Méditation : Être Trinité (No 138)

Évangile du Vendredi 25 février 2022 – 7e semaine du temps ordinaire (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions

« Ce que Dieu a uni, que personne ne le sépare ! » Mc 10, 1-12

En ce temps-là, Jésus arriva dans le territoire de la Judée, au-delà du Jourdain. De nouveau, des foules s’assemblèrent près de lui, et de nouveau, comme d’habitude, il les enseignait. Des pharisiens l’abordèrent et, pour le mettre à l’épreuve, ils lui demandaient : « Est-il permis à un mari de renvoyer sa femme ? » Jésus leur répondit : « Que vous a prescrit Moïse ? » Ils lui dirent : « Moïse a permis de renvoyer sa femme à condition d’établir un acte de répudiation. » Jésus répliqua : « C’est en raison de la dureté de vos cœurs qu’il a formulé pour vous cette règle. Mais, au commencement de la création, Dieu les fit homme et femme. À cause de cela, l’homme quittera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme, et tous deux deviendront une seule chair. Ainsi, ils ne sont plus deux, mais une seule chair. Donc, ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas ! »
De retour à la maison, les disciples l’interrogeaient de nouveau sur cette question. Il leur déclara : « Celui qui renvoie sa femme et en épouse une autre devient adultère envers elle. Si une femme qui a renvoyé son mari en épouse un autre, elle devient adultère. »

Méditation

« Des pharisiens l’abordèrent et, pour le mettre à l’épreuve, ils lui demandaient : “Est-il permis à un mari de renvoyer sa femme ?” » D’entrée jeu, il me semble que cette question dépeint l’humain, comme une créature ratatinée, pauvre, méprisable qui se remet à une impuissance indiscutable, Dieu, pour boucher les trous de son inconnaissance et pour qu’Il fasse à sa place ce qu’elle ne veut pas ou ne peut pas faire. Dieu n’a pas le goût de cette prétendue soumission d’esclaves, Il ne veut pas faire de nous des serviteurs aveugles et sourds, Il veut des amis qu’Il aime éternellement et qui savent aimer du même Amour que Lui.

Dans une époque, où l’amour est victime des plus grands drames que l’humanité n’a jamais connue, violence, meurtre, maltraitance, marchandage… dans une époque où nous nous répudions, nous nous rejetons, nous nous trahissons à la moindre épreuve, difficulté, disparité… cette question de l’Évangile d’aujourd’hui entrouvre la page de toute l’histoire de l’humanité et de Dieu, histoire d’alliances trahies et rompues.

« Mais, au commencement de la création, Dieu les fit homme et femme. » Par ce rappel de notre origine humaine en Dieu, Jésus remet la question de notre amour à sa juste place, car le sacrement d’A(a)mour auquel nous sommes appelés dès notre origine, est une manière d’exister dans toutes nos relations : couple, conjoint(e), consacré(e), ami(e), parent, enfant, communauté, fraternité…

« À cause de cela, l’homme quittera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme, et tous deux deviendront une seule chair. Ainsi, ils ne sont plus deux, mais une seule chair. Ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas ». Avec cette Parole qui peut nous sembler aujourd’hui, humainement impossible, Jésus n’est pas venu rendre nos lois parfaites, ni nous faire porter des jougs absurdes, Il est venu élever notre amour au quotidien, au rang du Sien, de ce Mystère qui n’existe pas sans la Croix. Quitter, s’affranchir de nos limites et de nos blessures humaines pour être capable de rejoindre l’autre dans sa vérité la plus profonde, de l’accueillir dans la beauté de son altérité, de contempler le mystère divin en lui(elle). C’est un appel à épouser le mystère de l’autre, lequel ne peut se faire qu’après s’être laissé épousé nous-même par Dieu en Son Fils. C’est un appel à transformer nos relations en un espace de communion, en un lieu trinitaire, à devenir mutuellement don total, à devenir nous-même Trinité.

Dieu n’est jamais dans la contrainte, dans la servitude, dans la violence, dans la possession, Il ne fait pas intrusion dans notre espace sacré, Il ne viole pas la liberté de nos discernements, Il ne nous demande pas de disparaitre, de fusionner, de ne pas exister face à l’autre; mêler Dieu à nos faux systèmes d’amour c’est faire de Lui une caricature impensable et inacceptable. Aimer n’est pas et ne sera jamais un carcan étouffant, un poids écrasant. Aimer sera toujours une joie imprenable comme l’exprime le Pape François.

L’amour dans son essence est pauvreté et nous ne pouvons le vivre que dans l’extrême humilité, qui loin de nous humilier, nous révèle notre vraie identité trinitaire. Sans ce mystère trinitaire, tous nos amours sont stériles car ils sont le fruit d’un égoïsme qui s’idolâtre.

Ne protégeons pas nos amours et nos amitiés des croix, car c’est justement à travers les épreuves que nous nous exerçons à aimer, que notre amour est émondé, élevé à un ordre divin. Nos limites affectives nous dépouillent, nous ouvrent à la circulation du Souffle, de l’Amour qui Lui, peut au-delà de tout ce que nous pouvons.

N’enfermons pas notre amour dans un repli sur nous-mêmes mais dans une ouverture à la vie de l’Esprit en nous. Laissons le Souffle circuler entre nous tel un pur élan vers l’autre, vers notre amoureux(se), notre ami(e), notre consœur ou notre confrère, que notre position soit une déposition, que notre affirmation soit un renoncement et que notre être soit un pur regard vers l’A(a)utre, où l’on s’éprouve en s’assimilant au cœur de Dieu, où l’on se saisit dans un don total de nous-même.

Ce qui doit rester indissoluble est avant tout notre alliance avec Dieu, avec l’Amour de notre origine. Jésus nous appelle non à subir notre vie mais à choisir la Vie, à s’engager dans cet Amour nuptial où Dieu nous attend à genoux pour nous offrir Son Cœur avec l’anneau d’or des épousailles éternelles. Et si nous perdons l’Époux, nous perdons la Lumière, nous perdons notre chemin et notre direction.

Tous nos mariages, toutes nos alliances sont appelées à être des sacrements trinitaires parce qu’ils unissent deux personnes, deux intimités divines, deux mystères d’éternité.

Gladys El Helou

Et qu’en est-il du Mariage, maître ?

Et il répondit en disant :

Vous êtes nés ensemble, et ensemble vous serez pour toujours.

Vous serez ensemble quand les blanches ailes de la mort disperseront vos jours.

Oui, vous serez ensemble même dans la silencieuse mémoire de Dieu.

Mais laissez l’espace entrer au sein de votre union.

Et que les vents du ciel dansent entre vous.

Aimez-vous l’un l’autre, mais ne faites pas de l’amour une chaîne.

Laissez-le plutôt être une mer dansant entre les rivages de vos âmes.

Emplissez chacun la coupe de l’autre, mais ne buvez pas à la même coupe.

Donnez à l’autre de votre pain, mais ne mangez pas de la même miche.

Chantez et dansez ensemble et soyez joyeux, mais laissez chacun de vous être seul.

De même que les cordes du luth sont seules pendant qu’elles vibrent de la même harmonie. Donnez vos cœurs, mais pas à la garde l’un de l’autre.

Car seule la main de la Vie peut contenir vos cœurs.

Et tenez-vous ensemble, mais pas trop proches non plus ;

Car les piliers du temple se tiennent à distance,

Et le chêne et le cyprès ne croissent pas à l’ombre l’un de l’autre.

                                                                                       Khalil Gibran

                                                                                        Le Prophète

DROIT D’AUTEUR

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