Méditation quotidienne du dimanche 5 février: L’Amour en danger (No 140 – série 2022-2023)

Image par Sam Williams de Pixabay

Évangile du Dimanche 5 février 2023 – 5e dimanche du temps ordinaire (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)

« Vous êtes la lumière du monde » Mt 5, 13-16

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Vous êtes le sel de la terre. Mais si le sel devient fade, comment lui rendre de la saveur ? Il ne vaut plus rien : on le jette dehors et il est piétiné par les gens.
Vous êtes la lumière du monde. Une ville située sur une montagne ne peut être cachée. Et l’on n’allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau ; on la met sur le lampadaire, et elle brille pour tous ceux qui sont dans la maison. De même, que votre lumière brille devant les hommes : alors, voyant ce que vous faites de bien, ils rendront gloire à votre Père qui est aux cieux. »

Méditation

Le texte évangélique qui nous est présenté est celui qui suit les Béatitudes de dimanche dernier (méditation no 133), ce dernier étant en lien avec la médiation 130. La séquence se lit donc ainsi. Nous avons approfondi à la méditation 130 l’Amour dévoilé, à savoir que l’Amour de Dieu en nous comme en tout ne cesse de nous être offert gratuitement; c’est le secret le moins bien gardé. À la méditation 133, à travers les Béatitudes, nous avons compris qu’il y a aussi la part de l’humain et pour que l’Amour soit en dévoilement en nous il a besoin que nous entrions dans ces attitudes filiales décrites par les Béatitudes. Aujourd’hui, après l’Amour dévoilé et l’Amour en dévoilement, nous sommes devant l’Amour en danger. La difficulté pourrait être formulée ainsi : Qu’arrivera-t-il si nous ne vivons pas des Béatitudes, de ce qui nous rend proprement humain et qui, à ce titre, rend possible l’incarnation de l’Amour en nos vies ? Comme dit le texte : “Vous êtes le sel de la terre. Mais si le sel devient fade, comment lui rendre de la saveur ? Il ne vaut plus rien : on le jette dehors et il est piétiné par les gens.”

Ce n’est pas sans raison que Jésus, tout de suite après avoir décrit ce qui nous rend humain, met en garde ses disciples s’ils n’adoptent ces Béatitudes qui constituent le fondement même de leur humanité et qui non seulement rendent l’union d’Amour à Dieu possible mais sont les conditions de la découverte du don d’Amour qu’ils sont en Dieu. Si les disciples, et nous à leur suite, n’accueillons pas, de par les Béatitudes, le don d’Amour de Dieu que nous sommes, dons de Dieu unique dans toute l’histoire du monde, l’humain devient tellement opaque au resplendissement lumineux de l’Amour et sans possibilité de rendre le goût de cet Amour pour les autres, que l’humanité marche vers son extinction.

N’est-ce pas ce que nous observons en notre temps ? Plus personne ne nous enseigne que “nous sommes responsables de notre “part de ciel” qui peut changer l’humanité.”1 Plus personne ne nous aide à contempler et à cueillir l’Amour dévoilé ni ne nous apprend comment nous préparer à être ce lieu de son dévoilement. Pour une grande part, nous avons confié notre vie à la science qui est devenue la religion moderne du salut, la source mécanique de notre transformation.

Mais dites-moi comment un jeune de 14 ans peut-il trouver son identité en faisant remodeler son corps de garçon à fille ? N’y a-t-il pas, d’abord, à permettre à ce jeune d’entrer dans l’écoute de cet Amour qui se donne à lui et veut lui faire découvrir le don précieux et unique qu’il est, don sans prix de vie et d’amour pour ce monde ? La science déplace notre humanité de l’intérieur vers l’extérieur mais l’identité n’est pas une chose mesurable et manipulable mais la découverte émerveillée d’un coeur qui trouve son lieu de pureté afin de découvrir la beauté du don qui l’habite. L’humain n’est pas une chose à manipuler mais un être sans prix portant tout le poids de l’Infini. Et c’est ce poids seul de Vie, d’Amour et de Vérité en lui qui peut transformer le monde.

Dites-moi comment se fait-il que nous pouvons accepter que la génétique moderne reprogramme l’humain, car il n’est à ses yeux qu’une machine qui peut être “hackée” ? Comment acceptons-nous que, de plus en plus, dans nos assiettes, nous est offert de la nourriture modifiée génétiquement (ogm) que nous mangeons malgré tous les problèmes de santé qu’elle nous crée ? Et que cette nourriture devient une nourriture brevetée et possédée par de grandes compagnies et imposée aux agriculteurs et aux chaînes d’alimentation ? Ne sommes-nous pas loin des doux des Béatitudes, qui “posséderont la terre” (Mt 5, 4), parce que, pour eux, ils ne vivent pas dans la violence du profit mais dans une communion avec la terre et un respect de cette maison commune offerte par Dieu en partage à tout humain.

Comment naître et grandir si les crises que nous traversons n’ont souvent comme seule réponse la médication (antidépresseurs ou autres) ? Ou, pire encore, que ces crises, qui sont proprement humaines avec leur temps de dépression, d’isolement, de deuil, etc., deviennent des diagnostics psychiatriques dont la science veut nous effacer toute douleur ? La science devenant non seulement l’outil de notre effacement mais, aussi, l’obligation médicamenteuse de notre bonheur. “Dans notre société interdisant l’accès à notre profondeur, il n’y a plus que la crise pour “briser ces murs autour de nous” (…) Parce que la crise permet l’émergence de notre être véritable”2. Si nous refusons la pauvreté de coeur que les crises nous offrent, cette expérience de ce qui est immuable en nous quand tout semble s’effondrer, comme découvrirons-nous le Royaume des cieux ?

Il y aurait tant d’exemples à donner comment ce monde nous empêche d’entrer en Béatitude et de connaître l’Amour qui se donne, continuellement, gratuitement. Mais Jésus nous a donné la clef des Béatitudes pour trouver le chemin de notre humanité. Et il nous dit : “vous êtes le sel de la terre et la lumière du monde”. Jésus, par ce texte, veut appeler ses disciples et nous à leur suite de communiquer à toutes et à tous le goût d’humanité et de divinité que nous sommes. Il veut que nous illuminions ce monde par la Lumière d’Amour qui nous traverse. Il désire que nous vivions dans la dignité et la grandeur de notre humanité, humanité qui peut seule être portée par un coeur pauvre, doux, miséricordieux, pur, etc. et être la source réelle de la transformation du monde. Donner ce que nous sommes, parce que nous l’avons accueilli de Dieu, est donner Dieu.

La transformation du monde part donc de la naissance intérieure de chacun.e à son identité véritable donnée d’Amour par Dieu, car c’est de ce point en nous où l’humain et le Divin ne font plus qu’un que nous engendrons la Vie. Si nous ne faisons que nous fier à la science, nous sommes continuellement déportés hors de nous, sans accès à ce qu’il y a de plus précieux en nous, à savoir nous-mêmes, les autres et Dieu.

L’extinction de notre humanité et de ce monde ne commence-t-elle pas justement quand notre être s’éteint et que la vie et l’amour deviennent fades ?! Si nous prenons le chemin des Béatitudes et de notre naissance en Dieu et de Dieu en nous alors la Vie triomphe et nous participons au salut du monde !

Stéfan Thériault (stheriault@lepelerin.org)

  1. Audrey Fella, Christiane Singer Une vie sur le fil de la merveille, Albin Michel, 2022, p. 153.
  2. Ibid p. 150-151.

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