Méditation : Le Dieu effacé (No 44)

Image par Salih Altuntaş de Pixabay

Évangile du mardi 9 novembre (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)

« Il parlait du sanctuaire de son corps» Jn 2, 13-22

Comme la Pâque juive était proche, Jésus monta à Jérusalem. Dans le Temple, il trouva installés les marchands de bœufs, de brebis et de colombes, et les changeurs. Il fit un fouet avec des cordes, et les chassa tous du Temple, ainsi que les brebis et les bœufs ; il jeta par terre la monnaie des changeurs, renversa leurs comptoirs, et dit aux marchands de colombes : « Enlevez cela d’ici. Cessez de faire de la maison de mon Père une maison de commerce. » Ses disciples se rappelèrent qu’il est écrit : L’amour de ta maison fera mon tourment. Des Juifs l’interpellèrent : « Quel signe peux-tu nous donner pour agir ainsi ? » Jésus leur répondit : « Détruisez ce sanctuaire, et en trois jours je le relèverai. » Les Juifs lui répliquèrent : « Il a fallu quarante-six ans pour bâtir ce sanctuaire, et toi, en trois jours tu le relèverais ! » Mais lui parlait du sanctuaire de son corps.
Aussi, quand il se réveilla d’entre les morts, ses disciples se rappelèrent qu’il avait dit cela ; ils crurent à l’Écriture et à la parole que Jésus avait dite.

Méditation

 » L’amour de ta maison fera mon tourment  » (Chouraqui traduit par « me dévore »). Cette phrase, pour être bien comprise, doit être libellée :  » L’amour de ton humanité fera mon tourment « . Si nous fêtons aujourd’hui la dédicace de la basilique du Latran, le temple pour lequel Dieu est dévoré, c’est l’humain. Dieu ne se battra pas pour de la pierre mais pour les fils et les filles de Dieu que nous sommes. Il donnera tout de Lui pour nous. Si nous pouvions ressentir ou soupeser le zèle avec lequel il vient à notre rencontre, qu’il désire notre bonheur et qu’il nous aime, cela changerait notre vie.

Assurément entre le zèle de Dieu pour nous et notre zèle pour lui, il y a un abîme. L’être humain, sanctuaire du divin, croit malheureusement que ce qu’y se trouve lui appartient, si bien qu’il le vend à son profit. La mission qui devait être la nôtre, celle de partager le don de Dieu, le don de Vie que nous sommes, devient un travail où ce n’est plus Dieu qui est au centre mais nous. Nous vendons notre corps, notre esprit et même le spirituel à notre avantage.

Jésus nous invite à avoir pour nous-même et entre nous le même zèle pour la dignité humaine. Quand nous voyons notre soeur ou notre frère dont la dignité, dans toute sa valeur d’être, est vendue ou échangée au nom du commerce, de la productivité, des obligations du marché, des rêves de pouvoir de certains… notre coeur doit sentir en lui le zèle divin.

Comme Jésus, face à tout humain que nous croisons, nous devons, avec le fouet de l’Amour et de la Vérité, lutter pour tout ce qui le désacralise. L’humain est un temple sacré. Il n’est pas à vendre ni à échanger. Au contraire, dans le temple divin de l’humain, nous devons s’y avancer en ses parvis avec respect, avec prière et avec humilité. Tant de personnes en ce monde s’acharnent à détruire ce temple mais nous, par, avec et en Jésus, nous devons le « relever », lui redonner son humanité. Toute la mission d’incarnation du Fils a été, est et sera de nous rétablir dans notre humanité véritable, seul visage possible du divin.

Et la seule voie pour l’humain de retrouver son humanité est de redécouvrir que son être est fait pour Dieu et est, à ce titre, constitutivement, un être spirituel, et ce, pour que l’Esprit de Dieu lui soit offert en partage. Quand un humain retrouve cette part spirituelle, qu’il fait l’expérience du salut dans sa chair, il sait, en lui-même, que Dieu le relève en trois jours. Il n’a plus alors un coeur de pierre mais de chair. Son être n’est plus une maison de commerce pleine de vendeurs et de changeurs mais un lieu d’adoration et de contemplation. Ce qu’il est n’est plus à vendre mais à donner gratuitement. Ce qu’il est n’est pas de l’ordre du quantifiable, du mesurable et du négociable mais de l’inénarrable, de l’inouï et du toujours-trop divin. Ce qu’il porte en lui n’est pas une rage du profit mais un tourment, un zèle, tout fait d’Amour, pour l’A(a)utre.

Rappelons-nous qu’entrer en l’autre humain, c’est entrer dans le temple du divin. Ne vendons pas ce qui fait notre humanité pensant y tirer un profit, car, à chaque fois, nous dilapidons notre humanité et effaçons Dieu de notre vie au nom de l’illusion de la richesse. Est-ce que tout cela fait sens d’effacer Dieu et de nous effacer nous-mêmes ?!

Stéfan Thériault (stheriault@lepelerin.org)

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