No 35 – série 2024-2025
Évangile du dimanche 13 octobre – 28e semaine du Temps ordinaire
Tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions
« Vends ce que tu as et suis-moi » Marc (10, 17-30)
En ce temps-là, Jésus se mettait en route quand un homme accourut et, tombant à ses genoux, lui demanda : « Bon Maître, que dois-je faire pour avoir la vie éternelle en héritage ? » Jésus lui dit : « Pourquoi dire que je suis bon ? Personne n’est bon, sinon Dieu seul. Tu connais les commandements : Ne commets pas de meurtre, ne commets pas d’adultère, ne commets pas de vol, ne porte pas de faux témoignage, ne fais de tort à personne, honore ton père et ta mère. » L’homme répondit : « Maître, tout cela, je l’ai observé depuis ma jeunesse. » Jésus posa son regard sur lui, et il l’aima. Il lui dit : « Une seule chose te manque : va, vends ce que tu as et donne-le aux pauvres ; alors tu auras un trésor au ciel. Puis viens, suis-moi. » Mais lui, à ces mots, devint sombre et s’en alla tout triste, car il avait de grands biens.
Alors Jésus regarda autour de lui et dit à ses disciples : « Comme il sera difficile à ceux qui possèdent des richesses d’entrer dans le royaume de Dieu ! » Les disciples étaient stupéfaits de ces paroles. Jésus reprenant la parole leur dit : « Mes enfants, comme il est difficile d’entrer dans le royaume de Dieu ! Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’à un riche d’entrer dans le royaume de Dieu. » De plus en plus déconcertés, les disciples se demandaient entre eux : « Mais alors, qui peut être sauvé ? » Jésus les regarde et dit : « Pour les hommes, c’est impossible, mais pas pour Dieu ; car tout est possible à Dieu. »
Pierre se mit à dire à Jésus : « Voici que nous avons tout quitté pour te suivre. » Jésus déclara : « Amen, je vous le dis : nul n’aura quitté, à cause de moi et de l’Évangile, une maison, des frères, des sœurs, une mère, un père, des enfants ou une terre sans qu’il reçoive, en ce temps déjà, le centuple : maisons, frères, sœurs, mères, enfants et terres, avec des persécutions, et, dans le monde à venir, la vie éternelle. »
Méditation – Viens, suis-moi sur ce chemin de liberté !
Le désir de ce jeune homme, habité par un élan généreux où il se met à genoux aux pieds de Jésus, transpire de ferveur ! Il ne s’agit pas là d’un désir fugitif, passager, éphémère. Depuis sa jeunesse, il observe tous les commandements ! Pourtant, le voilà insatisfait ! Toute cette pratique de la Loi le laisse sur sa faim ! Comme il faut prendre au sérieux ce qui nous laisse sur notre appétit. Le prendre au sérieux comme un appel à s’ouvrir à un « plus » qui n’est pas fait de « mains d’hommes »…
Et la question que cet homme riche pose à Jésus est déjà éloquente de l’univers où se construit sa vie : « Que dois-je faire pour avoir la vie éternelle en héritage ? ». Il lit sa vie sous l’angle du devoir, du mérite et de l’avoir. Il situe la plénitude de vie dans le même univers que celui qu’il s’est construit pour vivre… nous devrions dire «pour survivre » puisqu’il en ressort insatisfait. Pour lui, la possession de la vie éternelle est le résultat du devoir assumé pour mériter cette vie éternelle, qui d’ailleurs, semble bien solitaire !
Cet univers ne tient pas ses promesses… La secrète souffrance engendrée par cette insatisfaction profonde trouve dans « l’avoir » un calmant, qui, sans aucunement guérir, anesthésie et permet de continuer d’avancer, avec cette insatiabilité croissante qui nous rend dépendant, parce qu’il nous en faut « toujours plus », et que ce « toujours plus » n’est jamais assez! Mais la soif d’éternité demeure… C’est elle qui conduit le jeune homme riche à Jésus. Comment a-t-il perçu en Jésus celui qui pouvait recevoir sa question ? Comment s’est cristallisée en lui la décision d’aller à sa rencontre ? Comment a-t-il perçu en Jésus celui qui connaît le chemin de cette éternité qui accomplit la vie ? Et nous, comment se fait-il que nous sommes en train de lire ou d’écouter sa Parole ? Mystère de cette Alliance où Il nous appelle avant même que nous le choisissions.
Comme cet homme riche, portés par une voix qui a une résonance avec le Mystère du plus intime de ce que nous sommes, nous voilà interpellés à nous détacher de ce qui nous empêche de suivre le Christ. Saint Ignace de Loyola parlait de ce « fil d’or » qui, attaché à la patte de l’oiseau, l’empêche de voler et de sortir de sa cage. Faisant entrer Jésus dans l’intime de son désir, voilà que la grâce de prendre conscience de ses « attaches » lui est révélée. Au cœur de cette rencontre se dévoile l’emprise sous laquelle se trouve le jeune homme riche, « possédé » par ce qui prend couleur de « précieux » pour lui.
La pratique des commandements et les richesses par lesquelles nous donnons une consistance toute extérieure à notre vie, ne vont pas « à la cheville de notre cœur ». La relation profonde appelle une disponibilité pour entrer dans une intimité que seule l’A(a)utre peut nous offrir et qui n’est possible que si nous faisons route avec lui, en refusant de vouloir le posséder. Il s’agit là d’un fruit qu’on ne peut cueillir à moins qu’il nous soit donné. Et pour le cueillir, il nous faut ce désencombrement à travers lequel un espace s’offre à l’autre. Il ne s’agit plus d’une fidélité à la Loi… Il s’agit d’un chemin que l’amour du Christ suscite pour nous révéler le cœur du Père et le nôtre.
Au rythme des « offertoires » qui se succèdent, nous prenons conscience que ce que nous avons à Lui offrir ne diminue pas avec le temps : nous sommes conduits à offrir cette part de nous-mêmes que nous n’avons pas encore offerte… nos vies en voie de libération de ces mirages éphémères, aux arrière-goûts de tristesse… sont invitées à se remettre entre les mains de Celui qui, le premier, a tout quitté pour prendre le risque de nous !
Et, alors même que nous sommes sensibles à ce que nous avons quitté pour mieux le suivre, voilà que le Christ nous révèle que nous sommes ainsi conduits à recevoir « tout » « autrement ». N’avons-nous pas déjà fait cette expérience qu’en renonçant à tout sentiment de propriété, à tout désir de maîtrise, à tout besoin de reconnaissance, dans la liberté qui rend disponible au Souffle, oui, un Don nous était fait, gravé dans la mémoire de ce qui traverse le temps ? Et nous voilà devant ce que Dieu Lui-même peut seul réaliser en nos vies. Dans la chaleur de cet Amour qui nous cherche et nous appelle, le cœur dilaté par l’accueil de ce qui est donné, conduit à la prise de conscience de nos attaches, croire à l’impossible que Dieu veut réaliser dans nos vies, en faisant déjà surgir en nous ce qui ne peut mourir : le désir de le suivre !
Paolo Maheux – maheux.paolo@gmail.com
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