Méditation quotidienne du vendredi 10 février : Jésus, l’être-accompagnateur (No 145 – série 2022 – 2023)

Image par Jackson David de Pixabay

Évangile du Vendredi 10 février 2023 – 5e semaine du temps ordinaire (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)

« Il fait entendre les sourds et parler les muets » Mc 7, 31-37

En ce temps-là, Jésus quitta le territoire de Tyr ; passant par Sidon, il prit la direction de la mer de Galilée et alla en plein territoire de la Décapole. Des gens lui amènent un sourd qui avait aussi de la difficulté à parler, et supplient Jésus de poser la main sur lui. Jésus l’emmena à l’écart, loin de la foule, lui mit les doigts dans les oreilles, et, avec sa salive, lui toucha la langue. Puis, les yeux levés au ciel, il soupira et lui dit : « Effata ! », c’est-à-dire : « Ouvre-toi ! » Ses oreilles s’ouvrirent ; sa langue se délia, et il parlait correctement. Alors Jésus leur ordonna de n’en rien dire à personne ; mais plus il leur donnait cet ordre, plus ceux-ci le proclamaient. Extrêmement frappés, ils disaient : « Il a bien fait toutes choses : il fait entendre les sourds et parler les muets. »

Méditation

Un récit de guérison bien bizarre et d’emblée incompréhensible. Jésus guérit un sourd en lui parlant, alors que cet homme n’entend pas! Ensuite, une fois qu’il récupère la précieuse parole, Jésus lui demande de ne pas en parler! Curieuse thérapie!

Si nous nous enfermons dans une lecture cloisonnée par les termes qui décrivent cette scène comme une démonstration grandiose d’un pouvoir magique chez le Christ, on n’ira pas loin puisque nous serons rattrapés par la frustration du fabuleux irréel.

Je nous invite à contempler cette rencontre de l’infirme avec Jésus, avec un regard qui s’ouvre sur ce qui peut faire sens pour nous dans ce récit. Tout commentaire restera évidemment limité, imparfait, teinté par notre couleur et histoire personnelle; le mien aussi de toute évidence, nuancé par la posture intérieure de l’accompagnatrice spirituelle.

Un sourd-muet est une personne qui n’est pas capable d’entendre la parole de l’A(a)utre, ni de lui communiquer sa propre parole. Voilà donc l’enjeu, cet homme privé de tout moyen de communication est enfermé en lui-même. Un des handicaps les plus lourds semble être la surdité. Tous ces sons qui rendent notre univers vivant ne sont plus audibles : le gazouillis des oiseaux, le frémissement du vent, la pluie qui tombe, l’eau qui coule, le rire d’un enfant, la musique d’un chant d’amour …La personne est enfermée à l’intérieur d’un silence terrible. Il n’y a pas que les pathologies d’ordre physiologique qui entrainent des mutismes et des surdités enfermant la personne en elle-même, les paroles blessantes et contaminées par le mal peuvent faire des ravages encore plus profonds. Nous rencontrons souvent en accompagnement, des hommes et des femmes qui ont été rendus muets par des paroles de rejets et des évènements implacables. Ligotés intérieurement par des chaines de peur et de faux crédos, ils se ferment pour ne plus risquer d’entendre ce qui fait mal, ils n’osent plus s’exprimer par crainte d’être rejetés. Cette rupture relationnelle contamine l’humain dans son entièreté, physique, psychique, cœur et âme, avec lui-même, avec l’autre et avec Dieu. De ce fait, ce récit évangélique nous invite à contempler l’être-accompagnateur de Jésus dans sa démarche avec le sourd-muet, ainsi que nos propres chemins de libération et de guérison.

« Jésus l’emmena à l’écart, loin de la foule » : ainsi commence la rencontre avec Jésus. Il offre au sourd-muet un espace privilégié, protégé des regards des autres, où ils vont se retrouver seuls face à face. Dans cet espace de discrétion, et sous le regard de tendresse posé sur lui, le sourd-muet va oser s’ouvrir et se révéler. Le cheminement de guérison ne peut se faire qu’au cœur d’une relation humaine de confiance, d’intimité, de charité et d’espérance, qui fera renaitre le désir de parole et de relation, l’aspiration à une vie en profondeur. Nous disons au Pèlerin qu’en relation nous avons été blessés, et c’est également en relation que nous pouvons guérir. À l’intérieur de cette relation, l’accompagnateur-trice, et à l’image de Jésus, va faire goûter à l’accompagné. e, que signifie écouter et parler.

« Jésus lui mit les doigts dans les oreilles, et, avec sa salive, lui toucha la langue. » Des gestes physiques symboliques, intimes et très humains qui expriment toute la densité affective de Jésus. L’Esprit circule à travers les gestes de Jésus, qui va faire don de sa proximité tendre et miséricordieuse au sourd-muet; au contact de l’Amour, la vie qui sommeille en lui va pouvoir bourgeonner et jaillir. 

« Les yeux levés au ciel, il soupira et lui dit : ‘Effata !’ ». Ce geste symbolique ouvre la porte vers une réalité invisible, vers l’indicible mystère de la Trinité, vers la circulation de l’Esprit et de l’Amour.  Jésus restaure l’infirme de communication, en le réveillant à cette relation à trois où Dieu se communique à travers la rencontre de l’un à l’autre. Parce que Jésus voit le Royaume de Dieu qui sommeille en lui, le sourd-muet pourra croire en cet espace inviolable en lui, où aucune parole blessante n’y a accès. 

C’est dans cette même posture intérieure tout ouverte à l’Esprit, avec une qualité de présence materno-paternelle, que l’accompagnateur-trice mettra tout son être à la disposition du Fils en communion avec Dieu; l’amour qui se révèlera au cœur de la rencontre n’est autre que la circulation de Dieu en eux et entre eux. Dans ce dépouillement de soi face à l’autre, quelque chose de l’Amour de Dieu va transparaitre; un amour gratuit plein de tendresse et de douceur, avec beaucoup de force et de fermeté. Baignant dans cette circulation d’A(a)mour, les oreilles de la personne accompagnée seront en mesure de s’ouvrir et sa langue de se délier, pour qu’enfin elle ose exister.

Puissions-nous laisser Jésus nous conduire à travers son être-accompagnateur vers notre Source intérieure, là où l’on est capable de puiser les forces pour retrouver le chemin de guérison.

Ce récit de guérison nous invite à se tourner vers Jésus, dans une disponibilité profonde à l’Esprit qui nous guide et nous enseigne afin que ce qui a eu lieu jadis, puisse se réaliser de nouveau aujourd’hui. Il s’adresse à chacun.e de nous, non seulement dans l’exclusivité de l’accompagnement spirituel mais dans notre vie au quotidien pour que chacune de nos rencontres puisse être espace d’A(a)mour où Dieu circule, puisse porter le potentiel d’une guérison intérieure.

Gladys EL Helou (gladyshelou@gmail.com)

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