Méditation : La richesse de la pauvreté (No 250)

Évangile du Vendredi 17 juin 2022 – 11e semaine du temps ordinaire (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)

« Là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur » Mt 6, 19-23

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Ne vous faites pas de trésors sur la terre, là où les mites et les vers les dévorent, où les voleurs percent les murs pour voler. Mais faites-vous des trésors dans le ciel, là où il n’y a pas de mites ni de vers qui dévorent, pas de voleurs qui percent les murs pour voler. Car là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur.
La lampe du corps, c’est l’œil. Donc, si ton œil est limpide, ton corps tout entier sera dans la lumière ; mais si ton œil est mauvais, ton corps tout entier sera dans les ténèbres. Si donc la lumière qui est en toi est ténèbres, comme elles seront grandes, les ténèbres ! »

Méditation

Avant de redescendre de la Montagne et au terme de Son discours sur les Béatitudes, Jésus nous laisse cette recommandation clef, qui ouvre notre cœur à son vrai trésor : « Ne vous faites pas de trésors sur la terre,[…] Mais faites-vous des trésors dans le ciel ».

Que signifie pour nous ce trésor de ne rien amasser ? De devenir riches par la pauvreté ? La voie de la pauvreté du cœur est celle qui fonde toutes les béatitudes : « heureux les pauvres de cœur, car le royaume des Cieux est à eux ». Notre trésor est non dans la possession mais dans la dépossession, non dans l’avoir que nous accumulons mais dans l’être détaché et tout offert que nous devenons. Par cette pauvreté de cœur, nous entrons dans l’intime du mystère divin trinitaire, tout don et tout accueil, notre manque devient alors plénitude.

Un tel trésor qui nous rend capable de passer par le trou d’une aiguille, qui a coûté à Pierre et à André de quitter barque et filets, à la veuve de mettre les seules piécettes d’argent qu’elle avait (Lc 21,2-4), à celle de Sarepta, la poignée de farine et le peu d’huile qui lui restait (1 Roi 10, 12), est complètement paradoxal aux yeux de notre culture aujourd’hui. Notre société veut nous faire croire qu’il nous faut fuir cette pauvreté déraisonnable à tout prix, tant elle heurte de front sa logique d’utilitarisme, l’intérêt et l’utilité étant ses seuls principes et son unique morale; en d’autres mots, plus on ramasse des biens, plus on accumule des titres et plus on devient heureux, la recherche du bonheur passe par ce sentiment de puissance, d’avidité et d’orgueil qu’offrent la possession. Il me semble que la racine de la résistance de notre monde à la pauvreté proclamée par Jésus, vient du fait que cette culture de la prospérité et du confort poussés à l’extrême, empêche l’humain de reconnaitre et de toucher à son manque fondamental de Dieu, à sa privation de l’essentiel, tant l’accumulation des possessions masque sa soif de profondeur. Aveuglé par tant de trésors extérieurs qui brillent d’une lumière criarde, fascinent, illusionnent et affolent, l’humain se laisse alors séduire et contrôler par ces richesses périssables, ces futilités transitoires et lorsqu’elles s’écroulent, il risque d’être emporté par le courant jusqu’à l’anéantissement. Pour une fille et un fils de Dieu, le véritable trésor est lorsque nous offrons notre manque pour que Jésus le remplisse de Sa Présence, lorsque nous consentons à recevoir le don de Dieu que nous sommes et à tout déposer sans crainte dans Son Cœur; c’est ne rien retenir pour tout recevoir de Lui. Il ne s’agit pas pour nous de mépriser les trésors de la terre, mais de cesser de les prioriser et d’en dépendre pour être heureux.

« Là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur. »  Une parole qui fait réfléchir et se questionner : Où est orienté mon cœur ? Où pointe-t-il ? Quel trésor cherche-t-il ? « L’homme bon, de son trésor qui est bon, tire de bonnes choses ; l’homme mauvais, de son trésor qui est mauvais, tire de mauvaises choses » (Mt 12,35). Le cœur et le trésor ne font qu’un, afin que notre trésor soit complet, notre cœur doit être entier. Le pauvre de cœur possède la vraie richesse car il a découvert dans le Cœur de Dieu son Trésor; nul ne peut le lui enlever, aucune usure ne peut l’atteindre, il se dépossède de tout pour garder cette perle rare (Mt 13,46).

Afin de trouver ce trésor intérieur enfoui au plus profond de nous, il faut que la lampe de notre cœur soit illuminée par la Parole, pour permettre à notre œil intérieur de voir clair, de discerner la beauté du Dieu intérieur qui nous habite. « Si ton œil est limpide, ton corps tout entier sera dans la lumière ».

Faconné à Son image, notre être aspire à devenir cette Trinité cachée au fond de nos cœurs. Lorsque notre œil est limpide, il nous conduit à la source intérieure de l’Amour, qui nous reflète le visage divin, l’image trinitaire gravée en nous.

Ste Thérèse d’Avila disait : « Malheureusement notre vie se passe, comme si nous visitions un château de l’extérieur sans se donner le temps d’y entrer pour y admirer les beautés intérieures ». Puissions-nous arrêter de tourner autour de notre château, se donner le temps d’y entrer afin de découvrir sa splendeur intérieure.

Puissions-nous trouver le chemin qui conduit vers notre cœur profond où Dieu s’y tient, s’exercer à cette Présence intérieure et fonder toute notre vie à partir de cet espace sacré en nous, inaccessible aux voleurs et aux mites. Notre quotidien se dynamisera alors à partir de cette source inépuisable.

Au plus profond de notre cœur se cache un trésor inestimable, une source d’eau vive; on ne peut y accéder qu’en défrichant le chemin, en se dépouillant de nos toutes-puissances et de notre souci opprimant de tout avoir pour soi. Choisissons de quitter la citadelle de nos trésors périssables, choisissons de ne rien retenir, de ne rien avoir pour devenir riche de Dieu.

Optons pour la richesse de la pauvreté, acceptons d’être finitude, de tout recevoir et de se recevoir d’un Autre. Soyons des icônes de la riche beauté de la pauvreté.

Gladys El Helou

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