Méditation : Le courage d’être (No 34 – série 2022-2023)

Image par Flore W de Pixabay

Évangile du Samedi 8 octobre 2022 – 27e semaine du temps ordinaire (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)

« Heureuse la mère qui t’a porté en elle ! – Heureux plutôt ceux qui écoutent la parole de Dieu ! » Lc 11, 27-28

En ce temps-là, comme Jésus était en train de parler, une femme éleva la voix au milieu de la foule pour lui dire : « Heureuse la mère qui t’a porté en elle, et dont les seins t’ont nourri ! » Alors Jésus lui déclara : « Heureux plutôt ceux qui écoutent la parole de Dieu, et qui la gardent ! »

Méditation

En accueillant ce passage, j’ai été intriguée par ce dialogue où Jésus paraît non pas corriger mais déployer ce que la femme de la foule lui clame. La traduction de Chouraqui nous invite d’ailleurs à un chemin de traverse pour notre méditation. Elle nous invite à se mettre à l’écart pour contempler deux versets et une relecture de l’interprétation conventionnelle de la femme rabrouée. Voici la traduction de Chouraqui :

27. Et c’est pendant qu’il dit ces paroles, une femme, de la foule, élève la voix et lui dit : « Courage, ô ventre qui t’a porté, ô seins que tu as tétés! »

28. Mais lui dit : « Et mieux : Courage ceux qui entendent la parole d’Elohîms et la gardent! »

Le ventre heureux devient le ventre courageux. Bonheur et courage, tous deux sont intimement liés quand le cœur habite le ventre. Quand il surmonte les peurs qui peuplent le ventre, quand il dissipe les désirs qui l’encombrent. Le courage et le bonheur sont sans doute à la fois le germe et le fruit de la vie portée. L’alliance qui engendre la parole à naitre, déjà autre que soi. Une première lecture nous indique que la femme de la foule célèbre le courage de celle qui a porté l’homme Jésus. Elle lui coupe la parole et élève la voix, elle crie et rend hommage à Marie, elle célèbre son oui.

Ce oui plein de la parole de vie, portée effrontément et contre toute espérance sous l’occupation romaine d’hier comme devant les défis climatiques d’aujourd’hui. Ce oui d’avoir nourri, ce qui agonisera avec nous sur la croix. C’est le oui courageux de se laisser être selon la volonté de cet Autre que nous portons en soi et de donner courageusement voie à sa Parole qui fait vivre la mienne quand j’exprime ma voix.

Ce qui crie et se détache de la foule, c’est la dimension maternelle de l’humanité, la dimension de la fécondité et des entrailles, là où la peur, la vulnérabilité et l’humanité sont transcendés par le oui. Ce cri, c’est le courage d’être comme le rappelle le théologien allemand Tillich, aumônier dans les tranchées de la première guerre mondiale et poursuivi par les nazis durant la seconde. Comment porter la Parole de vie lorsqu’on est un théologien allemand, les yeux grands ouverts fixant la Shoah ? C’est ce courage dont parle Tillich, celui qui s’entête à bercer la beauté du nourrisson au pied de tous les calvaires de l’existence. C’est celui de la foi incarnée, celle de la mère qui continue de sourire malgré la leucémie de son fils, celui d’un père qui garde les bras ouverts malgré le silence humiliant d’un fils. La femme de la foule avait peut-être médité toutes ces choses en son cœur comme Tillich : l’audace folle d’espérance de Jésus ne pouvaient prendre source que dans le courage de la Parole portée. Et la maternité de ce Dieu fou et amoureux, était décidément bien évidente et bien courageuse.

Être don et devenir héritage, être héritage et devenir don, voilà qui résume le dialogue entre la femme de la foule et Jésus. Le courage d’être sera le oui de toutes les Marie dissimulées dans nos foules à cette dynamique d’amour. C’est le même de toutes les relations comme des maternités qui fécondent nos vies.

À travers le silence assourdissant de la foule, Jésus entend ce cri, cette voix qui s’élève et qui a élevé tant d’enfants. Jésus est appel et non réponse quand il affirme « Et mieux! ». Lui, parole de vie portée, nourrie et donnée au monde en n’appartenant déjà plus au monde, devient offrande pour et par le monde. Lui, chemin à travers champs et kénose, invite à se laisser cueillir, à laisser mûrir et mourir, à laisser le don de Dieu en soi devenir fruit et offrande. Le « Et mieux! » du Christ est une réponse emmitouflée dans un appel à incarner pleinement, en notre existence, cette double vie de chair et d’esprit, reçue, portée, donnée, accueillie et gardée pour n’être qu’offerte.

Barbara Martel (bmartel@lepelerin.org)

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