Méditation quotidienne du dimanche 15 octobre : L’invitation à la noce (no 42 – série 2023-2024)

Image par Lubov Lisitsa de Pixabay

Évangile du Dimanche 15 octobre – 28e dimanche du Temps ordinaire (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)

« Tous ceux que vous trouverez, invitez-les à la noce » Mt 22, 1-14

En ce temps-là, Jésus se mit de nouveau à parler aux grands prêtres et aux pharisiens, et il leur dit en paraboles : « Le royaume des Cieux est comparable à un roi qui célébra les noces de son fils. Il envoya ses serviteurs appeler à la noce les invités, mais ceux-ci ne voulaient pas venir. Il envoya encore d’autres serviteurs dire aux invités : “Voilà : j’ai préparé mon banquet, mes bœufs et mes bêtes grasses sont égorgés ; tout est prêt : venez à la noce.” Mais ils n’en tinrent aucun compte et s’en allèrent, l’un à son champ, l’autre à son commerce ; les autres empoignèrent les serviteurs, les maltraitèrent et les tuèrent.
Le roi se mit en colère, il envoya ses troupes, fit périr les meurtriers et incendia leur ville. Alors il dit à ses serviteurs : “Le repas de noce est prêt, mais les invités n’en étaient pas dignes. Allez donc aux croisées des chemins : tous ceux que vous trouverez, invitez-les à la noce.” Les serviteurs allèrent sur les chemins, rassemblèrent tous ceux qu’ils trouvèrent, les mauvais comme les bons, et la salle de noce fut remplie de convives.
Le roi entra pour examiner les convives, et là il vit un homme qui ne portait pas le vêtement de noce. Il lui dit : “Mon ami, comment es-tu entré ici, sans avoir le vêtement de noce ?” L’autre garda le silence. Alors le roi dit aux serviteurs : “Jetez-le, pieds et poings liés, dans les ténèbres du dehors ; là, il y aura des pleurs et des grincements de dents.” Car beaucoup sont appelés, mais peu sont élus. »

Méditation

Nous sommes placés, avec cet Évangile, devant la grandeur miséricordieuse et amoureuse de Dieu et l’étrange comportement de son partenaire humain. Le texte nous place d’entrée de jeu devant ce qui a constitué au cours des siècles le summum de l’expérience spirituelle : la noce ou le mariage spirituel. Le roi ou le Père nous invite à participer aux noces de son Fils dans une générosité infinie. Nous n’avons qu’à y assister afin d’avoir part à la Vie même de Dieu. Ce mariage en le Fils, où nous sommes transformés en Lui, nous faisant fils ou filles dans le Fils, nous offre d’entrer dans l’Amour même des Personnes divines. Notre être peut alors, en regard de Dieu, nous dira saint Jean de la Croix, « t’aimer et jouir de toi, étant toute convertie en amour divin » (1). L’humain et Dieu ne font plus qu’Un.

Imaginez, Dieu nous invite à partager sa Vie, à partager tout ce qu’Il est. Comme dirait l’Évangile, seul un enfant peut être assez simple pour accepter avec enthousiasme et spontanéité gratuite une telle invitation. Malheureusement, placés devant cet infini Amour que répondons-nous : « les invités (…) ne voulaient pas venir ». Tout nous est offert par Dieu et notre réponse n’est pas seulement non mais porte l’insulte de ne pas vouloir venir. Quel rejet ! Quelle trahison quand nous considérons que ce non est prononcé contre Celui qui a tout créé et qui nous a tout donné !

Il y aurait à se décourager du partenaire humain mais Dieu revient à la charge. Il nous annonce par ses serviteurs que « tout est prêt », que « mes bœufs et mes bêtes grasses sont égorgés ». Il essaie ici, pourrais-je dire, de se rendre plus accessible ou, pour utiliser une expression consacrée, « de nous prendre par le ventre ». Il ne s’offre plus Lui-même directement, Il offre une nourriture qui peut nous satisfaire, qui ressemble plus à ce que nous connaissons. Il se rend plus accessible et plus concret. Notre réponse, et je la trouve terrifiante est : « Mais ils n’en tinrent aucun compte et s’en allèrent, l’un à son champ, l’autre à son commerce ; les autres empoignèrent les serviteurs, les maltraitèrent et les tuèrent ». Non seulement, nous préférons la petitesse routinière de notre vie humaine mais nous allons maltraiter et tuer ceux qui veulent nous tirer de notre petit monde conquis. Entrer dans la noce, honorer le Père en son Fils, n’a pour nous aucun intérêt. N’est-ce pas ce que nous voyons en ce monde ? Un intérêt pour tout ce qui est matériel mais une indifférence ou une violence à tout ce qui est plus grand que nous, à cette dimension spirituelle et mystique de notre être. Laisser Dieu entrer dans notre vie et, de notre part, entrer dans la sienne, dans une étreinte d’Amour inimaginable, nous révolte… laissant ressortir en nous la violence du mal qui nous habite et qui dirige notre vie, et ce, au détriment de soi, des autres et de Dieu.

Alors, comme l’humain semble plus attaché au pouvoir du mal et de sa violence, le texte nous dit que Dieu répond d’une manière que nous pouvons comprendre : « Le roi se mit en colère, il envoya ses troupes, fit périr les meurtriers et incendia leur ville ». Personnellement, je ne crois pas que Dieu agit ainsi, je crois plutôt qu’Il nous laisse un instant à nous-mêmes, et, en peu de temps, nous partageons rapidement entre nous toutes nos violences. Un humain sans Dieu, laissé à son mal intérieur, ne peut que se détruire, détruire les autres et le monde.

Malgré notre violence envers Lui, Dieu ne désespère pas et continue à nous proposer son Amour. Son geste me semble très convaincant. Pour nous indignes, il dit à ses serviteurs : « tous ceux que vous trouverez, invitez-les à la noce (…) les mauvais comme les bons ». Il ne fait donc exception de personne et ne s’attarde pas à notre méchanceté, si bien que « la salle de noce fut remplie de convives ». La seule condition qui demeure est qu’Il nous faut revêtir le Christ (Rm 13, 14), car ne peut entrer dans la noce que celui ou celle qui devient fils ou fille dans le Fils, se revêtant ainsi de son incorruptibilité et de son immortalité (1 Cor 15, 53).

Sans cette union au Fils, et donc sans cette union à Dieu, l’humain, comptant que sur lui-même, se retrouvera « pieds et poings liés, dans les ténèbres du dehors ; là, il y aura des pleurs et des grincements de dents ».  Refuser Dieu, c’est refuser la Source de toute V(v)ie, c’est refuser notre vie, c’est refuser notre humanité. Comme des fous, nous nous enchaînons alors dans les ténèbres de la mort, se nourrissant ainsi un peu plus de nos violences. Puissions-nous un jour comprendre que notre existence peut basculer en un instant en Vie si nous acceptons l’invitation à la Noce.

Stéfan Thériault (stheriault@lepelerin.org)

(1) Œuvre complètes, Desclée de Brouwer, Paris, 1958, p. 733.

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