Méditation : Insoumise obéissance (No 94 – série 2022-2023)

Image par Gerd Altmann de Pixabay

Évangile du Mercredi 7 décembre 2022 – 2e semaine de l’Avent (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)

« Venez à moi, vous tous qui peinez » Mt 11, 28-30

En ce temps-là, Jésus prit la parole : « Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi, je vous procurerai le repos. Prenez sur vous mon joug, devenez mes disciples, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos pour votre âme. Oui, mon joug est facile à porter, et mon fardeau, léger. »

Méditation

Alors que je termine une semaine surchargée de travail, assise devant mon écran et mon verre de vin blanc, je contemple cette Parole perturbante de modernité. Pour peu, la traduction de Chouraqui pourrait aisément se retrouver dans un best-seller de croissance personnelle et organisationnelle. Je cite : Venez à moi, vous tous, les fatigués, les surmenés, je vous donnerai le repos. Prenez sur vous mon joug, apprenez de moi que je suis humilié et petit de cœur: vous trouverez le réconfort pour vos êtres. Oui, mon joug est utile, mon fardeau léger.

En ces temps occidentaux et presque prophétiques de pénurie, d’épuisement pour ne pas dire d’effondrement; en ces temps achevés où les milieux, les systèmes et les familles ne parviennent plus à dissimuler le mal-être, l’absurdité et les graves dysfonctionnements engendrés. Où les antidépresseurs ne parviennent plus à maintenir les troublés de l’adaptation; où l’accélération de l’existence la déleste de toute vie, les paroles du Christ résonnent. Et ça résonne fort dans cette modernité fatiguée, dans notre durée chiffonnée. Fatigués en nos corps et nos esprits, surmenés en nos vies dévitalisées, soumis au rythme d’une déshumanisation aussi endiablée qu’emballante. Dans ce désarroi à la puissance mille et cet assujettissement qui fait le profit des pathologies, des pharmaceutiques et des baumes stériles, Jésus nous propose un joug utile et une humilité réconfortante, un fardeau léger. Troublant repos qui réfère au travail.

En effet, l’Esprit n’a que faire de la frénésie du dehors, des opinions de ce monde, de notre volonté pleine de moi. Au cœur de notre vie intérieure, il poursuit son travail venteux, labour vivifiant en nos relations, en nos communions. Pour être attentifs au mouvement de l’Esprit en soi, à ce qui vitalise dans ce que nous appelons le lâcher-prise, nous devons débarquer de la nacelle, quitter le surplomb. Dans la descente spirituelle, je ne suis plus surmenée ni menée par ma seule volonté. Celle artificiellement gonflée de culpabilité et de devoirs. Cette volonté mienne, essoufflée d’attentes et d’exigences qui la tirent sans cesse vers le haut, vers ma psyché déjà épuisée.

Dans la descente et l’humilité réconfortante, il y a la fraîcheur de la nudité, la vulnérabilité dévalisée. La vérité est posée là, juste là, et elle tapisse le fond de mon âme. Vivre en transparence et se laisser mener par Sa volonté. Passer sous son joug et discerner à partir du mouvement de l’Esprit. Insoumise obéissance qui conduit ma volonté à s’accorder à la Sienne. Qui conduit Sa volonté à s’infiltrer dans ma chair, à se déployer à travers ces mots, à travers mes gestes.

Elle fait converger mon être et Sa Parole. Sa mise en don à travers mon identité dépouillée, en mon cœur épluché, m’appelle, me fait donner et m’élève jusqu’à lui. Comme un gamin qu’on soulève dans les airs à bout de bras. C’est portés aux nues que, petits de cœur et soudés à la Parole, nous incarnons notre mission. Non plus le dos courbé, cheminant sous la mission que nous n’aurons jamais aperçue. Soumission. Non plus menés par une volonté si propre qu’elle enserre et épuise, effaçant le sens et le surcroît. Surmenage. Joie de l’enfant qui tournoie dans les airs, joie de l’enfant dans les bras de son Père, c’est portés aux nues que nous portons Sa croix.

Barbara Martel (bmartel@lepelerin.org)(

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