No 154 – série 2024-2025
Évangile du dimanche 23 février – 7e dimanche du temps ordinaire
Tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions
« Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux » (Lc 6, 27-38)
En ce temps-là, Jésus déclarait à ses disciples : « Je vous le dis, à vous qui m’écoutez : Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent. Souhaitez du bien à ceux qui vous maudissent, priez pour ceux qui vous calomnient. À celui qui te frappe sur une joue, présente l’autre joue. À celui qui te prend ton manteau, ne refuse pas ta tunique. Donne à quiconque te demande, et à qui prend ton bien, ne le réclame pas. Ce que vous voulez que les autres fassent pour vous, faites-le aussi pour eux. Si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle reconnaissance méritez-vous ? Même les pécheurs aiment ceux qui les aiment. Si vous faites du bien à ceux qui vous en font, quelle reconnaissance méritez-vous ? Même les pécheurs en font autant. Si vous prêtez à ceux dont vous espérez recevoir en retour, quelle reconnaissance méritez-vous ? Même les pécheurs prêtent aux pécheurs pour qu’on leur rende l’équivalent. Au contraire, aimez vos ennemis, faites du bien et prêtez sans rien espérer en retour. Alors votre récompense sera grande, et vous serez les fils du Très-Haut, car lui, il est bon pour les ingrats et les méchants.
Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux. Ne jugez pas, et vous ne serez pas jugés ; ne condamnez pas, et vous ne serez pas condamnés. Pardonnez, et vous serez pardonnés. Donnez, et l’on vous donnera : c’est une mesure bien pleine, tassée, secouée, débordante, qui sera versée dans le pan de votre vêtement ; car la mesure dont vous vous servez pour les autres servira de mesure aussi pour vous. »
Méditation – Ressusciter AVANT notre mort !
Nous sommes pris de vertige et décontenancé lorsque nous entendons cette Parole du Christ. Dans l’écoute que nous lui offrons, Il dépose la pleine mesure de son Amour. Là même où nous nous justifions de ne plus aimer et de nous fermer, Il vient ouvrir une brèche dans notre bonne conscience.
Je me souviens de la rencontre d’une famille pour les funérailles de leur père. J’étais dans l’écoute et l’accueil de cette famille. Sans même que je puisse identifier la source de ce qui se passait, au cœur de la rencontre, l’un des membres de la famille s’en est pris à moi, déversant une colère dont je ne pouvais voir la raison. Je me souviens qu’en moi, le réflexe de répliquer est monté… J’ai accueilli ce qu’il me disait, tout en demeurant dans l’incompréhension de cette charge contre moi. Au terme de la rencontre, la personne s’est excusée en m’expliquant qu’au fond, elle était en colère contre la mort de son père et le trouble dans lequel cette situation les plaçait à cause des tensions familiales qui existaient depuis longtemps. Conscient du réflexe qui était monté en moi, j’ai perçu à quel point le fait d’exploser aurait multiplié la morsure du mal, jusqu’à me rendre contagieux de ce contaminait le Souffle, pas simplement en le transmettant, mais aussi en le multipliant.
Le Christ ne banalise pas le mal : il ne nous invite pas à nous mettre la tête dans le sable ou simplement chercher à oublier… Il nous invite à reconnaître et nommer le mal qui nous atteint. Il sait le réflexe de vengeance que le mal suscite en nous, cette escalade de la violence, cette démesure de la vengeance qui peut spontanément surgir en nous. Ce n’est pas pour rien que le premier échelon moral pour « domestiquer » le cheval sauvage de la vengeance suscitée par le mal était : « œil pour œil, dent pour dent »! L’expérience avait prouvé que lorsque quelqu’un nous avait arraché un œil, nous étions spontanément enclins à arracher les deux yeux à celui qui nous avait blessé !!! Au mal qui nous est fait, surgit le réflexe de barrer la porte à double-tour pour toujours ou de céder à la démesure de la vengeance. Et le mal de s’engraisser.
Le Christ ne nous parle pas ainsi comme s’il s’agissait de commandements qu’une logique d’obéissance extérieure nous imposerait pour « mériter » une récompense en échange des « efforts » que nous aurions déployés pour essayer de Le suivre. Son cœur ouvert nous place devant l’impasse fabriquée par le mal, en nous invitant à trouver en son Amour l’« incubateur » de notre propre cœur en Lui. C’est dans le « sans mesure » de son Amour qui se fait pardon que se trouve ce qui désamorce la contagion du mal. Et Il nous transmet son Souffle pour que notre manière d’être ensemble soit « sacrement » de son Amour qui sauve.
Devant le mal qui nous est fait et qui fait des ravages en notre monde, nous sommes placés dans ce « sans issue » d’une blessure qui continue de saigner et d’une réponse de violence qui n’aurait pas de frein. Cette animosité intérieure continue de nous gruger comme un « acide » qui dissout son contenant, même si elle cherche à s’apaiser à travers une violence qui fait le jeu du mal.
Au mal qui s’est attaqué au Christ et dont la radicalité s’est exprimée en le mettant à mort, Il a choisi de continuer de nous aimer inconditionnellement. Cet Amour est la réponse qui désamorce le mal pour en faire le lieu de révélation de son infinie Miséricorde. C’est la seule réponse qui peut ouvrir un chemin au cœur du « no mans land » engendré par le mal. Au plus profond de notre obscurité, sa Lumière.
Dans le cœur ouvert du Christ se trouve cette Miséricorde qui est la Source même de la vie qui nous est donnée. Son Amour se fait contagieux pour que nous participions nous aussi à l’œuvre du salut.
L’incapacité de notre amour est manifeste. Cette prise de conscience n’est pas à vivre comme un lieu de condamnation (ce qui est exactement l’œuvre du diable qui est l’accusateur), mais comme une interpellation à continuer de nous déposer dans l’incubateur de cette Miséricorde qui vient nous sauver. L’expérience du Pardon que nous recevons de Lui dilate peu à peu notre cœur pour nous rendre capables d’un don et d’une présence au cœur de ce qui fracture la vie. À la logique du mal qui blesse et détruit, nous vivre dans la logique du don, à la suite du Christ.
Nous le savons trop, le mal a enfermé notre vie dans un tombeau et il a suscité en nous un faux système de salut qui repose sur le mal qui nous a été fait. Notre être-Don est prisonnier de ce tombeau… La délivrance que le Christ nous offre nous est donnée par son Amour sans mesure. Au mal, Il a choisi de répondre par l’Amour. Sa Miséricorde vient à notre secours : dans ce qui est blessé et mort en nous et aussi dans cette complicité avec le mal où parfois nous nous sommes laissés entraîner. Dans la surprise de cet Amour qui nous sauve, l’éveil de notre vie devient passage de ce qui nous a nous-mêmes sauvés. Cette délivrance engendrée par sa Miséricorde nous donne d’entrer dans une capacité de pardonner et d’aimer afin que soit désamorcé le mal qui nous tient encore prisonnier, et cela, même quand nous croyons lui régler son compte par la vengeance ou par le retrait de la vie en se réfugiant dans nos « bunkers ».
Ressusciter AVANT notre mort… Il y a là un passage aussi grand que celui de la promesse de notre résurrection APRÈS notre mort. Mais pour qui a fait l’expérience d’être pardonné et aimé, il sait que la pierre d’angle de cette possibilité ne repose pas sur nos capacités, mais bien en son Pardon qui manifeste sa Force dans notre faiblesse. Devant le mal et la mort, le Christ nous ouvre un chemin pour nous sauver et sauver la communion entre nous.
« Ainsi parle le Seigneur Dieu : Je vais ouvrir vos tombeaux et je vous en ferai remonter, ô mon peuple, et je vous ramènerai sur la terre d’Israël. Vous saurez que Je suis le Seigneur, quand j’ouvrirai vos tombeaux et vous en ferai remonter, ô mon peuple ! Je mettrai en vous mon esprit, et vous vivrez… »[1]
Seigneur, dans l’impossible, ouvre une issue !
Paolo Maheux – maheux.paolo@gmail.com
[1] Ézéchiel 37, 12-14

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