Méditation : La vie comme elle va… comme elle vient… au Souffle de la Parole (No 85 – série 2022-2023)

Évangile du Lundi 28 novembre 2022 – 1re semaine de l’Avent (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)

« Beaucoup viendront de l’orient et de l’occident et prendront place au festin du royaume des Cieux » Mt 8, 5-11

En ce temps-là, comme Jésus était entré à Capharnaüm, un centurion s’approcha de lui et le supplia : « Seigneur, mon serviteur est couché, à la maison, paralysé, et il souffre terriblement. » Jésus lui dit : « Je vais aller moi-même le guérir. » Le centurion reprit : « Seigneur, je ne suis pas digne que tu entres sous mon toit, mais dis seulement une parole et mon serviteur sera guéri. Moi-même qui suis soumis à une autorité, j’ai des soldats sous mes ordres ; à l’un, je dis : “Va”, et il va ; à un autre : “Viens”, et il vient, et à mon esclave : “Fais ceci”, et il le fait. » À ces mots, Jésus fut dans l’admiration et dit à ceux qui le suivaient : « Amen, je vous le déclare, chez personne en Israël, je n’ai trouvé une telle foi. Aussi je vous le dis : Beaucoup viendront de l’orient et de l’occident et prendront place avec Abraham, Isaac et Jacob au festin du royaume des Cieux. »

Méditation

  Dans l’évangile, nous croisons souvent le regard de compassion de Jésus ou son regard d’espérance. Nous connaissons son regard doux comme un pardon. Dans ce texte, nous avons la chance de croiser un regard d’admiration. En voyant ce centurion, quelque chose se dilate en Jésus. La poitrine s’ouvre, le corps se redresse comme pour faire face à cette surprise qui élargit la vie. Ce centurion prend Jésus à l’improviste, car Il ne soupçonnait pas une telle foi chez un païen. Pourquoi Jésus est-il étonné ?

    Ce centurion manifeste une foi qui consiste à croire que Jésus guérit à distance et qu’Il possède un pouvoir spécial sur la maladie. Ce centurion (qui a l’habitude de commander) quitte sa maison, il va… Il s’en vient vers Jésus. Il se met en mouvement vers une autorité supérieure pour soulager son serviteur comme si —à lui qui est chef— la compassion lui intimait un ordre surgi de l’amour. Ce serviteur n’est pas pour lui un outil jetable, mais une personne qui vit, qui sent, qui souffre. Le visage de ce « petit » l’amène aux pieds de Jésus.

   Après la déclaration : « Moi-même qui suis soumis à une autorité, j’ai des soldats sous mes ordres », Jésus s’étonne ! Devant, Jésus, ce soldat, qui dirige cent hommes, s’affirme… il remplit son existence d’une présence assurée. Il fait partie de ces êtres responsables qui osent prendre des risques. Cet homme, qui n’hésite pas à être ce qu’il est, met en valeur son « je », son « égo » dit le texte grec. On pourrait dire littéralement : « En effet, MOI, JE suis un humain sous une autorité ayant sous MOI-MÊME des soldats ». Est-ce du narcissisme ? Pas du tout. Est-ce de l’égoïsme ? Encore moins. Comme les grands arbres dont les branches s’élargissent et protègent ceux qui s’abritent sous son ombre, ce soldat n’approche pas Jésus pour lui-même, mais pour ce serviteur qu’il a appris à aimer. Ce centurion, sûr de lui, se soucie pourtant de cet homme abattu par une terrible souffrance. L’adjectif « terrible » montre que son cœur vibre à l’unisson de la douleur du serviteur. Le centurion porte sans doute l’armure réglementaire pendant son service, mais son cœur est sans carapace. La puissante personnalité du centurion prend soin de la personnalité paralysée de son serviteur : il sait vouloir pour les autres ce qui est bon pour lui (Lc 6,31).

  Le centurion se sent relié aux autres. Membre d’une hiérarchie, il sait que son autorité dérive de l’autorité de l’Empereur. Il a un chef au-dessus de lui et il possède des subalternes. En reconnaissant ses limites et le contour de son pouvoir, il fait preuve d’humilité. Et, voici le plus important : il pressent que l’autorité de Jésus provient de Dieu lui-même. Ce soldat païen a l’intuition que Jésus n’est pas un magicien itinérant… Il croit que Jésus recueille la puissance d’un Autre auquel son action est fidèle. N’est-ce pas cela l’étonnement de Jésus ? Son admiration vient de ce qui fait Sa joie, c’est-à-dire l’émerveillement devant Son Père.   

    Le centurion commande à ses soldats : « à l’un, je dis : “Va”, et il va ; à un autre : “Viens”, et il vient ». Jésus a lui aussi ce pouvoir : la Parole de Jésus va, vient, elle marche et met en état de marche. Il envoie sa Parole qui circule dans la Création : « ma parole, qui sort de ma bouche, ne me reviendra pas sans résultat, sans avoir fait ce qui me plaît, sans avoir accompli sa mission. » (Isaïe 55, 11) Lors de Son procès, Jésus rappelle que Son impuissance apparente n’a rien d’une faiblesse, puisqu’Il a à Sa disposition les armées angéliques : « Crois-tu que je ne puisse pas faire appel à mon Père ? Il mettrait aussitôt à ma disposition plus de douze légions d’anges. » (Mt 26, 53).

   Jésus s’émerveille aussi d’être chose : à partir de sa propre vie, le centurion lit une parabole capable de dire quelque chose du Royaume de Dieu. On le sait, Jésus invente des paraboles issues de la vie ordinaire. Jésus admire ce centurion « habile » (Lc 16,8) qui sait trouver dans sa vie ce qui parle de Dieu. Est-il audacieux de dire que pour ce centurion, le langage de sa vie devient un signe qui oriente vers la Parole ? Certes, Dieu le Père n’est pas un général, le Christ n’est pas un officier dont nous serions les soldats… Mais, ce centurion a utilisé, avec ingéniosité, son existence concrète faite d’ordres donnés et reçus pour comprendre quelque chose de Dieu. Alors, sa vie est devenue une parabole de la Vie en Dieu.

   A notre tour, ne pourrions-nous pas en ce temps de l’Avent faire comme ce centurion habile en relisant notre vie pour y découvrir les traces du Royaume ? Ne pouvons-nous pas déchiffrer notre existence ordinaire pour y déceler les signes de la Parole agissante ?  A la lumière de l’Esprit, pourquoi ne pas relire notre vie comme ce berceau dans lequel le Christ peut naître ? 

Vincent REIFFSTECK.    vincent.reiffsteck@wanadoo.fr

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