Méditation : Enfanter la justice de Dieu (No 242)

Image par Ben Kerckx de Pixabay

Évangile du Jeudi 9 juin 2022 – 10e semaine du temps ordinaire (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)

« Tout homme qui se met en colère contre son frère devra passer en jugement » Mt 5, 20-26

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Je vous le dis : Si votre justice ne surpasse pas celle des scribes et des pharisiens, vous n’entrerez pas dans le royaume des Cieux.
Vous avez appris qu’il a été dit aux anciens : Tu ne commettras pas de meurtre, et si quelqu’un commet un meurtre, il devra passer en jugement. Eh bien ! moi, je vous dis : Tout homme qui se met en colère contre son frère devra passer en jugement. Si quelqu’un insulte son frère, il devra passer devant le tribunal. Si quelqu’un le traite de fou, il sera passible de la géhenne de feu. Donc, lorsque tu vas présenter ton offrande à l’autel, si, là, tu te souviens que ton frère a quelque chose contre toi, laisse ton offrande, là, devant l’autel, va d’abord te réconcilier avec ton frère, et ensuite viens présenter ton offrande. Mets-toi vite d’accord avec ton adversaire pendant que tu es en chemin avec lui, pour éviter que ton adversaire ne te livre au juge, le juge au garde, et qu’on ne te jette en prison. Amen, je te le dis : tu n’en sortiras pas avant d’avoir payé jusqu’au dernier sou. »

Méditation

Ce texte de Matthieu, fait partie du grand discours de Jésus sur la montagne qui suit l’annonce des Béatitudes. Jésus ne nous lègue pas des règles à suivre, mais bien une Parole créatrice d’une manière de vivre nouvelle, dont la seule logique est l’Amour.

« Si votre justice ne surpasse pas celle des scribes et des pharisiens, vous n’entrerez pas dans le royaume des Cieux. » Jésus demande à Ses disciples d’avoir une justice nouvelle, qui va au-delà de celle des scribes; Il nous demande d’avoir une intégrité nouvelle qui dépasse celle de toutes nos lois, si sophistiquées soient- elles. De fait, Jésus ne vient pas annexer ou amender nos lois, Il vient les libérer de la froideur des lettres et nous révéler leur vraie portée.

Des lois, des codes, des règlements, il y en a partout. Mais Jésus nous parle d’une loi qui est à la racine de toutes les autres, d’une justice qui surmonte l’usure des âges, celle du cœur de Dieu.

 « Tu ne commettras pas de meurtre », ce qui a été dit aux anciens n’est pas suffisant, Jésus est beaucoup plus radical, la justice prend une tout autre connotation avec Lui. La loi des anciens s’arrêtait à l’interdiction de tuer, Jésus va aller beaucoup plus loin. Il va creuser plus profond dans les cœurs jusqu’à la racine du mal. Il nous dit que quiconque porte de la colère contre son frère, l’insulte ou le traite de fou est déjà un meurtrier; Il nous dit qu’il y a bien d’autres manières d’assassiner l’autre et d’éteindre la vie en lui(elle), que le meurtre proprement dit.  

Jésus ne dit pas que nous devons vivre toute notre vie, apathiques, sans éprouver ni colère, ni frustration. La colère est une émotion bien humaine, qui peut être saine et sainte, si elle s’élève contre les injustices. Il ne nous demande donc pas de devenir des mollassons, sans caractère, résignés et sans aucun jugement. Mais il nous parle de cette haine et de cette agressivité, tapies à l’intime de nous-mêmes, qui explosent en mépris et en paroles blessantes de rejet et d’intolérance. Le regard de colère détruit et la parole insultante anéantit la vie en l’autre; c’est l’engluer dans sa blessure et le condamner à une mort lente. C’est lui faire porter le lourd fardeau de ne pas avoir le droit d’exister et de n’avoir aucune valeur. « Quiconque a de la haine contre son frère est un meurtrier » (1Jn3:15), donc tout acte en dehors de l’A(a)mour, entraine la mort. La justice nouvelle que Jésus proclame et qui dépasse toutes nos lois bien articulées, est celle de l’amour. Elle n’est aucunement le fruit de la peur, mais ouverture à la miséricorde sans limite de Dieu. Son échafaudage commence par ne pas entretenir de la haine dans notre cœur.

Cette justice nouvelle dont parle Jésus n’existe pas dans notre monde, malgré toutes les bonnes intentions de nos projets de lois qui se veulent de plus en plus ambitieux et épineux; les scènes d’horreur mondiales et les violences au quotidien l’attestent indéniablement. Nous avons à enfanter la justice de Dieu et à lui donner naissance dans notre cœur afin qu’elle prenne vie autour de nous; pour ce faire nous avons à convertir nos profondeurs, à passer de l’éthique de la loi à l’amour de l’autre. Cette justice d’amour est à bâtir à partir de notre cœur, du regard d’amour posé sur soi, sur les autres et sur le monde. D’ailleurs, quoi de plus injuste qu’une justice sans âme, sans cœur, sans une portée d’amour.

Jésus poursuit son discours en poussant à l’extrême cette radicalité d’amour, Il dit que nos offrandes à Dieu sont vaines si nous ne nous réconcilions pas avec l’autre. Briser les murs de haine qu’il y a entre nous peut s’avérer excessivement difficile, peut faire mal à notre esprit individualiste. Ne pas tuer est drôlement plus facile que d’éliminer la haine en nos cœurs. Mais qu’à cela ne tienne, fournissons le peu dont notre cœur est capable et sachons qu’à notre Oui, Dieu répondra en complétant le gros qui reste.

Une telle justice peut nous paraitre utopique, inatteignable. Jésus a plus confiance en nous que nous ne l’avons en nous-mêmes, car Il fait appel à notre liberté dont la grandeur est illimitée.

Dieu est caché au cœur de notre liberté, Il est notre lumière et notre force qui nous guident de l’intérieur. Construisons jour après jour notre liberté, celle des filles et des fils de Dieu, respirons la miséricorde du Père et enfantons en ce monde Sa justice qui surpasse toute loi, puisqu’elle est une alliance de communion avec Son cœur.

Enfanter la justice de Dieu c’est creuser au fond de nous, dans cet espace intime, radicalement inviolable, cette manière de vivre et d’aimer qui est modelée sur l’être même de Dieu. C’est convertir notre regard pour qu’il puisse percevoir, malgré toutes nos discordes, la part divine en l’autre, l’œuvre d’art à contempler. Ce regard sur la beauté première de l’être, nous pacifiera et nous donnera de la force même si notre route est longue.

Enfanter la justice de Dieu, c’est rester fidèle à notre identité profonde, c’est inventer le bien par nos actes et nos paroles qui révèlent que nous avons un cœur habité par un Autre.

L’Amour est le point culminant de la création qui ne peut se réaliser qu’à travers nous.

Gladys El Helou

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