Évangile du Samedi 10 décembre 2022 – 2e semaine de l’Avent (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)
Élie est déjà venu et ils ne l’ont pas reconnu Mt 17, 10-13
Descendant de la montagne, les disciples interrogèrent Jésus : « Pourquoi donc les scribes disent-ils que le prophète Élie doit venir d’abord ? » Jésus leur répondit : « Élie va venir pour remettre toute chose à sa place. Mais, je vous le déclare : Élie est déjà venu ; au lieu de le reconnaître, ils lui ont fait tout ce qu’ils ont voulu. Et de même, le Fils de l’homme va souffrir par eux. » Alors les disciples comprirent qu’il leur parlait de Jean le Baptiste.
Méditation
En ces temps de l’Avent, en ces temps de l’Annonce, cet extrait de l’évangile de Matthieu me semble ouvrir à ce qui nous précède et nous prépare. Nous accueillons certes ici, le souci de l’évangéliste qui rédigeait dans un contexte troublé. Entre 50 et 80 ans après la naissance d’un roi au fond d’une crèche, le Colisée de Rome s’édifie, Pompéi est engloutie, les persécutions chrétiennes se poursuivent, les souvenirs de la fureur, celle de Néron et celle de la destruction du Second Temple ont tout au plus dix ans. Une ou deux générations après la fureur de la crucifixion et la douceur de la résurrection, il fallait préparer ceux qui suivront et annoncer ceux qui ont précédé. Il fallait accorder la foi chrétienne naissante avec le raffermissement de l’identité juive et l’accorder avec l’appellation de plus en plus contrôlée des fils d’Abraham.
Élie, ce serviteur d’Abraham, a connu l’intime de la fureur qui meurt dans l’éveil de la douceur. Ben Sira le Sage le déclare sans ménagement dans la première lecture d’aujourd’hui : le « prophète surgit comme un feu, [que] sa parole brûlait comme une torche (Si 48, 1) ». Redoutable fureur d’Élie qui rêve d’inféoder un roi, qui sera menacé par une reine et défiera 450 adorateurs quant au Dieu véritable. Un Dieu qui, devant deux mains jointes en vérité, rassasie toute famine et toute sécheresse (1 Rois 18.38-41). Redoutable douceur d’Élie aussi pour qui l’Éternel l’invite dans un murmure, un bruissement de feuilles, le frémissement de ses paupières. Dieu s’agite dans le bruit d’une brise légère. En désarroi et en fuite, Élie l’a pourtant attendu au cœur de l’ouragan, en plein tremblement de terre, au milieu du feu, mais l’Éternel n’y était pas. À travers la fureur et l’égarement, Dieu a préparé son cœur par le don du discernement et pour l’incarnation de sa mission. Comme le souligne le pape François dans sa méditation matinale (13 juin 2014), ce n’est pas tant la rencontre avec Dieu qui importe mais tout le parcours pour arriver à la mission confiée : « quand le Seigneur nous donne une mission, veut nous donner un travail, il nous prépare pour bien le faire… quand il nous donne une mission, il nous fait toujours entrer dans un processus de purification, un processus de discernement, un processus d’obéissance, un processus de prière. »
Du Carmel à l’Horeb, Élie s’est laissé précéder par ce Dieu qui annonce. En attente et désemparé, il s’est laissé purifier par la douceur d’une brise afin d’entreprendre sa mission d’aller oindre des rois. De la fureur à la douceur, Jean le Baptiste s’est laissé précéder par Dieu qui annonce. Ameutant tout le désert pour la conversion des Judéens, Jean a été touché par l’humilité de Jésus au Jourdain. Le cœur obéissant et missionnaire, il présentera le Christ non pas en conquérant mais comme l’Agneau de Dieu, celui qui enlève les péchés du monde (Jn 1.35).
Quand l’extérieur, ses bruits de fureur et de fin du monde s’estompent, c’est dans la prière et l’intérieur, qu’une brise légère jaillit. C’est le gémissement du cœur en travail, le murmure de l’Avent, c’est le bruit que fait la douceur quand elle se fait Annonce. L’Avent est ce temps qui interrompt la marche vers la mort pour remettre l’enfance devant, il est mystère qui nous précède en pétrissant notre cœur pour le rendre soyeux et brillant. C’est le mystère qui nous précède et contient déjà la royauté de notre être à naître dans son regard. L’Avent c’est la purification, le discernement, l’obéissance et la prière tous ensemble et en même temps, en un seul temps. De la fureur d’exister par ses moyens propres et blessées jusqu’à la douceur de vivre en remettant sa pauvreté entre Ses mains, l’Avent c’est la joie de l’amour toujours naissant qui nous fait annonce du Dieu vivant, éternellement.
Matthieu rédigeait en pleine fin de son monde, je rédige cette méditation à la veille d’une conférence pour sauver le vivant, humanité comprise. Les chrétiens continuent de connaître la persécution, la technologie s’édifie et l’Ukraine est engloutie. À travers la fureur de son époque, en s’efforçant de préserver le caractère juif des fils d’Abraham, Matthieu a rédigé sur l’enfance. À travers la fureur de mon époque, je m’efforce de préserver notre part d’humanité et je rédige sur l’Avent. Précédée par mon mystère où Dieu traverse tous les précurseurs, il vient me rejoindre telle une brise dans ma frayeur. Dans cette fin du monde et dans mon désarroi, j’accueille son labeur intérieur, j’accueille l’Avent. Il veut faire de moi, une œuvre de douceur, un cœur soyeux, au milieu de la fureur.
Barbara Martel (bmartel@lepelerin.org)
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