Méditation : Pourquoi jeûnons-nous ?(no 145)

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Évangile du Vendredi 4 mars 2022 – Vendredi après les cendres (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions

« Des jours viendront où l’Époux leur sera enlevé; alors ils jeûneront » Mt 9, 14-15

En ce temps-là, les disciples de Jean le Baptiste s’approchèrent de Jésus en disant : « Pourquoi, alors que nous et les pharisiens, nous jeûnons, tes disciples ne jeûnent-ils pas ? » Jésus leur répondit : « Les invités de la noce pourraient-ils donc être en deuil pendant le temps où l’Époux est avec eux ? Mais des jours viendront où l’Époux leur sera enlevé ; alors ils jeûneront. »

Méditation

« Pourquoi, alors que nous et les pharisiens, nous jeûnons, tes disciples ne jeûnent-ils pas ? » Aujourd’hui en ce début de carême, je nous propose de poser la question inverse : Pourquoi jeûnons-nous ?  Et d’entendre Jésus nous répondre : «  parce que l’Époux n’est pas avec vous ». Cette réponse nous conduit à un jeûne qui trouve tout son sens dans la Vie avec l’Époux et dont le but n’est pas une faim éprouvée par la privation de nourriture mais par l’absence de l’Époux.

Paradoxalement, l’Époux est à la fois présent et absent à nous. Il est cette Présence qui nous attend dans l’intime de notre être et que nous recherchons souvent à l’extérieur ; Il est cette absence pour laquelle notre cœur languit sans repos jusqu’à ce qu’il repose en Lui « Tu nous a créé pour toi, et notre cœur est sans repos jusqu’à ce qu’il repose en toi […] Et voici que tu étais au-dedans, et moi au-dehors et c’est là que je te cherchais » (Saint Augustin).

La Parole venue du Cœur de Dieu taraude toujours notre esprit « je mets devant toi la vie ou la mort, la bénédiction ou la malédiction. Choisis donc la vie… » (Dt30,19); et Son Souffle nous pousse sans cesse au désert « je vais la séduire, je vais l’entraîner jusqu’au désert, et je lui parlerai cœur à cœur » (Os 2,16). Le désert est cette terre Sainte à l’intérieure de nous, cette terre d’accueil qui est Dieu en nous, où l’on ne peut entrer que par la porte étroite, où l’on ne peut avancer que les pieds nus. C’est cette terre de recueillement, de retrait dans notre demeure intérieure où notre cœur se retire en Dieu; c’est ce lieu de retrouvailles avec l’Époux où nous entendrons le cœur de Dieu murmurer à notre cœur Son Amour. Le désert n’est pas un chemin d’isolement mais un lieu d’union, ce n’est point vivre dans le vide mais se vider de soi pour laisser la plénitude nous habiter, ce n’est pas fuir le monde mais vivre notre présent dans l’omniprésence au Père.

Dès lors, notre jeûne signifie pour nous d’entrer dans l’attitude de celui(celle) qui veille et attend dans la joie le retour de l’Époux. Vivre dans cette tension quotidienne de la présence-absence de l’Époux, c’est plonger tout notre être dans le mystère pascal. Chaque instant de notre vie sera alors une danse entre la Croix et la Résurrection, entre la mort et la Vie, entre la dépossession et la plénitude de Dieu. Notre jeûne n’est pas un objectif mesurable à atteindre de l’ordre d’une pratique héroïque d’ascèse. Notre jeûne est pour nous faire goûter à cette faim et à cette soif, brûlantes de Jésus.

Nous ne pouvons pas entrer dans ce carême avec notre corps seulement, en s’imposant des privations, des pénitences, aumônes ou autres… mais en s’y plongeant entièrement, corps, esprit et cœur dans toutes nos instances relationnelles. Notre corps n’est pas en rivalité avec notre cœur ou avec notre esprit, ils forment une unité et ne peuvent grandir qu’en vibrant en parfaite harmonie ensemble; nous sommes appelés à la sainteté dans toutes les dimensions de notre être.  Ne sacrifions pas notre vitalité et nos passions humaines, mais emportons-les avec nous sur ce chemin du désert vers Jésus, laissons-les s’imbiber entièrement dans l’Amour divin et devenir ce clavier où se joue harmonieusement la musique de la Vie divine en nous. Il n’y a pas d’authentique jeûne du corps sans le jeûne du cœur et de l’esprit.

De quoi devons-nous jeûner? De tout ce qui n’est pas Dieu et de tout ce qui n’est pas humain. Jeûnons la consommation gourmande pour creuser notre faim de Dieu, jeûnons les possessions de toutes sortes pour retrouver la pauvreté qui nous recentre sur la miséricorde, jeûnons le bavardage vide pour retrouver le silence fécond de la Parole, jeûnons l’activisme effréné de notre quotidien pour retrouver le rythme paisible de Dieu, choisissons le chemin étroit du désert afin que tout ce qui est laissé désertique dans nos sociétés d’abondance retrouve un chemin de Vie : les personnes isolées et vulnérables, nos ainé(e)s, nos malades, les personnes exclues, violentées, abandonnées…

Que notre jeûne soit une mise à disponibilité sans retenue de nous-mêmes à Dieu, une plongée en Lui dans toute notre épaisseur humaine, qu’il soit une aventure d’intimité avec l’Époux, une oblation d’A(a)mour.

Ce chemin de carême est celui du dépouillement nécessaire à notre fécondité, de la dépossession qui nous ouvre à la plénitude, de la mort inévitable à tout ce qui est extérieur à notre identité filiale afin de naitre par en dedans. « A moins de naître par en-dedans, nul ne peut entrer dans le Royaume de Dieu » (Jn 3,5).

Ne faisons pas notre carême, mais laissons le carême nous faire; soyons nous-mêmes carême pour devenir Pâques.

Entrons dans notre carême non comme des soumis à un régime de lois, à une épreuve physique mais comme des invités de noce qui sont dans l’allégresse de retrouver l’Époux, qui se réjouissent d’emblée malgré toutes les épreuves et les cris de détresse, car ils savent dans la profondeur de leur être que le vin du ressuscité coule en eux.

Jeûner c’est se parfumer en l’honneur de l’Époux (Mt 6,17), c’est se purifier afin de sentir la bonne odeur du Christ (2 Co 2,15).

Gladys El Helou

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