Méditation quotidienne du lundi 20 février : L’écoute est la blessure la plus proche du soleil (No 155 – série 2022 – 2023)

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Évangile du Lundi 20 février 2023 – 7e semaine du temps ordinaire (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)

« Je crois ! Viens au secours de mon manque de foi ! » Mc 9, 14-29

En ce temps-là, Jésus, ainsi que Pierre, Jacques et Jean, descendirent de la montagne ; en rejoignant les autres disciples, ils virent une grande foule qui les entourait, et des scribes qui discutaient avec eux. Aussitôt qu’elle vit Jésus, toute la foule fut stupéfaite, et les gens accouraient pour le saluer. Il leur demanda : « De quoi discutez-vous avec eux ? » Quelqu’un dans la foule lui répondit : « Maître, je t’ai amené mon fils, il est possédé par un esprit qui le rend muet ; cet esprit s’empare de lui n’importe où, il le jette par terre, l’enfant écume, grince des dents et devient tout raide. J’ai demandé à tes disciples d’expulser cet esprit, mais ils n’en ont pas été capables. » Prenant la parole, Jésus leur dit : « Génération incroyante, combien de temps resterai-je auprès de vous ? Combien de temps devrai-je vous supporter ? Amenez-le-moi. » On le lui amena. Dès qu’il vit Jésus, l’esprit fit entrer l’enfant en convulsions ; l’enfant tomba et se roulait par terre en écumant. Jésus interrogea le père : « Depuis combien de temps cela lui arrive-t-il ? » Il répondit : « Depuis sa petite enfance. Et souvent il l’a même jeté dans le feu ou dans l’eau pour le faire périr. Mais si tu peux quelque chose, viens à notre secours, par compassion envers nous ! » Jésus lui déclara : « Pourquoi dire : “Si tu peux”… ? Tout est possible pour celui qui croit. » Aussitôt le père de l’enfant s’écria : « Je crois ! Viens au secours de mon manque de foi ! » Jésus vit que la foule s’attroupait ; il menaça l’esprit impur, en lui disant : « Esprit qui rends muet et sourd, je te l’ordonne, sors de cet enfant et n’y rentre plus jamais ! » Ayant poussé des cris et provoqué des convulsions, l’esprit sortit. L’enfant devint comme un cadavre, de sorte que tout le monde disait : « Il est mort. » Mais Jésus, lui saisissant la main, le releva, et il se mit debout.
Quand Jésus fut rentré à la maison, ses disciples l’interrogèrent en particulier : « Pourquoi est-ce que nous, nous n’avons pas réussi à l’expulser ? » Jésus leur répondit : « Cette espèce-là, rien ne peut la faire sortir, sauf la prière. »

Méditation

Nous le savons bien : « il n’y a pas de miracle ! ». Ce que l’on présente comme un « miracle »  sera expliqué par la science. Tout s’explique ! Une réalité (comme le beau temps ou la dissolution d’un amour) se définit par des causes (la pression atmosphérique, l’usure des sentiments). La technologie numérique redouble l’impossibilité du miracle. L’Intelligence Artificielle engrange des millions d’informations extraites des comportements passés pour en tirer un plan statistique de l’avenir. À partir de notre passé, l’I.A. dessine un avenir qui se referme sur nous comme une fatalité. L’avenir, que l’on croyait dégagé, est rempli par un mur d’algorithmes.

Pourtant, dès que notre équipe de foot est en danger de perdre, nous espérons qu’une percée fera la différence. Nous crions pour accompagner la victoire qui —quoiqu’incertaine— semble encore possible. Et comme il reste encore vingt minutes… rien n’est joué ! Quand la dégradation d’un amour annonce un divorce, je peux espérer —sans anticiper sur la fin— qu’une conciliation tracera une piste.

Quand on répète « Il n’y a pas de miracle », cela indique l’abandon de toute espérance. « Il n’y a pas de miracle » signifie que j’admets —non à partir d’un savoir—, puisque l’arbitre n’a pas sifflé la fin du match, puisque le divorce n’est pas prononcé, mais à partir d’une décision que « tout est fini ». Mais, comment savoir que « tout est fini », puisque précisément il reste encore vingt minutes de jeu ? Le « je n’y crois plus » anticipe le moment où éventuellement tout sera fini. Le futur triste que j’imagine —parce que je crois que « tout est fini »— assombrit mon présent où palpite une lueur.

L’évangile de ce jour présente un père qui se heurte au mur de l’impossible. « Depuis sa petite enfance », son garçon est envahi d’une maladie où tout s’organise pour le faire « périr ». Ce père aurait de quoi admettre que « tout est fini ». Pourtant, la rencontre de Jésus modifie son espérance. La mort de son fils est-elle inéluctable ? Que dit notre bon sens ? Dans notre condition mortelle, nous savons que tout finira : l’heure est incertaine, mais la mort est certaine. Saint Paul résume cette croyance païenne en la mort : « Mangeons et buvons, car demain nous mourrons » (1 Co 15, 32). Cet horizon mortel où « tout est fini » sert à calculer ce qui nous semble possible.

Mais, en parcourant notre terre, le Christ fait germer une possibilité nouvelle. Sous la poussée de l’illimité, le cadre limité de la création craque… Notre création contient ce qui la dépasse. C’est bien ce que le Christ révèle en manifestant comme origine de tout, Son Père sans origine. Par la résurrection de Son Fils, le Père montrera qu’en Dieu ce que tous les hommes définissaient comme impossible (qu’un humain échappe à la mort) est possible (la vie a le dernier mot sur la mort). Dès lors, tout change… Recevoir ma vie du Père revient à admettre que la possibilité de Dieu donne la note… et cette note mettra notre vie en musique ! L’horizon ultime n’est plus celui de la mort qui dévore toutes choses. Car, la Résurrection perce la coquille de l’impossible.

Le « si tu peux », plein de bon sens terrestre, se dilate sous le souffle de Jésus : « Tout est possible pour celui qui croit. » Cela ne signifie pas que nous gagnerons à la loterie… ni que nous marcherons sur un tapis de roses sans épines… Au contraire, la foi qui entre dans le « tout est possible » de Dieu subit une conversion pour aimer comme Dieu aime. D’un seul coup, devant notre moi limité, une porte s’ouvre. Notre création donne sur un Dieu plus grand qu’elle : le Christ sur notre terre déploie des poumons qui respire à ciel ouvert. Dès lors, la foi dirige vers une foi plus immense. Le texte grec renforce le paradoxe de la conversion : « Je crois, Seigneur, viens au secours de mon incroyance ! » Comment peut-on croire et ne pas croire ? N’est-ce pas vexant de croire pour se rendre compte que notre effort de croyant ne touche pas la vraie foi ? L’impasse de croire (à partir de ses propres forces) invite à demeurer « pauvre et petit » (Sophonie 3,12) pour mieux accueillir une foi (qui passant par la mort) est issue de la résurrection. Le père qui demandait « secours » pour son fils (v.22) implore désormais un « secours » pour sa propre foi (v.24). Dans cette guérison, Jésus anticipe les relevailles de la résurrection : « Jésus, lui saisissant la main, le releva, et il se mit debout ». Le père demandait à Jésus de guérir son fils écrasé « par un esprit qui le rend muet » (v.17), mais Jésus fait plus, puisqu’Il interpelle un démon qui rend « muet et sourd » (v.25). Le père n’avait remarqué que le mutisme de son fils, mais pas sa surdité… Écrasé de souffrance, avait-il remarqué sa propre surdité ? Désormais, une incision blesse ce père : l’incision de l’écoute. « Pauvre et petit », ouvrons nos oreilles pour recevoir l’amour qui nous dépasse.

Vincent REIFFSTECK. vincent.reiffsteck@wanadoo.fr

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