Méditation : Notre Père (No 149)

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Évangile du Mardi 8 mars 2022 – 1re semaine de Carême (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions

« Vous donc, priez ainsi » Mt 6, 7-15

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Lorsque vous priez, ne rabâchez pas comme les païens : ils s’imaginent qu’à force de paroles ils seront exaucés. Ne les imitez donc pas, car votre Père sait de quoi vous avez besoin, avant même que vous l’ayez demandé. Vous donc, priez ainsi : Notre Père, qui es aux cieux, que ton nom soit sanctifié, que ton règne vienne, que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel. Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour. Remets-nous nos dettes, comme nous-mêmes nous remettons leurs dettes à nos débiteurs. Et ne nous laisse pas entrer en tentation, mais délivre-nous du Mal.
Car, si vous pardonnez aux hommes leurs fautes, votre Père céleste vous pardonnera aussi. Mais si vous ne pardonnez pas aux hommes, votre Père non plus ne pardonnera pas vos fautes. »

Méditation

« Lorsque je parle de prière, ne t’imagine pas qu’il s’agisse de paroles. Elle est un élan vers Dieu, un amour indicible qui ne vient pas des hommes. »[1] Cette parole est venue à ma rencontre alors que je méditais l’Évangile de ce mardi où justement Jésus enseigne à ses disciples comment prier.

« Lorsque vous priez, ne rabâchez pas comme les païens : ils s’imaginent qu’à force de paroles ils seront exaucés. Ne les imitez donc pas, car votre Père sait de quoi vous avez besoin, avant même que vous l’ayez demandé. Vous donc, priez ainsi : Notre Père »

La prière pour Jésus, ce ne sont pas d’abord des paroles, mais un élan amoureux vers Dieu, « un élan du cœur » dit la Petite Thérèse[2]. Laisser notre cœur exprimer ce qu’il porte, ce qu’il désire à Celui qui nous connaît mieux que nous-mêmes. Et quelle expression si nouvelle, révolutionnaire même, de la part de Jésus pour apprendre à ses amis les plus proches à s’adresser à Dieu ! « Vous donc, priez ainsi : Notre Père »

Pour nous, disciples de Jésus de 2022, ces mots-là ont perdu peut-être de leur “nouveauté radicale”. La prière du « Notre Père », nous la connaissons par cœur ! Pour ceux qui sommes baptisés depuis l’enfance, des mots appris sur les genoux de notre grand-mère ou au catéchisme, à l’école … Une prière si souvent récitée dans la vie, si souvent méditée déjà … Alors que dire de plus aujourd’hui ? 

Je sens qu’au milieu du contexte international actuel les seules paroles qui m’habitent le cœur sont précisément ces deux premiers mots de Jésus : NOTRE PÈRE. Deux mots à peine, et qui pourtant remplissent le cœur de paix, de sécurité en ces moments si troubles.

Notre Père. En écrivant ces deux mots, remonte à ma mémoire l’expérience de ma première rencontre avec la douleur du Cambodge (où j’avais passé une dizaine de jours en mission avec des jeunes Coréens). Au retour, chaque fois que je priais ces mots du Notre Père, des larmes me montaient aux yeux. “Quelque chose” s’était passé là-bas, “quelque chose” du cœur du Père m’avait touchée et émue profondément en rencontrant tous ces visages. Nous étions tous enfants du même Père, alors … plus rien de leur vie, de leur histoire, ne pouvait désormais me laisser indifférente.

Si nous pouvions remercier la Vie pour toutes ces expériences humaines, ces rencontres fortes – et bien sûr, il ne s’agit pas de devoir aller loin pour cela ! – qui libèrent notre vie de l’accoutumance des mots de la foi. Elles nous secouent et nous resituent dans la “chair” de l’existence, dans le réel où Dieu habite, parle, se manifeste ; là où Il nous permet de faire l’expérience qu’Il est Notre Père.

Dans ces deux mots, tout est dit.

(Notre) PÈRE

Dire Notre Père, c’est reconnaître que dans nos vies humaines, dans nos chemins de traverse, dans nos épreuves, dans les moments – comme ceux d’aujourd’hui de tension internationale et d’insécurité ajoutée à cette interminable pandémie -, reconnaître que nous ne sommes pas seuls. Nous avons un PÈRE infiniment aimant qui ne nous a pas laissés orphelins (cf. Jn 14,18). Quel mot tellement unique a choisi Jésus pour nous convaincre que notre solitude[3] n’est pas vraie. Plus haut que tous nos horizons terrestres, plus profond que tous nos abîmes intérieurs, Il est avec nous pour toujours, « Notre Père qui es aux cieux ».

Dire son nom, prononcer ce “Abba” que Jésus Lui murmurait avec tant d’amour et de tendresse, c’est reconnaître notre petitesse de créature et nous abandonner en l’Amour qui nous espère. Prier, c’est cela : mettre ma vie devant Lui, apprendre de plus en plus à être et à vivre en sa présence, être là aujourd’hui tout éveillé devant Celui qui est toute Présence. Comme ce couple de paysans, humbles – peints par Millet (tableau L’Angélus) – s’arrêtant au milieu des travaux des champs, pour honorer la Présence et prier l’angélus, puissions-nous nous arrêter nous aussi et murmurer : « Père, Tu es là, me voici ».

NOTRE (Père)

S’ouvrir à Lui, apprendre chaque fois plus à demeurer en sa Présence, c’est alors ne plus pouvoir dire “mon” Père mais “notre Père. « Seigneur, Tu es NOTRE Père. Père de tous les frères et sœurs que nous avons rencontrés tout au long de notre existence, jusqu’à ceux rencontrés hier. Tu es notre Père, mon Père et celui de tant et tant de “blessés” de notre terre. Notre Père, NOTRE … Nous ne pouvons plus faire semblant de ne pas reconnaître les autres comme “nos” frères, comme de “notre” famille. Toutes les différences – de pensée, de culture, de langue, de race, de religion … – qui trop souvent tentent de nous séparer et même de nous opposer, Toi, Tu désires nous en dévoiler la richesse. Tu as créé toute cette variété et Tu as désiré chacune de tes créatures unique, unique pour Te louer et pour Te dire au monde. »

« Vous n’avez qu’un Maître, et tous vous êtes des frères. » (Mt 23,8) Le carême ouvre devant nous un chemin de conversion pour que nous puissions dire en toute vérité et avec toute notre existence, ces deux mots : « Notre Père ». Un chemin de conversion pour nous “connecter” au Cœur du Père, blessé par tant de mal et de violence qui frappent ses enfants, et pour L’écouter…

Une vie qui “prie” comme cela,

– sanctifie le nom de Dieu – « que ton nom soit sanctifié » –,

– coopère déjà ici à la construction de son règne, de la fraternité, de la paix« que ton règne vienne » –,

– cherche à faire sa volonté sur la terre … puisqu’une partie d’elle apprend à demeurer “au ciel” – « que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel » –,

– s’ouvre chaque jour au don de Dieu pour aimer – « Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour » -,

– apprend à pardonner les offenses reçues et à accueillir le pardon – « Remets-nous nos dettes, comme nous-mêmes nous remettons leurs dettes à nos débiteurs » –

Une vie qui “prie” comme cela, est une vie de fille.fils de Dieu, comme celle du Fils Bien-Aimé.

« Dieu a envoyé dans nos cœurs l’Esprit de son Fils qui crie : Abba, Père ! » (Gal 4,6) Dieu nous attend, tout au long de notre vie pour que, du plus profond du cœur, nous accueillions l’Esprit et le laissions libre pour enfin dire ce « Abba ! » – pas juste avec des mots mais avec toute notre “chair” -, et nous remettre totalement entre ses mains. « Vous donc, priez ainsi : Notre Père »

Laurence Vasseur

La prière pour la Petite Thérèse de Lisieux

” Qu’elle est donc grande la puissance de la Prière ! On dirait une reine ayant à chaque instant libre accès auprès du roi et pouvant obtenir tout ce qu’elle demande. Il n’est point nécessaire pour être exaucée de lire dans un livre une belle formule composée pour la circonstance ; s’il en était ainsi… hélas ! que je serais à plaindre !… En dehors de l’office Divin que je suis bien indigne de réciter, je n’ai pas le courage de m’astreindre à chercher dans les livres de belles prières, cela me fait mal à la tête, il y en a tant !… et puis elles sont toutes plus belles les unes que les autres… Je ne saurais les réciter toutes et ne sachant laquelle choisir, je fais comme les enfants qui ne savent pas lire, je dis tout simplement au Bon Dieu ce que je veux lui dire, sans faire de belles phrases, et toujours Il me comprend… Pour moi, la prière, c’est un élan du cœur, c’est un simple regard jeté vers le Ciel, c’est un cri de reconnaissance et d’amour au sein de l’épreuve comme au sein de la joie ; enfin c’est quelque chose de grand, de surnaturel, qui me dilate l’âme et m’unit à Jésus. ” (Ms C, 25rv)


[1] Extrait d’une homélie du Ve siècle, La prière est la lumière de l‘âme, office des lectures du vendredi après les Cendres, https://www.aelf.org/2022-03-04/romain/lectures

[2] « Pour moi, la prière, c’est un élan du cœur, c’est un simple regard jeté vers le Ciel, c’est un cri de reconnaissance et d’amour au sein de l’épreuve comme au sein de la joie ; enfin c’est quelque chose de grand, de surnaturel, qui me dilate l’âme et m’unit à Jésus. » (Ms C, 25rv)

[3] Dans la langue coréenne, le mot ‘orphelin’ est construit avec deux caractères chinois. Le premier signifie précisément ‘solitude’ et le 2ème ‘enfant’.

DROIT D’AUTEUR

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