Méditation : Étincelles ! (No 63 – série 2022-2023)

Évangile du Dimanche 6 novembre 2022 – 32e dimanche du temps ordinaire (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)

« Il n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants » Lc 20, 27-38

En ce temps-là, quelques sadducéens – ceux qui soutiennent qu’il n’y a pas de résurrection – s’approchèrent de Jésus et l’interrogèrent : « Maître, Moïse nous a prescrit : Si un homme a un frère qui meurt en laissant une épouse mais pas d’enfant, il doit épouser la veuve pour susciter une descendance à son frère. Or, il y avait sept frères : le premier se maria et mourut sans enfant ; de même le deuxième, puis le troisième épousèrent la veuve, et ainsi tous les sept : ils moururent sans laisser d’enfants. Finalement la femme mourut aussi. Eh bien, à la résurrection, cette femme-là, duquel d’entre eux sera-t-elle l’épouse, puisque les sept l’ont eue pour épouse ? »
Jésus leur répondit : « Les enfants de ce monde prennent femme et mari. Mais ceux qui ont été jugés dignes d’avoir part au monde à venir et à la résurrection d’entre les morts ne prennent ni femme ni mari, car ils ne peuvent plus mourir : ils sont semblables aux anges, ils sont enfants de Dieu et enfants de la résurrection. Que les morts ressuscitent, Moïse lui-même le fait comprendre dans le récit du buisson ardent, quand il appelle le Seigneur le Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac, Dieu de Jacob. Il n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants. Tous, en effet, vivent pour lui. »

Méditation

Je m’aperçois que bien des textes évangéliques, je les ai lus distraitement, comme une route trop souvent empruntée. L’évangile d’aujourd’hui est l’un d’eux. J’ai fait deux erreurs continuelles en le lisant : je me suis refermé sur l’idée toute simple que cette femme eut sept maris et que la résurrection vient après notre existence sur terre.

Si j’essaie de corriger mes erreurs, je me rends compte que le mariage de cette femme était “pour susciter une descendance à son frère. Or, il y avait sept frères”. Et nous savons combien un couple, et encore plus une femme, qui n’avait pas d’enfants à cette époque, étaient vus comme marqués par le péché et, donc, marqués d’une malédiction. La femme qui a survécu aux sept maris porte donc un opprobre inimaginable. Quelle souffrance ! Quelle souffrance d’être aux yeux des autres une personne sans fécondité !

C’est cette femme qui est donnée en exemple par les sadducéens pour prendre à partie Jésus en ce qui a trait à la résurrection. Un tel exemple montre l’absurde d’une vie sans résurrection. Car comment imaginer la mort d’une femme dont la vie a été marquée par tant de haine ? Quel abîme que sa mort ou quelle libération désespérante !

Est-ce que les sadducéens comprennent la réponse de Jésus et découvrent l’absurdité de leur position ? car, vraiment, que serait une vie sans résurrection, spécialement pour les pauvres que chacun.e nous sommes; plus particulièrement, tous ceux et celles qui n’ont connu que la haine. C’est ici que ma deuxième erreur à l’égard de ce texte doit cesser : l’enseignement de Jésus n’est pas un simple au-delà mais une espérance vivante pour aujourd’hui.

Cette femme aux sept maris me fait penser à une certaine samaritaine aux cinq maris que Jésus a rencontré sur le bord d’un puits, lui rappelant une eau vive qui jaillit en vie éternelle (Jn 4, 1-42). À la différence de la samaritaine, cette femme de l’Évangile d’aujourd’hui est morte doucement, un peu plus chaque jour, parce que toute sa fécondité était pour combler celle d’un autre. Quelle tristesse et mort qu’une existence sans être ancrés en nous-mêmes et, uniquement, centrés sur les succès, les réussites, les bonheurs d’un autre, si bien qu’il devient impossible de trouver la voie de notre propre fécondité ?! Combien de nous sommes en service mais dans l’oubli de qui nous sommes et de ce à quoi Dieu nous appelle ?! Notre histoire n’est-elle pas celle de cette femme, continuellement mourante, une personne ne pouvant donner la vie, car ne s’accueillant pas dans son don unique. Tant de maris, sept étant un chiffre de débordement, auxquels elle s’est liée dans son existence, vivant ainsi sa vie par procuration et ne pouvant entrer dans la fécondité du don de Dieu unique que Dieu veut être par elle.

Jésus nous dit donc à chacun.e : “Il n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants. Tous, en effet, vivent pour lui”. Ici est la clef de notre résurrection et de notre fécondité et sur lesquelles l’une et l’autre reposent est le oui à la naissance de Dieu en nous. Nous sommes appelés à ne regarder que Dieu, à ne vivre que pour Lui, et ce, simplement en devenant au coeur du monde la révélation que Dieu veut être par nous. Naître à nous-mêmes, c’est naître de Dieu, c’est vivre de Lui; se connaître ou connaître Dieu sont donc deux synonymes, deux réalités inséparables.

Toute la vie humaine a comme finalité le mariage avec Dieu ou l’union avec Lui. Nous pourrions dire, c’est le mariage des mariages, et c’est ce mariage qui est le fondement de toutes nos épousailles sur la terre comme au ciel. Dans le corps du Christ, dans le Royaume des cieux, nous sommes épousés par Dieu pour être épousés les uns les autres dans un même Amour. Si nous nous laissons épouser ainsi, nous vivrons alors pour Lui, pour ne pas dire par, avec et en Lui, et toute notre existence, qu’importe l’état de vie chrétien (mariage, sacrement de l’ordre, laïcat) que nous aurons choisi sera fécond, car il nous sera donné de communiquer Dieu au monde et même de donner Dieu à Dieu. Voilà la plus grande fécondité : celle de nous partager mutuellement la Vie de Dieu, de vivre cette eucharistie trinitaire du Père, du Fils et de l’Esprit où chaque Personne divine se communique l’une à l’autre par nous et se communique au monde entier. C’est par, avec et en ce don de Dieu par nous que nous sommes nous-mêmes donnés et devenons semences de Vie, d’Amour et de Vérité.

Voilà le mystère de la Résurrection : une vie en eucharistie, une vie en fécondité. Ce n’est plus une vie où nous nions la beauté de qui nous sommes en Dieu et de qui Dieu est en nous ou une vie sans soi dans le service de nombreux maris (qui ne sont pas seulement des personnes mais de l’argent, du pouvoir, des diplômes, des sports extrêmes, etc.) mais une vie d’union avec Dieu, qui signifie une vie réelle d’union à soi, aux autres et à la création. La Résurrection est bien celle d’un monde à venir, non parce qu’il est après mais qu’il est à construire dès aujourd’hui : un monde où chaque être peut enfin naître à lui-même et ainsi porter sa fécondité unique dans un monde, si marqué par la mort qu’il a grand besoin de toutes les étincelles de Vie de chaque personne.

Soyons ces étincelles de Vie!

Stéfan Thériault (stheriaut@lepelerin.org)

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