Méditation : Une “course de géant” (No 93)

Image par G Poulsen de Pixabay

Évangile du Mardi 11 janvier 2022 1re semaine du temps ordinaire (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)

« Il enseignait en homme qui a autorité » Mc 1, 21-28

Jésus et ses disciples entrèrent à Capharnaüm. Aussitôt, le jour du sabbat, il se rendit à la synagogue, et là, il enseignait. On était frappé par son enseignement, car il enseignait en homme qui a autorité, et non pas comme les scribes.
Or, il y avait dans leur synagogue un homme tourmenté par un esprit impur, qui se mit à crier : « Que nous veux-tu, Jésus de Nazareth ? Es-tu venu pour nous perdre ? Je sais qui tu es : tu es le Saint de Dieu. » Jésus l’interpella vivement : « Tais-toi ! Sors de cet homme. » L’esprit impur le fit entrer en convulsions, puis, poussant un grand cri, sortit de lui.
Ils furent tous frappés de stupeur et se demandaient entre eux : « Qu’est-ce que cela veut dire ? Voilà un enseignement nouveau, donné avec autorité ! Il commande même aux esprits impurs, et ils lui obéissent. »
Sa renommée se répandit aussitôt partout, dans toute la région de la Galilée.

Méditation

Nous voilà depuis hier revenus au temps que la liturgie appelle le « temps ordinaire ». Dans les moments de transition, se lève souvent en nous un petit air de résistance, peut-être une paresse face au changement… Le passage du temps béni de la Nativité – si bref finalement au regard de toute l’année liturgique – au temps ordinaire peut lui aussi nous coûter un peu. On aimerait tant rester à genoux devant la crèche encore quelques jours, contempler sans limite le sourire de l’Enfant-Dieu qui s’offre à nous et demeurer là, juste là en silence. Mais la vie continue ! On doit s’y faire, il faut ranger les décorations de Noël jusqu’à l’année prochaine, reprendre le rythme quotidien après les fêtes…

Mais, heureusement, le temps ordinaire ne signifie pas l’effacement des grâces de Noël ! Absolument pas ! Le temps apparemment redevenu « ordinaire » est le temps précieux qui nous est donné pour en vivre, de ces grâces reçues ! J’aime beaucoup les mots avec lesquels la Petite Thérèse de Lisieux raconte la grâce de Noël qu’elle vécut à 14 ans, quelques mois avant d’entrer au Carmel. « En cette nuit où Il (Jésus) se fit faible et souffrant pour mon amour, Il me rendit forte et courageuse, Il me revêtit de ses armes et depuis cette nuit bénie, je ne fus vaincue en aucun combat, mais au contraire je marchai de victoires en victoires et commençai pour ainsi dire, « une course de géant !… »[1] Ne serait-ce pas de cette manière que le Seigneur nous invite à embrasser ces premiers jours de la nouvelle année ? En nous, à travers nous, Il désire transfigurer l’ordinaire en extra-ordinaire puisque désormais Il est avec nous pour toujours. C’est en nous, tels que nous sommes chacune, chacun, qu’Il veut continuer « sa course de géant », sa libération, sa guérison.

C’est ce que nous raconte l’Évangile d’aujourd’hui : la libération d’un homme tourmenté par un esprit impur. J’ai été frappée par cette expression : « tourmenté par un esprit impur ». Dans l’Évangile on rencontre plus souvent des esprits muets, mais ici il est qualifié d’impur et il se met à crier !  « Que nous veux-tu, Jésus de Nazareth ? Es-tu venu pour nous perdre ? » Il reconnaît qui est Jésus, confesse son identité : « Je sais qui tu es : tu es le Saint de Dieu. » Il sait qu’il est mis en danger par la seule présence de Jésus, le Sauveur. « Es-tu venu pour nous perdre ? » Cet esprit impur parle au pluriel ! Pourquoi ce pluriel ? Ce « nous » n’évoquerait-il pas nos systèmes de défense, nos faux crédos, toutes ces voix négatives qui nous tourmentent mais qui, paradoxalement, semblent nous protéger tout en nous maintenant sous leur emprise ? Nous voilà comme cet homme de la synagogue tourmenté par l’esprit impur qui le laissait effectivement muet, sans expression libre, incapable de parler par lui-même, de dire “je”.

Voilà pourquoi la réaction si vive de Jésus : “Jésus l’interpella vivement : « Tais-toi ! Sors de cet homme. » L’esprit impur le fit entrer en convulsions, puis, poussant un grand cri, sortit de lui.” Sors de cet homme, dit-Il, parce que cette voix, ce n’est pas lui !! Quelle autorité ce « Tais-toi » de Jésus ! N‘avons-nous jamais écouté cette Parole forte de Jésus au plus profond du cœur voulant taire tant de mensonges qui nous habitent ?  Taire ces fausses croyances qui maintiennent la Vie de Dieu prisonnière, muselée, muette en nous ? Dans ce bref passage d’Évangile, Marc souligne deux fois cette autorité de Jésus : “On était frappé par son enseignement, car il enseignait en homme qui a autorité, et non pas comme les scribes.”“Qu’est-ce que cela veut dire ? Voilà un enseignement nouveau, donné avec autorité ! Il commande même aux esprits impurs, et ils lui obéissent.”

Notre libération intérieure est un patient chemin … Nous expérimentons souvent que « l’esprit impur » qui nous tourmente fait tout, malgré nous, pour ne pas être perdu. Il répète tant de fois : « Que nous veux-tu, Jésus de Nazareth ? Es-tu venu pour nous perdre ? » Nous-mêmes semblons résister au changement, à la conversion ! Elle nous paraît être notre perte ! Or elle est tout le contraire ! Elle signe “nos retrouvailles” ! Alors, comme la Petite Thérèse, revêtons-nous des armes de Jésus – sa Parole et sa présence réelle à nos côtés – pour vaincre ce combat !

Et j’aime imaginer Jésus qui, après avoir libéré l’homme tourmenté et lui avoir permis de revenir à soi, aurait pu lui dire, en l’embrassant, les si belles paroles du Cantique des cantiques. « Vois, l’hiver s’en est allé, les pluies ont cessé, elles se sont enfuies. Sur la terre apparaissent les fleurs, le temps des chansons est venu et la voix de la tourterelle s’entend sur notre terre. Le figuier a formé ses premiers fruits, la vigne fleurie exhale sa bonne odeur. Lève-toi, (ma créature), mon amie, ma toute belle, et viens… Ma colombe, dans les fentes du rocher, dans les retraites escarpées, que je voie ton visage, que j’entende ta voix ! Ta voix est douce, et ton visage, charmant. » (Ct 2, 11-14)

« Fais-moi entendre ta voix, la tienne, ne te cache plus … N’aie pas peur d’être toi, sois libre ! » Laissons-le transformer notre ordinaire en un temps de grâce, de libération, aujourd’hui aussi !

Laurence Vasseur


[1] Sainte Thérèse de Lisieux, Manuscrit A, 44r°-46v°, La grâce de Noël.

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