Méditation quotidienne du samedi 11 février : Lettre à une personne accompagnée (No 146 – série 2022 – 2023)

Évangile du Samedi 11 février 2023 – 5e semaine du temps ordinaire (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)

« Les gens mangèrent et furent rassasiés » Mc 8, 1-10

En ces jours-là, comme il y avait de nouveau une grande foule, et que les gens n’avaient rien à manger, Jésus appelle à lui ses disciples et leur dit : « J’ai de la compassion pour cette foule, car depuis trois jours déjà ils restent auprès de moi, et n’ont rien à manger. Si je les renvoie chez eux à jeun, ils vont défaillir en chemin, et certains d’entre eux sont venus de loin. » Ses disciples lui répondirent : « Où donc pourra-t-on trouver du pain pour les rassasier ici, dans le désert ? » Il leur demanda : « Combien de pains avez-vous ? » Ils lui dirent : « Sept. » Alors il ordonna à la foule de s’asseoir par terre. Puis, prenant les sept pains et rendant grâce, il les rompit, et il les donnait à ses disciples pour que ceux-ci les distribuent ; et ils les distribuèrent à la foule. Ils avaient aussi quelques petits poissons, que Jésus bénit et fit aussi distribuer. Les gens mangèrent et furent rassasiés. On ramassa les morceaux qui restaient : cela faisait sept corbeilles. Or, ils étaient environ quatre mille. Puis Jésus les renvoya. Aussitôt, montant dans la barque avec ses disciples, il alla dans la région de Dalmanoutha.

Méditation

À l’automne de votre existence, à l’aube de votre vie, vous avez franchi le seuil de ma porte vers la fin de l’après-midi. Vous vous êtes présenté, avec les premières marques de la pauvreté, les mains vides et si affamé. Vous étiez foule et désert, depuis longtemps assis, en quête d’une douceur vorace, d’une vie qui s’amplifie, quêtant du sens parfois en psychothérapie, parfois sur le divan d’un ami. À jeun de vivant, vous avez défailli quelques fois en chemin, trébuchant sur les ruines de vos idéaux malgré une vie que tous jugeaient plus que réussie. Vous êtes venu de loin.

Efforts, devoirs, exigences et mérites, vous avez tant travaillé, pétri, tracassé sans rien enfanter. Médaillé, diplômé, fortuné, affairé, repus mais affamé, pourquoi n’aviez-vous donc rien à manger ? Pourquoi ce gouffre en vous qui aspire la joie et expire la culpabilité ? Un abîme froid qui couvre un souvenir conjugal érodé, une espérance encroûtée, une enfance noyée tout au fond. Saturé, vous m’avez dit que vous n’aviez plus rien à perdre et vous vous êtes rassis, à mes côtés. Par terre.

Où donc pourra-t-on trouver du pain pour les rassasier ici, dans le désert?

En effet, où ? Vous avez foulé et refoulé les dunes de votre terre sacrée, profanant les tombes dédiées à un salut qui avait promis de vous sauver par vous-même. Retournant les pierres, nous avons retrouvé des restes d’enfance, si vivaces, nous avons déblayé les ruines d’un Royaume aux éclats bénis. Vous étiez donc un enfant-roi chéri par un Seigneur ? Sans attente et sans souci, sous une pluie que seul Dieu verse sur nos déserts, Sa parole a pris racine, l’espérance fut semée et l’enfant-roi a croqué l’épi en riant malgré vos sabbats et vos interdits.

Je n’avais rien pour vous mais je recevais tout. Le don de ma présence à travers laquelle Dieu vous contemplait, se mirait dans le don qu’il a placé en vous. Le trésor réapproprié sur le chemin honni et blessé, fissuré comme une chance risquée, comme une ouverture qui donne à voir un autre monde. Ouvrant ce trésor, vous m’avez tendu deux poissons et cinq pains. Comment nourrir cette foule égarée et si affamée en vous ? Dans votre désert arrosé, Sa parole vous a fait naître à vous-même comme un pain qui prend vie. Comme une grâce que vous goûtez pour la toute première fois et qui dit tout le bien de vous : « Tu es mon fils bien-aimé, en toi j’ai mis tout mon amour (Mt 3.17) ».

Tout l’amour du créé en vous ? Il ne pourra que déborder, il ne pourra qu’être donné à son tour. La foule rassasiée en vous se dissipe, ramassant les débris d’idéaux et les rognures d’absolu en quittant. L’espace s’élargit en vous, le vent souffle, la vie s’épaissit, l’amour n’est plus sentiment mais énergie. Dans l’écoulement, tout fait sens. La vulnérabilité devient vérité, la fragilité devient puissance et l’isolement fait place à une solitude habitée, grâciée dirait le père Girard. Le désert se fait maintenant pâturage, un Je se redresse qui avance sans savoir où il va. Toute la liberté tant rêvée dans une petite prière : Dieu seul suffit. Vous le saisissez, il ne s’agit plus de trouver le pain mais de l’incarner par sa vie, être abondance par notre don. Le Christ est venu pour vous et pour moi, il est venu pour nous, pour que nous ayons la vie et que nous l’ayons en abondance (Jn 10.10). Déjà, vous vous élancez, ne jetant pas même un coup d’œil aux pourceaux mieux nourris que vous ne l’étiez. Dans l’horizon du pardon et la joie du retour, vous marchez d’un bon pas, amoureux, avec un petit panier sous le bras. En direction des foules et du désert des autres, il contient bien deux poissons et cinq pains, il y aussi tout l’amour d’un Fils ainsi que le oui d’Abraham et de Marie mais, surtout, il contient l’émerveillement si divin de votre accompagnatrice. Sous mes yeux, le vivant et l’amour se prennent par la main invitant dans leur ronde, la merveille que vous êtes, m’invitant dans cette ronde par la grâce qui m’est faite.

Barbara Martel (bmartel@lepelerin.org)

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