No 70 – série 2024-2025
Évangile du dimanche 17 novembre – 32e semaine du Temps ordinaire
Tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions
« Il rassemblera les élus des quatre coins du monde » (Mc 13, 24-32)
En ce temps-là, Jésus parlait à ses disciples de sa venue : « En ces jours-là, après une grande détresse, le soleil s’obscurcira et la lune ne donnera plus sa clarté ; les étoiles tomberont du ciel, et les puissances célestes seront ébranlées. Alors on verra le Fils de l’homme venir dans les nuées avec grande puissance et avec gloire. Il enverra les anges pour rassembler les élus des quatre coins du monde, depuis l’extrémité de la terre jusqu’à l’extrémité du ciel.
Laissez-vous instruire par la comparaison du figuier : dès que ses branches deviennent tendres et que sortent les feuilles, vous savez que l’été est proche. De même, vous aussi, lorsque vous verrez arriver cela, sachez que le Fils de l’homme est proche, à votre porte. Amen, je vous le dis : cette génération ne passera pas avant que tout cela n’arrive. Le ciel et la terre passeront, mes paroles ne passeront pas. Quant à ce jour et à cette heure-là, nul ne les connaît, pas même les anges dans le ciel, pas même le Fils, mais seulement le Père. »
Méditation – Lorsque la branche sur laquelle nous sommes assis se fait scier !
Nous ne manquons pas de visuel pour nous parler de ce qui va mal… les guerres, la pauvreté, les conséquences du réchauffement climatique, les souffrances des couples, des familles, le suicide, la mondialisation de l’indifférence, l’isolement, la maladie. Pour éviter le naufrage, la souffrance qui en résulte et la recherche de sens qui nous habite, nous conduisent à nous accrocher à des débris flottants, dont la solidité reste un mirage. Ils nous sécurisent souvent en tentant de nous faire oublier la source de ce qui nous rend fragiles.
La Parole de Dieu que nous accueillons ne fait pas l’autruche sur la réalité de ce qui s’effrite, nous faisant bien comprendre la date d’expiration de ces réalités sur lesquelles nous prenons appui.
Le soleil, la lune, les étoiles… grands marqueurs du temps à travers lesquels nos parcours et nos activités s’articulent, les voilà en chute libre… ils s’obscurcissent et ne sont plus capables d’offrir la lumière qui éclairait nos pas. Éparpillés, débordés, submergés que nous sommes par le déluge d’informations, de courriels et de ce qui est à faire, nous voilà en train de perdre le Nord.
Dans la mentalité païenne, ces réalités de la création étaient aussi élevées au rang de dieux à qui on offrait des sacrifices, parfois même en mettant à mort leurs propres enfants, pour gagner la faveur des dieux. Par leur chute annoncée, la Parole de Dieu les replace au simple rang de créatures, refusant ainsi de les avoir comme idoles.
D’autres idoles aujourd’hui encore continuent de séduire : l’argent, la consommation, la gloire et le prestige, le pouvoir, la compétition et tant d’autres réalités nous donnent l’illusion de vivre, tout en nous laissant le cœur vide.
Ce sur quoi nous avons fait reposer notre vie s’effrite… s’effondre. Cet obscurcissement du soleil et de la lune, cette chute des étoiles du ciel, cet ébranlement des puissances célestes dont Jésus parle, ne sont pas un scénario de film d’horreur. Le dévoilement de l’éphémère et de la caducité de toutes ces réalités est une grâce. Le mensonge de leurs promesses se révèlent, nous laissant gisants, dans l’ignorance de nous-mêmes, assoiffé de ce qui ne peut mourir.
Ces conditions ont précisément le pouvoir de faire émerger notre peur et tout ce qui nous convainc de laisser le dernier mot à la mort, aux difficultés, à ce qui nous terrorise. Combien de fois ai-je entendu l’annonce de la fin du monde ? Sur ce « glacial » de l’effritement de nos assises se cristallise la peur qui habite les profondeurs de notre vie, cette peur, émotion si forte de l’enfance. Comme il est facile d’en devenir l’otage.
Mais le Christ vient… même au milieu de toutes ces conditions obscures et anxiogènes où nous perdons pied… Il continue toujours de venir… Jusqu’à ma porte… jusqu’à ta porte… là où nos assises n’ont pas tenu leur promesse et nous ont laissé sur notre soif.
Du milieu de nos peurs, à accueillir et à comprendre, nous sommes ainsi invités à un déplacement, une migration. Notre peur nous parle de la fragilité de la branche sur laquelle nous sommes assis… Là où nous prenons conscience qu’elle se fait scier, le Christ nous invite à prendre appui sur sa Parole qui traverse le temps et fait de nous ses élus : son Amour et sa Miséricorde sont notre repos.
« Seigneur, je n’ai pas le cœur fier ni le regard ambitieux ;
je ne poursuis ni grands desseins, ni merveilles qui me dépassent.
Non, mais je tiens mon âme égale et silencieuse ;
mon âme est en moi comme un enfant, comme un petit enfant contre sa mère.
Attends le Seigneur, Israël, maintenant et à jamais. »[1]
Dans ce qui s’effrite au cœur de notre monde et de notre vie, nous sommes convoqués à nous enraciner dans cet Amour qui nous sauve et qui n’aura jamais de date d’expiration.
Ce voyage nous fait passer de l’extériorité de nos sécurités à l’intériorité où Dieu nous attend… De l’accueil de la vie et de la création, en passant par l’accueil des méandres de notre histoire, pour y déceler le fin silence de la brise de sa Tendresse[2], jusqu’au jour où, même dans le mystère de notre mort, se dévoilera le Mystère d’un Amour qui nous a toujours portés. Si les branches sur lesquelles nous sommes assis cèdent sous le poids du provisoire et de l’éphémère, c’est pour que nous soyons conduits à la découverte de ce qui ne meurt pas : son Amour qui nous sauve. Au cœur même des deuils que nous vivons, ne faisons-nous pas l’expérience que la mort est impuissante à faire disparaître ce qui ne pourra jamais mourir et qui est déjà semence d’éternité en notre propre vie ?
Oui, la chute de nos repères déroute… Oui, les idoles continuent de faire miroiter leurs fausses promesses… Mais la Voix du Christ frappe à la porte de notre cœur pour nous révéler ce qui ne pourra jamais mourir : notre nom sur ses lèvres.
Quittant les rives de nos peurs qui nous enterrent avant de mourir, prenant appui sur son Amour qui prononce notre nom, avançons au large, contagieux d’un Amour reçu qui nous fait entrer dans le don où nous traverse ce qui ne pourra jamais mourir.
Paolo Maheux – maheux.paolo@gmail.com
[1] Psaume 130, 1-3
[2] 1er Livre des Rois 19, 12 «…après ce feu, le murmure d’une brise légère. »
DROIT D’AUTEUR
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