Méditation : Cri et Présence dans nos déserts (No 76)

Évangile de l’Avent du Samedi 11 décembre (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)

« Élie est déjà venu et ils ne l’ont pas reconnu » Mt 17, 10-13

Descendant de la montagne, les disciples interrogèrent Jésus : « Pourquoi donc les scribes disent-ils que le prophète Élie doit venir d’abord ? » Jésus leur répondit : « Élie va venir pour remettre toute chose à sa place. Mais, je vous le déclare : Élie est déjà venu ; au lieu de le reconnaître, ils lui ont fait tout ce qu’ils ont voulu. Et de même, le Fils de l’homme va souffrir par eux. » Alors les disciples comprirent qu’il leur parlait de Jean le Baptiste.

Méditation

Cet évangile est toujours dans la perspective du Jour de l’Homme, si important pour l’évangéliste Matthieu. La raison de ce lien tient au fait de cette prophétie de Malachie (3, 23-24) : « Voici que je vais vous envoyer Élie le prophète, avant que n’arrive le Jour de Yahvé, grand et redoutable. Il ramènera le cœur des pères vers leurs fils et le cœur des fils vers leurs pères, de peur que je ne vienne frapper le pays d’anathème. » La grande révélation du texte, pour les disciples, est que Jésus leur dit qu’  » Élie est déjà venu (…) Alors les disciples comprirent qu’il leur parlait de Jean le Baptiste. »

S’ils ont compris cette partie, ils ont échappé l’essentiel qui se trouve en ces mots :  » au lieu de le reconnaître, ils lui ont fait tout ce qu’ils ont voulu. Et de même, le Fils de l’homme va souffrir par eux. » Cet évangile se situe en Matthieu entre la première et la deuxième annonce de la Passion, et tout de suite après la transfiguration. Malgré tout cela, c’est comme si les disciples ne voient pas ce qui est arrivé à Jean-Baptiste ni ce qui s’annonce pour Jésus, à savoir que  » le Fils de l’homme va souffrir par eux. » Ils s’arrêtent à la simple constatation que Jean-Baptiste est Élie qui devait revenir. Mais ils ne saisissent pas encore que le retour du « cœur des pères vers leurs fils et (du) cœur des fils vers leurs pères » ne viendra pas par un Messie, Roi conquérant triomphant des forces des oppresseurs romains, mais par sa mort en Croix. En somme, le changement ne surgira pas d’une oppression divine, sur le modèle des humains, mais d’une conversion intérieure du coeur selon un modèle divin.

Ce texte nous montre encore une fois comment et combien nos images de Dieu et du salut peuvent nous rendre complètement sourds à la Vérité que Dieu veut nous révéler. Dans le quotidien de nos vies, de quelle façon voyons-nous le salut ? Et quel Dieu attendons-nous ? Combien de nous se révolte contre Dieu quand arrive un drame, une difficulté, une maladie inattendue, une séparation ou… ? Comment Dieu peut-Il être Amour pour laisser faire cela ?

Nous sommes dans un monde créé libre par Dieu et libre jusqu’à renier Dieu, jusqu’à commettre le mal et la violence, jusqu’à détruire la planète, et nous pourrions allonger la liste à l’infini de notre liberté sans intelligence.

Au lieu de contraindre les humains de l’extérieur à faire le Bien, Dieu nous le rappelle en ce temps de l’Avent : Il a voulu naître en nous. Il a voulu nous communiquer la plénitude de sa Vie non pas en s’imposant de l’extérieur mais en se donnant de l’intérieur. Non seulement il n’atteint pas à notre liberté mais, comme l’évangile de l’Annonciation de mardi dernier nous le souligne, il a demandé bien humblement notre « oui » pour venir en nous. Il a choisi nos coeurs pour se déposer.

Si bien que notre « oui » libre nous donne accès à Dieu et, par sa Présence, il ouvre notre liberté par sa liberté infinie jusqu’à nous permettre de librement offrir au monde le Bien qu’il est. Nous cessons alors de « faire du mal », création absurde et vide, pour laisser le Bien se répandre par, avec et en nous. Dans tous les événements ou toutes les situations de notre existence, Dieu demeure en nous et y demeure comme une Source à laquelle nous pouvons toujours puiser. En fait, il s’agit plus que de « puiser », Il s’agit de prendre conscience qu’Il se tient en nous et que nous sommes appelés à nous tenir (vivre) en Lui. Bien sûr, comme pour Jean-Baptiste et pour Jésus, nous aurons nous aussi à souffrir mais la Vie infinie de Dieu et son Amour déborderont toujours à l’intérieur de nous, si bien qu’aucune mort ne saurait nous atteindre.

La Vie éternelle n’est pas seulement un après mais un déjà. Dans ce monde et au milieu de toutes les souffrances que nous sommes appelés à traverser, la Vie vainc la mort, l’Amour vainc la haine, la Vérité dépasse tout mensonge, l’Éternité assure toute la fragilité du temps, …

Ce texte nous demande d’entrer dans une logique divine où nous ne cherchons plus un salut dans la violence avec, à la clef, de nous faire justice mais un salut de miséricorde qui cherche en chaque coeur à se déposer pour nous sauver de l’intérieur et nous faire toucher chacun.e à l’infini Amour de Dieu pour nous. L’immensité de l’Amour de Dieu pour nous est de consentir à l’humilité de sa Présence et à la vivre non comme un Amour qui condamne mais qui révèle à chacun.e quelle dignité il a et de quel Amour il est aimé.

Élie est venu, il a crié dans nos déserts avec la voix de Jean-Baptiste, nous demandant cette conversion que les disciples, dans cet évangile, n’ont pas encore compris. Jésus est venu, il a saisi toutes nos souffrances et a crié d’Esprit en chacune d’elles l’Amour infini du Père pour nous libérer des chaînes du mal. Il a brisé en Lui cette grande chaîne du mal, qui fait que le mal que nous avons subi, nous le faisons subir aux autres. Si la théologie du péché originel nous a rappelé cette douloureuse réalité, c’est aujourd’hui la psychologie et la génétique qui nous le découvrent en nous montrant scientifiquement que, effectivement, nous transmettons le mal.

La Croix du Christ est l’arrêt de cette chaîne du mal, et son salut n’est pas une paix imposée de l’extérieur par de la violence mais une paix qui surgit de l’intérieur en nous donnant la grâce d’arrêter en nous la chaîne du mal. Mais pour ce faire, nous devons laisser entrer le Fils au coeur de nos souffrances et des violences qui ont marqué notre histoire (et que nous reproduisons) afin qu’Il nous rende libres à leur égard, libres d’accueillir le Bien qu’est Dieu pour qu’Il se répande par, avec et en nous.

Et il y a une voix qui crie dans notre désert, une voix qui désire depuis si longtemps un tel salut. Et il y a une Présence en nous, celle du Christ, qui, par Son Amour, veut nous conduire hors de notre tombeau et faire de nous des disciples de la libération des autres.

Stéfan Thériault (stheriault@lepelerin.org)

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