Méditation quotidienne du dimanche 1 octobre : Le feu de la Parole (no 28 – série 2023-2024)

Évangile du Dimanche 1 octobre – 26e dimanche du Temps ordinaire (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)

« S’étant repenti, il y alla » Mt 21, 28-32

En ce temps-là, Jésus disait aux grands prêtres et aux anciens du peuple : « Quel est votre avis ? Un homme avait deux fils. Il vint trouver le premier et lui dit : “Mon enfant, va travailler aujourd’hui à la vigne.” Celui-ci répondit : “Je ne veux pas.” Mais ensuite, s’étant repenti, il y alla. Puis le père alla trouver le second et lui parla de la même manière. Celui-ci répondit : “Oui, Seigneur !” et il n’y alla pas. Lequel des deux a fait la volonté du père ? » Ils lui répondent : « Le premier. »
Jésus leur dit : « Amen, je vous le déclare : les publicains et les prostituées vous précèdent dans le royaume de Dieu. Car Jean le Baptiste est venu à vous sur le chemin de la justice, et vous n’avez pas cru à sa parole ; mais les publicains et les prostituées y ont cru. Tandis que vous, après avoir vu cela, vous ne vous êtes même pas repentis plus tard pour croire à sa parole. ».

Méditation

À la première lecture du texte, j’étais embêté, car je trouvais ce texte trop logiquement construit, comme s’il avait été écrit avec beaucoup de raison mais peu d’inspiration. La conclusion y était même inscrite, à savoir que les « grands prêtres et (les) anciens du peuple (…) après avoir vu (la conversion des publicains et des prostituées), (ne se sont) même pas repentis plus tard pour croire à sa parole ». Bien sûr, une telle conclusion nous parle mais, peut-être moi-même en travaillant trop de la tête, mon embêtement m’a amené à chercher et j’ai été frappé par un aspect de la traduction qui vient changer, pour moi, l’ordre trop logique du texte. Cette anomalie dans la traduction se trouve dans la réponse du deuxième enfant : « Oui, Seigneur ! ». En fait, le texte en grec dit plutôt : « Moi, Seigneur ». Cela m’a bousculé !

Le premier enfant de la parabole de Jésus, bien spontané dans sa réponse, répond à la question de travailler à la vigne par un « je ne veux pas ». Cette réponse en « je » est empreinte de sincérité et de vérité. Il ne ment pas pour faire plaisir. Le second, quant à lui, dit : « Moi, Seigneur ». Cette réponse, il me semble, est fort différente d’un « Oui, Seigneur ! ». Premièrement, il n’y a aucun verbe précisant ce que cet enfant va faire. En fait, il ne répond pas à la question, si bien que ce texte si bien construit perd sa rigueur logique. Peut-être, les traducteurs alors ont-ils senti le besoin de la lui redonner en insérant, au lieu de « moi », le mot « oui » ou « entendu » (Bible de Jérusalem) ?

Non seulement cet enfant ne dit pas ce qu’il va faire mais les mots « moi » et « Seigneur » sont posés côte à côte sans véritable lien, comme si l’Amour et la Vérité ne liaient pas le père et l’enfant. De plus, la réponse pourrait même apparaître comme une sorte d’indifférence blasée ou une surprise, « c’est à moi que tu demandes cela Seigneur ? ».

Je crois que toute rencontre avec le Seigneur est différente de nos rencontres humaines, car le Fils a dit de Lui-même : « Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie ». Quand Il nous parle, Il le fait donc en Vérité et Il ne peut attendre de nous qu’une réception en vérité de ses paroles. Ce qui signifie qu’elles devraient nous saisir de l’intérieur et nous communiquer la grâce de répondre en Vérité. En réalité, il y a là plus toute une grâce : entendre la Vérité, c’est se laisser assumer par Elle. C’est la laisser nous entraîner là où Elle veut nous conduire, car chaque Parole de Dieu est un appel qui demande la conformité de notre être à ce qu’Elle nous dit.

Nous ne pouvons répondre par des mensonges, par des paroles sans foi (auxquelles on ne croit pas), par des paroles en l’air, car la Vérité des paroles de Jésus nous appelle à y engager tout notre être. Le premier garçon saisit au cœur de ces paroles « la volonté du Père » et il répond franchement qu’il ne veut pas. Même s’il refuse, il s’est exprimé en Vérité et il a parlé en « je », demeurant intègre avec ce qu’il est. Le deuxième, sa réponse me semble vide, sans foi et sans signification : « Moi, Seigneur ». Nous sommes devant un « moi » mais sans « je », un moi préfabriqué, comme le nommait Maurice Zundel. Nous le ressentons bien si on compare cette réponse aux trois sortes de réponses faites par Samuel au Seigneur : « Me voici ! » (1 Sam 3, 4), comme s’il se livrait à cette Parole et à ce qu’Elle pourrait lui demander; « Me voici, puisque tu m’as appelé » (1 Sam 3, 5-6.8), car il reconnaît la puissance d’appel et d’engagement de la Parole; et « Parle, car ton serviteur écoute » (1 Sam 3, 10), et le voilà abandonné complètement à la Parole prononcée et à Celui la prononce.

Voilà le grand drame mis en lumière par ce texte et, aussi, le grand drame de nos vies. Comme « les grands prêtres et les anciens du peuple », nous prions et nous faisons des actes pieux mais il n’y a plus de relation entre Dieu et nous. Notre parole s’est vidée de la sienne, car notre être est plus centré sur son « moi » que sur le « Seigneur ». Nous ne disons plus, comme l’a si bien incarné Marie, : « Je suis la servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon ta parole ! » (Lc 1, 38)

Demandons au Seigneur d’avoir un cœur comme Marie qui se laisse transformer par la Vérité de la Parole, qui la laisse naître en Elle.  Que, au cœur de nos méditations ou de nos prières, nous éprouvions cette réalité de la parole comme le prophète Jérémie  : « Mais elle était comme un feu brûlant dans mon cœur, elle était enfermée dans mes os. Je m’épuisais à la maîtriser, sans y réussir » (20, 9).

Stéfan Thériault (stheriault@lepelerin.org)

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