Méditation quotidienne du dimanche 11 juin : En manque de Dieu (No 263 – série 2022 – 2023)

Image par Nicky de Pixabay

Évangile du dimanche 11 juin – 10e dimanche du Temps ordinaire (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)

« Ma chair est la vraie nourriture, et mon sang est la vraie boisson » Jn 6, 51-58

En ce temps-là, Jésus disait aux foules des Juifs : « Moi, je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel : si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement. Le pain que je donnerai, c’est ma chair, donnée pour la vie du monde. » Les Juifs se querellaient entre eux : « Comment celui-là peut-il nous donner sa chair à manger ? » Jésus leur dit alors : « Amen, amen, je vous le dis : si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’homme, et si vous ne buvez pas son sang, vous n’avez pas la vie en vous. Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle ; et moi, je le ressusciterai au dernier jour. En effet, ma chair est la vraie nourriture, et mon sang est la vraie boisson. Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et moi, je demeure en lui. De même que le Père, qui est vivant, m’a envoyé, et que moi je vis par le Père, de même celui qui me mange, lui aussi vivra par moi. Tel est le pain qui est descendu du ciel : il n’est pas comme celui que les pères ont mangé. Eux, ils sont morts ; celui qui mange ce pain vivra éternellement. »

Méditation

Le problème des juifs et peut-être de nombreuses personnes se résume en ces mots : « Comment celui-là peut-il nous donner sa chair à manger ? » La question a ici une connotation fortement anthropologique.  Elle me rappelle qu’un être humain est fondamentalement un être de manque ou en qui repose une pauvreté fondatrice.  Du ventre de notre mère à aujourd’hui, ce manque nous rappelle que nous ne pouvons nous suffire à nous-mêmes et, donc, que l’auto-suffisance est une aberration, et ce, même si la société actuelle nous a vendu l’autonomie comme une auto-suffisance.

L’être humain, être de manque, existe donc en profonde dépendance avec le V(v)ivant. Nous ne pouvons exister qu’en relation avec la création, avec les autres humains et avec le Divin. Si nous n’étions pas des êtres de manque, aucune relation ne serait possible, car, si nous sommes pleinement suffisants, nous n’aurions besoin de personne. Le mystère de la vie humaine, comme celles de la création et de Dieu, est celui d’une vie partagée, c’est-à-dire que nous avons besoin du don des autres pour naître, devenir nous-mêmes, grandir et déployer notre propre mystère tout comme les autres ont besoin de notre don.

En ce sens, si la vie ne peut être que relationnelle, elle nous pose dans un état d’accueil et de manque constant devant le don de l’autre. Et le don premier que nous avons reçu est celui, de la part de Dieu, de notre propre vie. Nous sommes nés d’un don de Dieu porté par le don mutuel de nos parents. Mais ce don n’en est pas un une fois pour tout, il a besoin tout au long de notre vie de se nourrir de vie pour atteindre sa plénitude. La vie ne peut se saisir et se vivre que dans la gratuité de nos dons mutuels dont le fondement est dans le don de Dieu Lui-même.

Cette réalité du manque fait que nous sommes des êtres de besoins et, comme c’est Dieu qui nous donne la vie, nous sommes, fondamentalement, voulus et désirés par Dieu dans une relation cocréatrice. Comme Dieu nous a créés dans une relation de pauvreté, de manque, cela signifie que tous nos besoins trouvent leurs racines dans ce besoin de Dieu. S’il est Celui qui nous a donné la vie, Il est Celui qui peut l’amener par la relation avec Lui à sa parfaite plénitude. Cette plénitude, Il désire nous y faire entrer, car Il a envoyé son Fils en ce monde : son Verbe s’est fait chair. Ce Verbe s’est d’abord fait chair à la création parce que c’est par Lui que tout fut créé, et ce Verbe en s’incarnant Lui-même en Jésus a fait de chaque humain en cette chair le lieu du partage de la Vie de Dieu.  En notre chair, la Trinité a désiré et choisi de communiquer sa Vie.

L’humain, chaque jour, est appelé à recevoir la vie de Dieu à travers la création afin de nourrir, particulièrement, son corps, mais aussi son esprit et son cœur profond. -C’est déjà là une merveille incroyable que l’humain soit nourri dans tout son être par la création.- Mais, aujourd’hui, en cette solennité du Saint-Sacrement, il nous est rappelé qu’il y a une nourriture plus fondamentale qui traverse la chair, à savoir la Vie même de Dieu. Le Verbe en prenant chair humaine s’est fait « pain vivant » qui nous communique sa Vie éternelle. Et par cette incarnation, Il a pris notre chair afin que chaque vie humaine soit dispensatrice de sa Vie éternelle, de la Vie trinitaire. 

Dans le pain eucharistique, Jésus nous rappelle à chacun.e que le pain de la création est un pain par lequel Dieu donne accès à sa Vie.  Nous devrions ainsi avoir une révérence et une gratitude extraordinaires face à la création qui se donne de vie pour notre propre vie et à Dieu qui a su la faire pain afin de nous combler dans nos plus petits manques ou besoins. Mais, plus encore, la fête du Saint-Sacrement nous rappelle que chacun.e de nous est appelé.e, de par sa Vie, à devenir « pain vivant dans l’Unique Pain vivant qui est le Fils » afin de nourrir ce monde de la Vie même de Dieu, vie qui, seule, peut combler l’être humain et lui donner d’atteindre sa plénitude.

Pour vivre ce mystère, nous devons découvrir que le manque n’est pas une plaie, une déficience, mais un grand miracle qui doit prendre de plus en plus d’espace en nous. Car tout le chemin spirituel est, j’oserais dire, de devenir pur manque afin que Dieu puisse combler notre besoin fondamental de Lui, ce qui signifie l’accueillir tout entier afin qu’Il fasse sa demeure en nous. Vivre en « manque de Dieu » en se nourrissant chaque jour du Pain de sa Vie, dans notre relation avec la création, avec les humains et avec Dieu, voilà une dignité et la source d’une fécondité inimaginables !

Stéfan Thériault (stheriault@lepelerin.org)

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