Évangile du Mercredi 25 janvier 2023 – La Conversion de Saint Paul- 3e semaine du Temps ordinaire (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)
« Allez dans le monde entier, proclamez l’Évangile » Mc 16, 15-18
En ce temps-là, Jésus ressuscité se manifesta aux onze Apôtres et leur dit : « Allez dans le monde entier. Proclamez l’Évangile à toute la création. Celui qui croira et sera baptisé sera sauvé ; celui qui refusera de croire sera condamné. Voici les signes qui accompagneront ceux qui deviendront croyants : en mon nom, ils expulseront les démons ; ils parleront en langues nouvelles ; ils prendront des serpents dans leurs mains et, s’ils boivent un poison mortel, il ne leur fera pas de mal ; ils imposeront les mains aux malades, et les malades s’en trouveront bien. »
Méditation
Récemment dans le journal, une chroniqueuse, psychologue de son état, interrogeait son lectorat : qu’attendez-vous de la vie ? Sans résolution du jour de l’an, sans engagement, sans objectifs ni plan de carrière, sans rien faire, que récolterions-nous de la vie ? Seulement être, seulement être souffle, avec ses respires et ses soupirs.
Derrière la passivité au fondement de notre vulnérabilité, s’agite ce sentiment d’inutilité, de vacuité qui assaille tant notre contemporanéité. De la compulsion du faire à la contemplation habitée du rien, la trace de nos présences en ce monde se dérobe à nos efforts. En nos jours fatigués, le désir profond d’être, cet être décapé du mérite ainsi que du besoin de faire et de faire bien, se couvrent de symptômes et d’appellations psychopathologiques intrigantes. Anxiété de performance, trouble de l’adaptation, souffrance morale. Notre chroniqueuse conclut son article avec cette seconde question, imbibée d’humilité : « Si vous vous disposiez au « recevoir » plutôt qu’au « dépassement de soi », si vous vous laissiez travailler par l’existence plutôt que de travailler sur elle, que se passerait-il ? (Plaat, N., Le Devoir, 9 janvier 2023) ».
Le chemin proposé par l’Évangile aujourd’hui est celui de ceux et de celles qui se laissent façonner par la Vie dans la vie. Porteurs d’une parole reçue qui rend vivante l’existence, ils sont des êtres-paroles du Christ. Envoyés et confiants dans le don reçu et qui continue de se recevoir en se donnant, ces êtres porte-paroles, ces disciples, parlent avec une langue renouvelée, capturent des serpents à main nue, résistent au mal qui s’infiltre et libèrent leurs contemporains. Envoyés dans le monde, ils ne semblent plus adhérer à ce monde. Ils ne le fuient pas mais n’y sombrent plus, ils ne s’y épuisent plus ni ne meurent à ses exigences du faire, à ses normes et à ses mérites. Ils fonctionnent par rayonnement avec des mots désuets, poétiques et si vrais : amour, pitié, joie, paix, mais aussi grâce, péché, salut. Ils marchent lentement en se hâtant, au rythme des accompagnements. Ils font souvent halte pour faire volte-face afin que leur regard se tourne vers, se plante dans les autres et contemple l’Autre. Cet Autre qui met en marche, qui est élan et envoi, qui est vie devant soi.
Questionner mes possessions pour les délier, capturer mon serpent-salut avec ma vulnérabilité, puiser le courage de traverser mes morts avalées, consentir à ces mains tendues qui m’ont accueillie, portée puis libérée. Il y a 10 ans, je goûtais pour la première fois un accompagnement spirituel. Une multitude d’instants où j’ai été touchée, une multitude d’instants où Dieu était si présent, avec la surprise de savoir qu’il y a toujours été. Il y a 10 ans, je rencontrais cette envoyée avec mon grabat d’attentes déçues, pleine de soi et dépassée, fuyant devant moi-même.
Et puis, j’ai reçu. Dans la nudité, la chair et mes rêves d’enfance revenus. Dans les rencontres et les regards, dans une parole qui surgit. Comment lui dire merci à l’aube de sa retraite ? Signe de la confiance et de la présence de Dieu, j’aime croire qu’elle m’a été envoyée. Sage femme, elle m’a aidée à accueillir et à mettre au monde le don de vie que je suis. Le Christ nous le murmure encore et encore : « ma vie, personne ne me l’enlève, mais c’est moi qui la donne de moi-même (Jn 10.18) ».
Accueillir l’existence, se laisser travailler par elle et l’offrir, que se passerait-il ? Il se passerait une vie inattendue. Une vie qui célèbre la naissance de ce qui était perdu, une vie sans attente et sans faire autre que de se laisser façonner par l’Amour qui me veut ressemblante, qui me veut rayonnante et qui me veut disciple.
Barbara Martel (bmartel@lepelerin.org)
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