Méditation : Abba (No 249)

Évangile du Jeudi 16 juin 2022 – 11e semaine du temps ordinaire (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)

« Vous donc, priez ainsi » Mt 6, 7-15

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Lorsque vous priez, ne rabâchez pas comme les païens : ils s’imaginent qu’à force de paroles ils seront exaucés. Ne les imitez donc pas, car votre Père sait de quoi vous avez besoin, avant même que vous l’ayez demandé. Vous donc, priez ainsi : Notre Père, qui es aux cieux, que ton nom soit sanctifié, que ton règne vienne, que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel. Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour. Remets-nous nos dettes, comme nous-mêmes nous remettons leurs dettes à nos débiteurs. Et ne nous laisse pas entrer en tentation, mais délivre-nous du Mal.
Car, si vous pardonnez aux hommes leurs fautes, votre Père céleste vous pardonnera aussi. Mais si vous ne pardonnez pas aux hommes, votre Père non plus ne pardonnera pas vos fautes. »

Méditation

Le texte évangélique d’aujourd’hui s’ouvre sur ce qu’il y a de plus beau dans notre vie de chrétien(ne)s, la prière du Notre Père. Elle n’est pas une prière comme les autres, elle nous fait prier avec les mots de Jésus et nous donne à se modeler sur Son Être-Fils.

Le Notre Père a suscité de multiples commentaires formidablement riches et beaux; que puis-je dire de plus, avec mes mots bien pauvres, sinon effleurer timidement la beauté indescriptible de cette mélodie divine.

La prière n’a pu atteindre sa plénitude que sur les lèvres de Jésus, une parole humaine qui exprime dans sa simplicité, l’inexprimable réalité divine : Amour tout donné et totalement reçu. En Jésus, cette prière nous arrache à la peur, nous enlève le joug de l’esclavage et nous donne Son Esprit qui crie de nos profondeurs Père, Abba (Rm 8,15).

Le Notre Père est une prière fondatrice, elle nous établit dans notre identité filiale; dire avec Jésus, Notre Père, c’est devenir des filles et des fils de Dieu, dans et avec le Fils. Elle est très personnelle puisqu’elle est celle du Fils, elle est universelle puisqu’elle nous communie les uns aux autres par, avec, et en Lui. Et en même temps, c’est une prière très humaine avec des mots d’ici, puisqu’elle nous engage dans notre humanité, donne-nous notre pain, pardonne-nous, nous pardonnons, ne nous laisse pas, délivre-nous du mal…Quoi de plus incarné, de plus humain que cela !

Notre Père, Abba, quelle audace ! quelle tendresse ! Personne d’autre que Jésus n’a osé nous présenter un Dieu-Père, un Dieu proche, accessible, « maternellement paternel » comme l’a décrit François de Sales. C’est délicieusement fou et cependant nous risquons de projeter sur Lui toutes nos expériences et nos images plus ou moins douloureuses d’un père terrestre blessé. Le Dieu-Père est l’Origine, la Source de Vie, l’Amour plénier toujours offert, qui ne contraint jamais. Il n’est point ce père violent, qui se plait à nous infantiliser, à nous faire souffrir. Il est lent à la colère, riche en bonté, miséricordieux et compatissant (Ps 103), un Père-Amour-Plénitude qui renverse toutes les vieilles histoires qui se racontent sur Dieu.

L’instant où notre cœur invoque Dieu en disant Abba, nous nous mettons en Sa Présence, nous reconnaissons que nous sommes tou(te)s engendré(e)s par Sa Parole, nous acceptons de se recevoir de Lui et de relire toute notre vie comme un don sacré de l’Être Saint qu’Il est. Que ton nom soit sanctifié est un double mouvement de don, accueillir Sa parole me sanctifie et je me donne entièrement à glorifier Son Nom par le témoignage de ma vie.

C’est dans cette disponibilité entière à Lui, que je permets à Son règne de se réaliser en moi et en ce monde, Que ton règne vienne. Ce règne est l’Alliance offerte par Jésus à nous tou(te)s, pour devenir les membres d’un seul Corps; Dieu règne lorsque nous entrons dans une communion de notre être en Lui. Impossible d’entrer dans cette communion, dans cette prière filiale, sans entrer dans la volonté de Dieu. Impossible de crier de nos profondeurs, Abba, sans crier notre obéissance, que ta volonté soit faite.

Les mots obéissance et volonté de Dieu peuvent susciter en nous une résistance farouche si nous restons prisonniers des notions héritées, déformées : assujettissement absurde, ordres à exécuter, bon gré, mauvais gré, une sorte d’épée de Damoclès qui va s’abattre sur notre tête à tout moment…  Jésus Lui-même a dû se confronter, dans son corps humain, à la Volonté de Son Père (Mt 26,39) jusqu’à ce que Son obéissance soit devenue l’objet de sa prière. Une obéissance qui n’est autre que l’envahissement de tout son être par l’Amour de Dieu, Sa seule Volonté. En goûtant dans notre cœur à la joie d’un tel Amour nous ne pouvons qu’aligner toute notre vie, vers cette aspiration et ce désir d’Amour de Dieu en nous.

En laissant l’Esprit nous unir au cœur de Jésus et ouvrir tout notre être à ces quatre vérités divines qui nous sont adressées, notre cœur ne pourra que s’enflammer d’amour et y adhérer complètement. Pour ce faire, nous aurons besoin de nourriture, donne-nous notre pain, d’une purification de cœur, pardonne-nous et donne-nous la grâce de pardonner, et d’une protection du Mal, ne nous laisse pas entrer en tentation.

Nulle prière ne peut naitre en nous et nous permettre de naitre en notre être filial, si elle ne surgit des profondeurs de nos détresses et de nos faiblesses. Elle se doit d’être contiguë à notre péché, le toucher, briser ses chaines et jaillir d’un élan de confiance et d’amour vers Dieu. Commençons donc par nous nourrir afin de pouvoir faire la traversée. Jésus n’a rien de moins à nous donner que Sa propre Vie, Son Corps, Son Sang et Sa parole. L’expérience de nos vies humaines nous a appris qu’il y a une longue distance de confiance à traverser dans nos déserts de souffrance; la Parole, la prière et l’eucharistie nous tiennent dans l’Espérance pendant cette traversée. Jésus marche avec nous jusqu’à la frontière de nos péchés, guide nos pas vers notre demeure en Dieu, en nous immergeant dans la miséricorde divine dont Il est la pleine révélation.

Lors de ma maladie, sur mon lit d’hôpital, je me rappelle que lorsque je voulais prier le Pater, je ne pouvais pas dépasser les deux premiers mots, Notre Père, tellement j’étais affaiblie par les douleurs. Dans ma désolation, je me suis tenue avec confiance, juste à ces deux mots. Puis j’ai compris, qu’en ces deux mots, tout a été dit, toute ma prière était justement là, se tenir et demeurer auprès du Père, comme une enfant, dans la simplicité et l’abandon.

Gladys El Helou

Compléments

Pour les personnes intéressées à entendre le Notre Père dans la langue de Jésus, l’araméen, cliquez ici.

Et voici le texte écrit araméen :

Awoun douèshméïa, Notre Père, qui es aux cieux,

Nèth (q)radash(e) shmarh Que ton nom soit sanctifié, 

Tété merkouzarh Que ton règne vienne,

Névé sévianarh Que ta volonté soit faite

Eikén en douèshméya abb’hara Sur la terre comme au ciel. 

Haoul’ann lar’man-sourane èn’yomana Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour.

Ouérsh’ourl’ann houbènn ou arbarènn Pardonne-nous nos offenses

Eikén ann-ap nann shouaria faïawénn Comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés. 

Oulla tal’ann in tçiona Et ne nous laisse pas entrer en tentation

Ella-pass’ ann èn bicha Mais délivre-nous du mal.
Amen

DROIT D’AUTEUR

La méditation peut être partagée à toutes et à tous, en tout ou en partie, mais le nom de l’auteur et l’indication du centre le Pèlerin avec l’adresse du site (www.lepelerin.org) doivent être inscrits, car les droits d’auteur demeurent. Merci de votre compréhension.