No 42 – série 2024-2025
Évangile du dimanche 20 octobre – 29e semaine du Temps ordinaire
Tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions
« Le Fils de l’homme est venu donner sa vie en rançon pour la multitude » Marc (10, 35-45)
En ce temps-là, Jacques et Jean, les fils de Zébédée, s’approchent de Jésus et lui disent : « Maître, ce que nous allons te demander, nous voudrions que tu le fasses pour nous. » Il leur dit : « Que voulez-vous que je fasse pour vous ? » Ils lui répondirent : « Donne-nous de siéger, l’un à ta droite et l’autre à ta gauche, dans ta gloire. » Jésus leur dit : « Vous ne savez pas ce que vous demandez. Pouvez-vous boire la coupe que je vais boire, être baptisés du baptême dans lequel je vais être plongé ? » Ils lui dirent : « Nous le pouvons. » Jésus leur dit : « La coupe que je vais boire, vous la boirez ; et vous serez baptisés du baptême dans lequel je vais être plongé. Quant à siéger à ma droite ou à ma gauche, ce n’est pas à moi de l’accorder ; il y a ceux pour qui cela est préparé. »
Les dix autres, qui avaient entendu, se mirent à s’indigner contre Jacques et Jean. Jésus les appela et leur dit : « Vous le savez : ceux que l’on regarde comme chefs des nations les commandent en maîtres ; les grands leur font sentir leur pouvoir. Parmi vous, il ne doit pas en être ainsi. Celui qui veut devenir grand parmi vous sera votre serviteur. Celui qui veut être parmi vous le premier sera l’esclave de tous : car le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie en rançon pour la multitude. »
Méditation – Protéger toute l’espérance du monde au fond de nos cœurs !
Cet épisode se situe tout de suite après que, pour la 3e fois, Jésus annonce à ses disciples sa Passion, sa mort et sa Résurrection. Il marche vers Jérusalem, devant les disciples qui eux-mêmes sont saisis de frayeur. Les disciples se trouvent dans un moment de tension et d’insécurité où ils sont troublés à la fois par ce que Jésus leur exprime, et à la fois par la détermination qu’a Jésus de monter à Jérusalem. Jésus marche devant eux, dans la lucidité de vivre le refus de l’Humanité qui le mettra à mort.
Il nous arrive nous aussi de nous retrouver dans des situations qui engendrent une grande inquiétude, percevant la difficulté où nous sommes avec la souffrance qui s’annonce et ne peut être évitée. Alors que nous perdons pied, surgit l’initiative d’une recherche de sécurité : si le présent n’inspire rien de rassurant, nous essayons à tout le moins d’obtenir des « garanties » sur l’issue du passage à vivre. Pour Jacques et Jean, cette recherche prend la forme d’une demande de sièges VIP tout près de Jésus, après leur mort.
Quelle est notre place au milieu du difficile où nous sommes ? Au milieu d’une planète rendue fiévreuse par les changements climatiques, où tant de conflits semblent insolubles, au cœur d’une société marquée par la culture de mort, avec des communautés en perte de vitalité et une sécularisation croissante qui désacralise la vie et les personnes ? Qu’adviendra-t-il de nous au milieu de toutes ces menaces à la vie, à l’amour, à la communion ? Jésus nous annonce qu’il mourra… pour ressusciter bien sûr… mais qu’est-ce que cela veut dire pour nous aujourd’hui ?
« Ce que nous allons te demander, nous aimerions que tu le fasses pour nous. » Spontanément, la menace où nous sommes, suscite un repli sur nous-mêmes, à la recherche d’une garantie, d’une assurance pour l’autre rive. Pour Jacques et Jean, cette recherche prend la forme d’un privilège qu’ils demandent à Jésus : siéger à droite et à gauche de Jésus, dans sa gloire. En tirant la couverture de leur bord par la place privilégiée qu’ils convoitent, Jacques et Jean viennent déchirer le tissu fragile de la communion au sein des disciples… et les autres de s’indigner contre eux.
Jésus dépose sa vie au cœur de cette déchirure, par sa Présence qui éclaire et par son Amour qui les porte : sans chicaner les siens, ni se refuser à l’Humanité qui le mettra à mort. La place qu’Il occupe Lui-même est celle qu’Il a reçu comme un Don du Père : Il est Celui qui vient servir. Cette place, Il l’accueille comme un Don, au milieu même des événements qui s’annoncent et pour lesquels il consent en choisissant d’avancer.
Devant le danger qui se pointe, nous convoitons une place pour nous mettre à l’abri… n’importe où ailleurs que là où nous sommes. La place que l’on convoite nous fait perdre de vue la place qui nous est donnée. Cette place convoitée met à risque aussi la communion, parce qu’elle est le fruit non pas du Don accueilli, mais de la sécurité recherchée. Jésus vient plutôt déposer sa vie dans la fracture de l’Humanité, là où elle a besoin d’être sauvée. Et Il est là, avec nous, maintenant, ici, aujourd’hui, pour nous ouvrir le chemin.
Ce lieu qui nous met en péril à nos yeux est justement le lieu où notre Don est invité à se vivre, communiant ainsi à la Mission du Christ. Nous n’avons pas vocation de décorations ou de bibelots au cœur du monde. Nous sommes invités à vivre nous aussi au cœur de tant de fractures humaines… ces mêmes fractures à la vue desquelles s’éveille l’urgence de se mettre à l’abri et de « sauver notre peau ». Là, au plus sombre, dans la nuit ensemencée par son Amour, accepter de mettre nos pas derrière les siens… Devant tant de croix au cœur de ce monde, pour lesquelles l’apparente victoire de la mort demeure implacable, continuer de servir, ne pas abdiquer de notre espérance devant les difficultés, sans chercher un abri en oubliant les autres. Simplement entrer dans l’offrande du Don qui nous a été fait. Comme me l’écrivait une religieuse vivant actuellement en Terre Sainte :
« Qu’il est facile de se laisser guetter par la désespérance quand nous sommes entourées de massacre, mais qu’il est bon de vivre la communion des saints dans l’Église pélegrinant sur cette terre en regardant ensemble la croix ! Comme Marie le samedi saint, il me semble que toute l’espérance du monde doit être cachée au fond de nos cœurs, afin qu’elle soit protégée. »
Vivre la traversée du plus sombre en suivant le Christ, et devenir servantes et serviteurs dans cette communion à Celui qui, au présent tumultueux de ce que nous vivons, nous accompagne et nous ouvre un chemin.
Paolo Maheux – maheux.paolo@gmail.com
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