y mettre du fumier. Peut-être donnera-t-il du fruit à l’avenir. Sinon, tu le couperas.” »
Méditation – La terre du Don cherche nos racines !
Par sa Parole, le Christ vigneron vient bêcher le terreau de notre vie pour y mettre du fumier afin que nous puissions porter du fruit. Il ne désespère jamais de nous. Sa confiance appelle notre vie à une fécondité nouvelle. Et Il bêche notre terre…
Sans la terre, l’arbre ne peut porter du fruit… il ne peut même pas naître et croître. Tout le potentiel de ce qui est semé en germe repose sur cette terre que la semence embrasse en acceptant d’y être enfouie, et d’y mourir pour porter du fruit. La terre qui n’est pas ensemencée reste stérile… la semence qui n’a pas de terre d’enracinement reste inerte. Quelle grande alliance vitale au plus secret des fruits !
Le figuier épuise le sol : il rend la terre stérile[1]… Voilà la terre endurcie et dévitalisée par la manière dont le figuier est en relation avec elle, malgré ces 3 ans du ministère de Jésus… dans cette relation marquée par l’unicité d’un figuier au cœur d’une vigne de raisins.
Qu’est-ce qui fait durcir le sol jusqu’à condamner la terre à la stérilité alors même que le vigneron persiste à bêcher le sol et à apporter du fumier ? Comme en effet « miroir », notre lecture du mal dévoile notre accueil ou notre refus de la Gratuité de l’Amour de Dieu.
Jésus dévoile et dénonce une fausse lecture du mal, qu’il s’agisse du mal engendré par l’homme (Pilate qui fait massacrer des Galiléens) ou du mal et de la mort qui arrive par accident (comme avec la chute de la tour de Siloé). Cette lecture « païenne » est profondément inscrite en nous. Elle s’exprime dans ce cri que nous entendons parfois devant les difficultés de la vie : « Qu’est-ce que j’ai fait au Bon Dieu pour mériter ça ? ».
Cette lecture interprète le mal comme étant le fruit de l’agir de Dieu en fonction de la moralité des personnes, punissant les mauvais et bénissant les bons. Jésus dénonce cette lecture qui trouve ses racines dans une logique du mérite. Cette logique va à l’encontre de la Gratuité de Dieu et elle place l’être humain dans une posture inerte et stérile : soit qu’il interprète que l’absence de difficultés ou de souffrances confirme qu’il est en règle par rapport aux autres qui sont dans le trouble… soit que les difficultés qu’il traverse confirment que de toute manière, la vie est contre lui et qu’il est condamné à cause de ses infidélités et de son péché.
Cette lecture stérilise et anesthésie la vie en la rendant hermétique au Mystère du Don où pourtant le figuier trouve sa source. En choisissant d’expliquer le mal en fonction du mérite, il place les racines de sa vie dans ses propres faiblesses ou ses propres forces. Il demeure ainsi fermé à cette sève du Don qui est pourtant le secret le plus intime de sa vie. Il rend ainsi la terre « dure » en la rendant responsable du mal et impuissante à le vitaliser puisqu’il dénature « l’Amour gratuit » en « mérite à gagner ». Dans cette manière qu’a le figuier de défigurer et fausser son enracinement, il ne peut que devenir stérile, malgré la réalité que l’Amour de Dieu ne cesse de se donner pour lui et que cet Amour va jusqu’au bout. Au fond, le figuier lui-même se vit « coupé » de sa terre d’engendrement et de fécondité… il ne peut que demeurer stérile.
Qu’est-ce que la conversion attendue ?
Ne serait-elle pas dans cette ouverture à accueillir le Christ qui continue de bêcher notre terre par sa Miséricorde ? Abandonnant la mesure de nos mérites ou de nos démérites à travers laquelle nous donnons une justification au mal, croire en son Amour infini et se laisser enraciner dans cette Miséricorde qui vient nous sauver et n’a aucune complicité avec le mal.
Dieu n’est pas la source du mal qui surgit et qui nous laisse souvent dans l’incompréhension et la révolte. Il dépose en nous cette Source qui appelle que nous fassions comme Lui : faire alliance avec cette terre « fragile à se durcir » pour y semer cette Miséricorde qui désamorce de la morsure du mal et fait de notre pauvreté non pas le lieu de notre condamnation, mais le lieu où l’incroyable Gratuité de l’Amour de Dieu nous invite à plonger nos racines.
Devenant de plus en plus perméables à cet Amour, nous découvrons que Dieu est innocent de tout mal… et qu’Il est le premier atteint par notre mal. Nous comprenons que le fond de la vie, c’est son Amour qui nous cherche pour nous donner de porter du fruit.
Lors d’une rencontre avec une dame au parcours de vie très difficile (une pauvre), elle me partageait qu’une personne lui avait dit : « Le péché, c’est quand on n’aime pas ! » Et elle de répondre : « Ah… chaque personne a de la difficulté à aimer… nous sommes tous ainsi. Le péché, c’est de ne pas se laisser aimer par Dieu ! ».
Je suis resté silencieux… le fin silence d’une brise légère a traversé le ciel de ma vie.
Cette pauvre connaissait le secret qui fait vivre et porter du fruit ! Et elle me donnait de goûter à ce fruit.
La terre du Don cherche nos racines !
Paolo Maheux – maheux.paolo@gmail.com
[1] Lc 13, 7 « Évangiles », Nouvelle traduction de Frédéric Boyer, Gallimard, 2022

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