Méditation : Recette pour multiplier les pains (No 125)

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Évangile du Samedi 12 février 2022 – 5e semaine du temps ordinaire (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions

« Les gens mangèrent et furent rassasiés » Mc 8, 1-10

En ces jours-là, comme il y avait de nouveau une grande foule, et que les gens n’avaient rien à manger, Jésus appelle à lui ses disciples et leur dit : « J’ai de la compassion pour cette foule, car depuis trois jours déjà ils restent auprès de moi, et n’ont rien à manger. Si je les renvoie chez eux à jeun, ils vont défaillir en chemin, et certains d’entre eux sont venus de loin. » Ses disciples lui répondirent : « Où donc pourra-t-on trouver du pain pour les rassasier ici, dans le désert ? » Il leur demanda : « Combien de pains avez-vous ? » Ils lui dirent : « Sept. » Alors il ordonna à la foule de s’asseoir par terre. Puis, prenant les sept pains et rendant grâce, il les rompit, et il les donnait à ses disciples pour que ceux-ci les distribuent ; et ils les distribuèrent à la foule. Ils avaient aussi quelques petits poissons, que Jésus bénit et fit aussi distribuer. Les gens mangèrent et furent rassasiés. On ramassa les morceaux qui restaient : cela faisait sept corbeilles. Or, ils étaient environ quatre mille. Puis Jésus les renvoya. Aussitôt, montant dans la barque avec ses disciples, il alla dans la région de Dalmanoutha.

Méditation

Nous voici à la seconde multiplication des pains. Questionnons-nous à savoir quelle est la recette pour une telle multiplication ? car les deux multiplications en Marc semblent regrouper les mêmes éléments essentiels. Je retiens sept éléments, comme les sept pains du récit, : une foule, la faim, un endroit désert, la compassion de Jésus, le désarroi des disciples, un peu de pains et l’obéissance des disciples.

La foule, elle est assurément bigarrée mais elle possède une qualité particulière. Jésus nous la révèle : “depuis trois jours déjà ils restent auprès de moi”. Elle forme déjà, à sa façon, une communauté où le Christ est le centre d’attention. Comme Jésus le dira ailleurs : ” Que deux ou trois, en effet, soient réunis en mon nom, je suis là au milieu d’eux” (Mt 18, 20). Ce premier élément nous donne donc non seulement la clef de la présence de Jésus mais d’une humanité qui se met sur le chemin de devenir “corps” du Christ. Et, pour un tel corps, Dieu ne peut que désirer le nourrir.

Le deuxième élément de la recette repose sur un autre aspect intérieur des personnes qui s’y trouvent : la faim. Ce qui est particulièrement intéressant est que le texte ne met pas en leurs bouches ce besoin de manger mais c’est le Christ qui le remarque : ils “n’ont rien à manger”. Comme si Dieu savait mieux que nous, ce dont nous avons besoin. De fait, il est facile d’entendre que Jésus ne nomme pas seulement une faim physique mais une faim de Dieu, de salut, de libération de leurs souffrances,… Comme pour le récit de l’hémorroïsse, vu précédemment, chaque personne dans cette foule effleure de foi l’être de Jésus. Dans une telle situation, nous devons nous rappeler que Dieu ne peut que répondre, à cause de l’Amour infini qu’Il nous porte. Ne cessons jamais, jour après jour, d’effleurer Dieu d’une foi aimante.

Le troisième élément de la recette est l’endroit désert. Nous nous souvenons toutes et tous de ce verset d’Osée : “C’est pourquoi je vais la séduire, je la conduirai au désert et je parlerai à son cœur” (Os 2, 16). La qualité du désert est celle du dépouillement. Au désert, il n’y a rien, sinon Dieu et nous. Rien de ce qui faisait notre quotidien, avec tous ses attraits. Qu’une simple nudité ! Qu’un pur dépouillement ! C’est le lieu ou l’état où Dieu peut vraiment se donner, car nous ne sommes plus encombrés intérieurement par tout ce monde qui entre à pleines portes en nous et qui devient le centre de tout. Il nous est possible alors de “rester avec Dieu”. Lui seul suffit alors. Dieu peut alors nous séduire de l’intérieur et nous parler au coeur. Et c’est là la véritable multiplication des pains, qui échappe à notre regard.

Le quatrième élément est : “j’ai de la compassion pour cette foule”. La multiplication des pains n’est pas l’expérience d’un “service” rendu par Jésus et dans lequel on distribue du pain (nos sacrements dans l’Église ont été tellement chosifiés). Mais c’est l’établissement d’une relation d’Amour entre Dieu et nous. Dans la première multiplication, il est dit : “Il fut saisi de compassion envers eux, parce qu’ils étaient comme des brebis sans berger. Alors, il se mit à les enseigner longuement”. Ici nous retrouvons la même compassion, car Jésus craint qu’ “ils vont défaillir en chemin”. Dans les deux multiplications, Jésus offre sa Parole, c’est-à-dire Lui-même, soit en enseignant soit sous la forme du pain. Ce Dieu remué jusqu’aux entrailles nous entrouvre déjà le mystère de ce Coeur transpercé sur la Croix, mystère d’un Amour sans mesure pour nous, “infiniment multiplié”.

Puis, il y a le désarroi des disciples exprimé dans ces paroles : “Où donc pourra-t-on trouver du pain pour les rassasier ici, dans le désert ?” Eux qui sont en présence du Fils de Dieu, du Verbe (Parole) même de Dieu, du Pain de Vie descendu du ciel pour eux, montrent leur incompréhension profonde de ce qui survient, et ce, pour la deuxième fois. N’aurait-il pas dû savoir ? Mais nous ne pouvons leur en vouloir sans se condamner nous-mêmes, car tant de fois Jésus a multiplié les pains dans nos vies et fait résonner sa Parole et, pourtant, nous n’y comprenons encore rien. Ils ne comprennent pas non plus pour quel rassasiement Jésus est venu. Nous sommes durs de coeur et de comprenure. Mais cela n’empêche pas Dieu de nous aimer. Au contraire, cela enflamme sa compassion pour nous et provoque en Lui la multiplication de son Amour.

Quelle tendresse alors de Jésus ! qui nous révèle le sixième élément de la recette de la multiplication des pains. “Combien de pains avez-vous ?” Jésus multiplie notre vie non de manière magique mais à partir même de notre humanité et de la pauvreté de ce que nous possédons. Par ces mots, Jésus ne nous demande pas l’extraordinaire, Il nous appelle simplement à lui livrer “notre peu” : sept pains pour des milliers de personnes. Le débordement de notre vie repose sur Celui qui en nous est la Parole qui crée tout et nous engendre. C’est de l’écoute intérieure de la Parole que la Vie de Dieu, celle de l’Esprit, se multiplie et se communique. Plus notre coeur sera ouvert, plus Dieu se donnera par nous et se multipliera de Vie dans le coeur de toutes les personnes que nous croiserons, même au-delà de nous.

Enfin, le dernier élément de la recette est l’obéissance. Si, au désert, le Père nous parle par sa Parole qui est le Fils, notre seule réponse est l’obéissance à cette Parole, comme Marie a demandé aux serviteurs à Cana : “Tout ce qu’Il vous dira, faites-le” (Jn 2, 5). La seule possibilité que survienne la multiplication des pains dans notre vie est l’obéissance à la Parole, qui signifie l’abandon complet de nous-mêmes à cette Parole. Cette Parole, alors, nous fera “parole” et ce Pain de Vie nous transformera en “pains de vie”. Ainsi, l’humain et Dieu se communient et peuvent alors se multiplier librement pour toutes et tous !

Méditons bien cette recette de la multiplication des pains, afin que la pâte de tout notre être puisse lever au Souffle de l’Esprit et en obéissance à la Parole !

Stéfan Thériault (stheriault@lepelerin.org)

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