Méditation : Le frémissement de Dieu (No 77 -série 2022-2023)

Évangile du Dimanche 20 novembre 2022 – Notre Seigneur Jésus-Christ Roi de l’univers (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)

« Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton Royaume » Lc 23, 35-43

En ce temps-là, on venait de crucifier Jésus, et le peuple restait là à observer. Les chefs tournaient Jésus en dérision et disaient : « Il en a sauvé d’autres : qu’il se sauve lui-même, s’il est le Messie de Dieu, l’Élu ! » Les soldats aussi se moquaient de lui ; s’approchant, ils lui présentaient de la boisson vinaigrée, en disant : « Si tu es le roi des Juifs, sauve-toi toi-même ! » Il y avait aussi une inscription au-dessus de lui : « Celui-ci est le roi des Juifs. » L’un des malfaiteurs suspendus en croix l’injuriait : « N’es-tu pas le Christ ? Sauve-toi toi-même, et nous aussi ! » Mais l’autre lui fit de vifs reproches : « Tu ne crains donc pas Dieu ! Tu es pourtant un condamné, toi aussi ! Et puis, pour nous, c’est juste : après ce que nous avons fait, nous avons ce que nous méritons. Mais lui, il n’a rien fait de mal. » Et il disait : « Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton Royaume. » Jésus lui déclara : « Amen, je te le dis : aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis. »

Méditation

Quand saint François, lors de sa conversion, a dit “voici comment le Seigneur me donna la grâce de commencer à faire pénitence”, il n’affirmait pas d’abord l’effort qu’il allait mettre à faire pénitence mais plutôt son désir à ce que l’Amour fasse pénitence en lui. Comme l’écrivait saint Angèle de Foligno, disciple de saint François, : “l’âme a l’impression qu’elle fait elle-même pénitence; mais en vérité ce n’est pas elle qui la fait, mais c’est l’Incréé lui-même qui la fait en elle à cause d’elle”1. C’est en ce lieu de la pénitence de Dieu pour nous que nous conduit l’Évangile de ce jour et où la véritable royauté de Dieu sur nous se réalise.

Notre Roi est crucifié et, devant Lui, se tient son peuple. Un peuple qui “reste là à l’observer”, des chefs qui le “tournent en dérision”, des soldats qui se moquent de Lui et un malfaiteur qui “l’injurie”. À un premier niveau, nous ne pouvons que remarquer une sorte d’abîme infini de haine entre Dieu, notre Roi, et nous. Mais notre oeil avec ses poutres ne voient guère le mystère qui s’opère. Là, sur le calvaire, se trouve une singularité2 unique dans toute l’histoire humaine. Au point infinitésimal de l’humanité du Christ sur la Croix, chacune de nos histoires humaines avec ses lumières et ses haines est attirée. Dans la singularité de l’Amour, tous nos péchés, toutes nos haines, sont attirés et sauvés.

La Royauté de ce Roi n’en est point une de domination mais d’infinitésimale petitesse et pauvreté, au point que seuls des pauvres peuvent comprendre le mystère qui survient. C’est le cas de “l’autre”, vraiment “autre” de pauvreté, qui dit au premier malfaiteur dans la traduction de Chouraqui : “”Tu ne frémis pas d’Elohîm, toi qui subis le même châtiment ? Pour nous, c’est en règle : nous écopons ce que nos actes nous ont valu. Mais celui-ci n’a rien fait de mal.” Et il dit : “Iéshoua, souviens-toi de moi, quand tu viendras dans ton royaume !”” Et la réponse de Jésus est fascinante : “Amen, je te dis : aujourd’hui tu seras avec moi dans l’Eden (ou au Paradis)”.

Sur la Croix, il n’y a que pauvreté et dénuement dans l’Amour et notre Roi est d’une faiblesse extraordinaire devant tout humain qui saisit que le châtiment de Jésus est le leur et que, si cela est justice pour nous, il ne peut en être pour Celui qui “n’a fait aucun mal”. Cet “autre” a le courage de voir comment la haine l’habite et qu’il n’en est rien pour Jésus, pour Dieu. La pauvreté de haine dans laquelle il se trouve n’a rien à voir avec la pauvreté d’Amour dans laquelle le Fils se tient. C’est cet Amour qu’il invoque sur lui en demandant à Jésus de “se souvenir de lui, quand Il viendra dans son Royaume”.

Mais cet Amour l’a déjà rejoint, car j’adore ces mots de l’Évangile : “tu ne frémis par d’Elohîm”. Et si dans nos moments de croix, mais aussi à chaque instant du jour, nous savions “frémir de Dieu”, c’est-à-dire que nous ouvrions tout notre être à l’Amour de Dieu et, ainsi, en frémir jusqu’au entrailles, jusqu’au plus intime de notre être. Alors nos haines disparaîtraient ! Comme il est désirable ce “frémissement d’Amour” auquel Dieu nous invite, un frémissement qui ne reporte pas à demain le Royaume mais bien qu’aujourd’hui même nous serons avec Lui dans le Royaume de l’Amour.

Le chemin est si simple mais si compliqué pour des êtres marqués par le mal. Comme nous aimons la superbe et la suffisance de nos vengeances, de nos haines et de nos rancoeurs. Comme nous aimons crucifier l’A(a)utre, humain et Divin, pour se grandir avec toutes les richesses de faux pouvoir que cela nous apporte. Sur la Croix, il n’y a qu’un Fils sans haine, un Fils mendiant, Un Fils si pauvre qu’Il ne se préoccupe même pas de Lui-même, au point qu’il accepte de partager avec nous les conséquences de notre mal, au point que rien de nous n’échappe à la puissance de gravité de son Amour.

Nous devons comprendre que toutes et tous nous pouvons entrer aujourd’hui dans le Royaume. La recette, pourrions-nous dire est simple. Premièrement, dans la Lumière de la Croix, reconnaître nos haines et laisser son Amour les embrasser. Deuxièmement, saisir que, sur la Croix, Dieu “se souvient” de chacun.e de nous et n’a pour nous qu’un Amour infini, auquel rien ne peut échapper. En somme, laisser l’Amour faire pénitence en nous pour nous, éprouver en nous le “frémissement de cet Amour” qui relève et ressuscite tout et connaître, ainsi, l’aujourd’hui d’une communion avec Dieu.

La vie spirituelle est donc simple : attendre tout de Dieu au coeur de notre rien, sachant que ce tout est Amour. Frémissons de Dieu en nous ! Et que notre vie, nos actions et notre prière ne soient que frémissements !

Stéfan Thériault (stheriault@lepelerin.org)

  1. Le livre d’Angèle de Foligno, Éd. Jérôme Millon, 1995, France, p. 194.
  2. Singularité : “Un trou noir comporte deux parties. Au centre se trouve la singularité, c’est-à-dire le point infinitésimal où est concentrée toute la matière de l’étoile. Autour de la singularité se trouve une région de l’espace où rien ne peut échapper à sa gravité, pas même la lumière.” (définition trouvée sur Google).

DROIT D’AUTEUR

La méditation peut être partagée à toutes et à tous, en tout ou en partie, mais le nom de l’auteur et l’indication du centre le Pèlerin avec l’adresse du site (www.lepelerin.org) doivent être inscrits, car les droits d’auteur demeurent. Merci de votre compréhension.