Méditation : La porte du sacré (No 254)

Image par Tim McReynolds de Pixabay

Évangile du Mardi 21 juin 2022 – 12e semaine du temps ordinaire (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)

« Tout ce que vous voudriez que les autres fassent pour vous, faites-le pour eux » Mt 7, 6. 12-14

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Ne donnez pas aux chiens ce qui est sacré ; ne jetez pas vos perles aux pourceaux, de peur qu’ils ne les piétinent, puis se retournent pour vous déchirer.
Tout ce que vous voudriez que les autres fassent pour vous, faites-le pour eux, vous aussi : voilà ce que disent la Loi et les Prophètes.
Entrez par la porte étroite. Elle est grande, la porte, il est large, le chemin qui conduit à la perdition ; et ils sont nombreux, ceux qui s’y engagent. Mais elle est étroite, la porte, il est resserré, le chemin qui conduit à la vie ; et ils sont peu nombreux, ceux qui le trouvent. »

NOTE IMPORTANTE

Veuillez noter que les personnes qui écrivent les méditations prendront congé à partir du 27 juin et débuteront à nouveau le lundi 5 septembre 2022. Nous en profitons pour vous remercier de nous avoir si assidûment suivis durant tous ces mois. Nous serons très heureux de vous retrouver au retour.

Méditation

« Ne donnez pas aux chiens ce qui est sacré ; ne jetez pas vos perles aux pourceaux, de peur qu’ils ne les piétinent, puis se retournent pour vous déchirer. » Qu’est-ce qu’il y a en nous de sacré que nous ne devons pas donner à n’importe qui ? La question est, assurément, bonne.

Je crois que le coeur de ce qui est sacré, c’est nous ou c’est Dieu en nous, ou, dit autrement, c’est le don de Dieu que nous sommes ou veut être par nous. Le sacré naît en nous par l’accueil du don que Dieu nous fait. Il est un surgissement de Vie éternelle marqué d’un Amour gratuit. Cet Amour n’a aucun calcul, ne se protège pas, car Il est l’expérience d’un Coeur ouvert, si ouvert qu’Il sera transpercé sur la Croix. Mais si le sacré est un don, et si c’est ce don même de Dieu qui nous constitue en un être unique faisant de nous un sanctuaire sacré, alors comment l’invitation de cet évangile de ne pas donner est-elle compréhensible ?

Il me semble que le don sacré de nous-mêmes demande une sacramentalité de paroles, de gestes, de relations,… Pour bien comprendre, nous sommes appelés à méditer le sens de cette sacramentalité en partant de l’eucharistie. Pour ce faire, imaginons-nous dans la peau du prêtre à la consécration et demandons à Dieu que tout ce qui fait notre quotidien, gestes, paroles, relations, comportements, silences, etc., soient transubstantiés, consacrés, pénétrés de son don, de sa Parole, au point que tout devienne sacré, traversé par sa Présence. Notre vie, comme le dit saint Paul, devient alors une “hostie vivante” (Rm 12, 1). Ce qui est sacré en nous est tout ce qui est pénétré et habité de cet “admirable échange” avec Dieu faisant de nous un sacrement du divin.

En méditant, je me disais que, même au coeur du mal qui nous a frappés ou nous frappe, Dieu nous façonne pour que la perle du don de Dieu que nous sommes soit protégée. Au Pèlerin, nous aidons les personnes à visiter leur tombeau qu’ils ont bâti pour se protéger du mal. Le tombeau, avec cet évangile, m’est apparu différemment, soit comme la coquille de l’huître qui protège la perle. Cela m’amène à penser que tous les mécanismes de défense que nous avons utilisés pour nous protéger du mal sont un aspect de cette coquille qui protège la perle. Il y a là quelque chose de sain, et même de saint.

S’il est vrai que ce tombeau nous enferme, est-il possible que Dieu nous ait constitué ainsi afin de “domestiquer” ou circonscrire le mal en nous jusqu’au jour où nous trouvions un chemin de vie ou que nous osions l’ouvrir à Dieu ? Pourrions-nous saisir notre tombeau non comme une malédiction mais comme un sanctuaire sacré où Dieu nous attend et d’où Il veut nous faire naître ? Car l’expérience nous montre que l’ouvrir nous met en face du secret formidable de l’Amour de Dieu pour nous et que, au sein de cet Amour, nous sommes ce don unique de Dieu placé au centre.

Nous qui avons cru si longtemps que nous étions disparus à nos propres yeux et à ceux des autres, abandonnés, rejetés, oubliés,…, éprouvons alors la puissance sacrée de notre don qui éclate en nous du dedans, comme une présence de la Présence. Cette puissance sacrée est si forte qu’elle transfigure toute notre chair avec ses faiblesses, ses vulnérabilités, ses blessures… pour en faire un chant sacré.

La puissance sacrée de Dieu, d’ailleurs, se saisit et se vit au lieu même de ce qui est le plus faible en nous, faisant de notre faiblesse le sacrement de l’Amour infini. Il n’y a en cette expérience aucune superbe mais un simple agenouillement devant le mystère sacré de notre être. Mais alors quelle est la réponse à notre question de départ, à savoir de “ne pas donner aux chiens ce qui est sacré ; ne pas jeter nos perles aux pourceaux”.

La sacramentalité de notre être demande la sacramentalité de nos relations où deux dons de Dieu, deux identité filiales uniques et deux faiblesses se rencontrent. Comme c’est grand quand nous pouvons trouver un homme ou une femme avec qui nous pouvons partager la perle de notre identité et la perle de notre faiblesse sans qu’une et et l’autre ne soient piétinés par des jugements, des humiliations, des rejets, des moqueries… mais qu’elles soient reçues comme des dons précieux.

Les pourceaux et les chiens sont ces humains qui ont refusé et leur identité et leurs faiblesses et ne peuvent accueillir la nôtre sans la piétiner, car, en eux, l’une et l’autre sont piétinés et ne suscitent en eux que violence pour eux et pour les autres. Ils ont perdu la pauvreté/faiblesse sacrée de l’être, si bien qu’ils ne peuvent y saisir la perle du don de Dieu qui s’y cache. Nous savons encore si peu qu’identité et pauvreté/faiblesse sont en nous la porte du sacré.

Pour ces pourceaux et ces chiens (dire ces mots n’est pas un jugement mais traduit simplement l’état intérieur et la souffrance de ces personnes), nous ne pouvons, dans l’instant, partager notre perle mais nous pouvons l’offrir en secret pour que Dieu, comme avec la brebis perdue, parte à leur recherche et ouvre en eux des chemins de Vie. Entrouvre pour eux la “porte du sacré” !

Stéfan Thériault (stheriault@lepelerin.org)

DROIT D’AUTEUR

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