Évangile de l’Avent du Samedi 4 décembre (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)
« Voyant les foules, Jésus fut saisi de compassion » Mt 9, 35 – 10, 1.5a. 6-824-27
En ce temps-là, Jésus parcourait toutes les villes et tous les villages, enseignant dans leurs synagogues, proclamant l’Évangile du Royaume et guérissant toute maladie et toute infirmité. Voyant les foules, Jésus fut saisi de compassion envers elles parce qu’elles étaient désemparées et abattues comme des brebis sans berger. Il dit alors à ses disciples : « La moisson est abondante, mais les ouvriers sont peu nombreux. Priez donc le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers pour sa moisson. » Alors Jésus appela ses douze disciples et leur donna le pouvoir d’expulser les esprits impurs et de guérir toute maladie et toute infirmité. Ces douze, Jésus les envoya en mission avec les instructions suivantes : « Allez vers les brebis perdues de la maison d’Israël. Sur votre route, proclamez que le royaume des Cieux est tout proche. Guérissez les malades, ressuscitez les morts, purifiez les lépreux, expulsez les démons. Vous avez reçu gratuitement : donnez gratuitement. »
Méditation
« La moisson est abondante, mais les ouvriers sont peu nombreux. Priez donc le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers pour sa moisson. » La prière que Jésus demande à ses disciples traduit le zèle avec lequel Dieu poursuit les humains pour les sauver. Tout cet évangile est marqué par cet Amour pressant qui ne peut avoir de repos qu’il n’ait rejoint chaque homme et chaque femme.
À cette prière, Jésus y répond Lui-même en parcourant « toutes les villes et tous les villages », remué par ces personnes « désemparées et abattues comme des brebis sans berger ». Ce que le père Peyriguère, disciple de Charles de Foucauld, appelait « le Christ à la poursuite des âmes ». Il le décrivait comme « toujours sur les chemins, fatigué, ayant faim et altéré mais allant toujours devant lui, de village en village ». Et il ajoutait : « Laissez-vous au Christ pour qu’en vous il puisse être cela » (Laissez-vous saisir par le Christ, Éditions du Centurion, 1962, p. 43).
De plus, Jésus y répond d’une autre façon. De fait, je ne me souvenais pas ou je ne l’ai jamais remarqué que ce texte, mille fois répété de « la moisson est abondante… », précède directement le choix des disciples. Il y a donc une injonction pressante pour tous les disciples du Christ, d’être porteurs de cette prière et, surtout, d’être réponses à cette prière. Il me semble que, à cette lumière, la séparation entre vie contemplative et vie apostolique n’est plus adéquate, car, dans la vie contemplative, c’est le Christ qui prie et, dans la vie active, le Christ qui agit. Toujours une même Présence, une même kénose du Christ par, avec et en nous. Et toujours cette même injonction : « la moisson est abondante… »
Je crois que cette jonction de la vie contemplative et de la vie active est une caractéristique de l’appel et de l’état de vie des disciples dans le monde actuel. Et pour que cet appel puisse se réaliser, nous devons nous laisser dépouiller de tout, si bien que tout en nous ne soit plus que la vie du Christ livrée. Nous sommes appelés à nous laisser, en somme, « moissonner » jusqu’à tout donner, car celui ou celle qui a été moissonné.e porte beaucoup de fruits et peut partager cette vie reçue avec les autres.
Ce Jésus, qui se vide de Lui-même sur les routes de Palestine et sur la Croix, se voit ravi tout ce qu’il a et, surtout, tout ce qu’Il est. N’est-ce pas un appel pressant pour nous ?! Sommes-nous prêts à tout abandonner ?! Et, serait-ce cela cette expérience de « ravissement » si décrite par les mystiques ?! à savoir une extase du don de Dieu et du don de soi pour l’A(a)utre en un même acte d’Amour; le mot extase signifiant littéralement « sortir de soi ». N’est-ce pas ce « ravissement » le lieu même de la joie la plus profonde ! c’est-à-dire non pas le lieu de la fierté de ce que nous avons dit ou fait mais celui de l’évidement de nous-mêmes dans un esprit de pure gratuité pour l’A(a)utre.
Trop souvent, nous choisissons nos chemins et nous ne les laissons pas choisir par le Christ. Le discernement semble centrer sur la satisfaction que nous apporte notre appel, ce que nous appelons les grâces de paix et de joie qu’il nous apporte. Mais si la vocation était le choix courageux de cette mort, cette sortie de soi par don, pour que d’autres aient la Vie. Un choix qui coûte ! Ne trouve-t-on pas un exemple parlant chez saint François qui décrit par ces mots le temps de sa conversion : « le Seigneur me donna, à moi frère François, la grâce de commencer à faire pénitence » (ou je dirais : « à m’évider de moi »). Ce qui se traduisit au même moment par « le Seigneur lui-même me conduisit parmi eux (les lépreux). »
Suivre le Christ nu, suivre le Christ pauvre…en se laissant totalement à Lui, un en Lui dans la contemplation et l’action. Moissonnés jusque dans le plus intime de notre chair.
Stéfan Thériault (stheriault@lepelerin.org)
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